Une curiosité du génie français pour l’avion léger…
En aviation, la France a longtemps eu la réputation de proposer des solutions inédites. Au grand étonnement des Américains, c’était encore le cas en 1950… Ils remarquèrent l’idée un peu farfelue d’un inventeur anonyme français : l’hélice à fente. De cette idée nous n’en connaissons que deux photos.
La première, prise sur un aérodrome de la région parisienne, celle d’un Norécrin ainsi équipé. On ne sait rien d’autre. Cependant on voit bien que ce ne sont pas deux hélices véritablement accolées mais deux hélices qui semblent identiques sur le même axe, laissant un espace entre elles.
La deuxième photo est celle de l’hélice à fente montée sur un avion particulièrement bizarre, avion qui semble n’avoir volé que peu de fois, le Millet-Lagarde ML-10. On y distingue parfaitement la deuxième hélice près du moteur, hélice qui semble différente de sa consoeur. Le Millet-Lagarde, gros biplan quadriplace, était équipé d’un moteur Régnier de 160 ch qui semblait faible pour atteindre les 220 km/h de croisière revendiqués. L’hélice à fente semblait être une des solutions pour décoller plus facilement. Toutefois, les rares autres photos de cet étrange oiseau le montrent toujours avec une hélice traditionnelle…
L’hélice à fente n’a pas eu de descendance. En effet, elle est une aberration technique et il semble curieux qu’elle ait pu être installée sur de réels avions. Si deux hélices tournent dans le même sens, la deuxième reçoit le flux d’air accéléré de la première, et « pédale dans la semoule ». Il lui faudrait alors beaucoup de pas, ce qui n’est pas le cas dans ces photos.
Autre exemple d’utilisation de fente : les ailerons ou volets à fente. Le flux d’air qui passe par la fente est accéléré par effet venturi et vient se recoller sur l’extrados du volet pour en augmenter la portance à vitesse constante. Ce qui est l’effet recherché. Et faire passer un flux d’air par la fente augmente aussi la trainée. Ce qui est, dans le cas d’un atterrissage, aussi l’effet recherché. Mais pour une hélice à fente, augmenter la trainée est une catastrophe car cette augmentation de trainée est loin d’être compensée par une augmentation de la portance… d’une hélice arrière qui « pédale dans la semoule ».
Pour finir, il faut considérer les étages d’un compresseur de réacteur. Il y a une multitude de pales (aubes) qui tournent dans le même sens. Chaque étage de pales est séparé du suivant tournant dans le même sens par un étage de palettes fixes, dit « redresseur », à angle d’attaque inversé destiné à redresser le flux d’air avant qu’il ne rencontre l’étage de pales suivant. Dès lors, plus de « pédalage dans la semoule » !
Quelques mots sur le Millet-Lagarde ML-10. C’était un quadriplace de 160 ch, biplan à ailes décalées de telle sorte que le bord de fuite de l’aile supérieure était au droit du bord d’attaque de l’aile inférieure. L’écartement des deux ailes était important pour que les tourbillons de fuite de l’aile supérieure ne viennent perturber l’écoulement d’air de l’aile inférieure. L’avion n’avait ni gouverne de direction ni ailerons. Pour la direction, il possédait en bouts de l’aile supérieure des spoilers destinés à faire varier la portance, faisant tourner l’avion par dissymétrie de traînée.
Son concepteur, Jacques Lagarde, jouait exclusivement sur l’effet de fente pour que les grands volets de l’aile supérieure s’abaissent automatiquement pour maintenir constante l’assiette latérale de l’avion. C’est certainement pour cet amour de la fente qu’il installa notre hélice à fente mais rien n’indique qu’elle ait volé.
Enfin, Jacques Lagarde raconta à la presse que les commandes du ML-10 étaient comme celles d’une voiture, donc sans pédales (voir l’Ercoupe américain bien connu) avec un volant, et qu’il y avait un accélérateur au pied. Il envisageait aussi pour améliorer les performances de la machine d’y installer une boite de vitesse préselective Wilson comme celle que l’on trouvait sur les Delahaye de l’époque ! ♦♦♦