La menace de la privatisation d’ADP sur les aérodromes dits secondaires…
La « grande presse » évoque régulièrement les projets du gouvernement – via l’Agence des participations de l’Etat (APE) – de privatiser Aéroports de Paris (ADP). Ceci fait écho aux promesses pré-électorales visant à privatiser certaines sociétés pour créer un fond de 10 milliards d’euros visant à dynamiser l’industrie et l’innovation. Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, a déjà participé à la privatisation des aéroports de Lyon, Nice et Toulouse pour un total d’environ 2 milliards d’euros. Un premier projet de privatiser ADP avait échoué en 2015, suite à la décision du Premier ministre de l’époque, Manuel Valls.
ADP, qui gère principalement Paris-Orly et Paris-CDG, est ainsi sur la liste – voire en sommet de liste en compagnie de la Française des Jeux – avec une participation du gouvernement s’élevant à 50,63% du capital, pour une valeur estimée de 7 milliards d’euros. Pour vendre ADP, le gouvernement va passer par une première étape visant à concéder à ADP une concession d’exploitation des sols passant de 50 à 100 ans pour éviter une remise à plat du statut d’ADP. ADP gère ou a des participations dans 35 aéroports, notamment en Arabie saoudite, en Belgique, au Brésil, au Cambodge, au Chili, en Georgie, au Japon, au Portugal, en République dominicaine et en Turquie.
Divers investisseurs européens et chinois – on a déjà vu les fameuses « retombées » du rachat de l’aéroport de Toulouse par des capitaux chinois… – ont indiqué leur intérêt pour entrer au capital, dont notamment le groupe Vinci ayant déjà un pied dans ADP avec 8%. Le groupe de BTP et d’infrastructures souhaite ainsi racheter la totalité des parts détenues par l’Etat si la privatisation est totale ou se « renforcer au capital » de l’exploitant des aéroports de Paris en cas de privatisation partielle. Vinci avait déjà acquis 4,7% du capital d’ADP à l’Etat en 2013, ne cachant pas sa stratégie à prendre le contrôle d’ADP à l’avenir. Plusieurs banques d’affaires sont déjà sur la sellette pour conseiller d’éventuels repreneurs.
Si le groupe Vinci est resté très « en retrait » dans les médias suite à l’abandon – enfin ! – du projet de nouvel aéroport à Notre-Dame des Landes (NDDL), c’est aussi avec en arrière-plan les actuelles ou futures discussions relatives à la privatisation d’ADP… Il vaut mieux ne pas monter au créneau face à une décision du gouvernement quand au même moment, on demeure gestionnaire de l’aéroport de Nantes-Atlantique qui va être restructuré et que l’on vise ceux de Paris.
Et si Vinci Airports devenait principal actionnaire d’ADP en reprenant les parts de l’Etat – les gestionnaires hollandais de l’aéroport de Schiphol détiennent actuellement également 8% du capital d’Aéroports de Paris – il ne faut pas oublier que ADP gère malheureusement les aérodromes dits secondaires autour de la capitale. C’est là qu’une menace plane à l’avenir.
Si le site de Vinci Airports ne mentionne pour la France que Lyon-Saint-Exupéry, Nantes-Atlantique, Rennes-Bretagne, Toulon-Hyères, Clermont-Ferrand-Auvergne, Grenoble-Alpes-Isère, Chambéry-Savoir-Mont-Blanc, Dinard-Bretagne, Poitiers-Biard, Saint-Nazaire-Montoir, Lyon-Bron et Pays d’Ancenis, il faut rajouter à cette liste tous les aérodromes encore en vie autour de la capitale.
Si l’établissement public autonome a vu le jour en octobre 1945, c’est un décret interministériel d’avril 1949 qui a fixé son périmètre d’action, comprenant alors Orly, Le Bourget, Pontoise mais aussi Chavenay-Villepreux, Chelles-le-Pin, Coulommiers-Voisin, Creil, Guyancourt, Issy-les-Moulineaux, Les Mureaux, Lognes-Emerainville, Meaux-Esbly, Mitry-Mory, Persan-Beaumont, Saint-Cyr l’Ecole et Toussus-le-Noble.
En 1988, Guyancourt sera déclassé puis fermé en octobre 1989. Les promesses gouvernementales de l’époque, de créer un nouvel aérodrome pour l’aviation générale, resteront à l’état de projet, avec un transfert imposé aux utilisateurs vers la plate-forme d’Etampes-Mondésir. Etonnamment, cet aérodrome – par un tour de passe-passe – a alors bénéficié d’une extension géographique du périmètre d’Aéroports de Paris pour qu’ADP puisse « gérer » ce terrain après quelques travaux dont une piste en dur et de nouveaux hangars.
Devenu société anonyme en juillet 2005, Aéroports de Paris par la gestion d’aéroports et aussi la conception/réalisation de plates-formes aéroportuaires, a pour objectif de « cracher du cash » pour les actionnaires, stratégie renforcée par l’arrivée en novembre 2012 au poste de PDG, pour un mandat de cinq ans, d’un financier issu de la Caisse des Dépôts et Consignations, Augustin de Romanet de Beaune – stratégie qui ne pourra que se renforcer avec la privatisation partielle accrue ou totale de l’établissement.
Et avec Vinci Airports à la tête, on peut à juste titre avoir quelques craintes quand on note que le groupe est gestionnaire de l’aéroport de Clermont-Ferrand-Auvergne, où le bail annuel d’un aéro-club doit passer en 2018 de 4.200 à 23.000 euros, d’après un reportage récemment diffusé sur France 3. ♦♦♦