Jean-Philippe Chivot vous propose un « zakouski » technico-historique pour Noël.
On a déjà essayé l’envergure variable avec des ailes télescopiques (avion Makhonine), la flèche variable (Dassault Mirage G)… Il restait à faire varier le dièdre en vol ! En 1948, un Américain de 36 ans, Earl Metzler, osa le tenter…
Les lois de l’aérodynamique lui avaient dit : « Plus le dièdre est important, plus stable est le vol ». Il décida donc de faire passer les 2° du dièdre d’origine d’un Aeronca 7 Champion, avion à ailes hautes construit en 1945 (un modèle prédédant celui figurant en d’ouverture), à 10° pour un vol de croisière à 140 km/h. Ce qui rendrait l’avion, avec en plus son aile haute, d’une stabilité telle qu’il pourrait rester en croisière plus de 10 minutes sans intervention du pilote.
Il conçut alors un mécanisme pour relever les ailes, mécanisme actionnable de la place pilote. Remarquez les bas des haubans. Il y a un vérin hydraulique qui peut être actionné à l’aide d’une pompe à main située dans la cabine, devant le palonnier. En extension, le vérin rallonge le hauban d’environ 10 cm. En vol, à elle seule, la portance des ailes permet au mécanisme de gagner ces 10 cm nécessaires aux 10° de dièdre. En approche du terrain, le pilote pompe et le vérin rétablit les 2° du dièdre original… Simple n’est-ce pas, mais efficace… peut-être.
Earl Metzler proposait son gadget à environ 2.000 € d’aujourd’hui. Le jeu en valait-il la chandelle ?
« Oui » affirmait il et ce, pour quatre raisons :
– l’avion est beaucoup plus stable par temps turbulent. OK.
– l’avion ne se pilote alors qu’au palonnier car le dièdre accentue le roulis induit. OK.
– avec un compensateur bien réglé, on peut faire des virages jusqu’à 75° d’inclinaison au palonnier, sans toucher au manche. Pourquoi pas…
– par temps brumeux ou dans les nuages, le pilote peut rester relax en ne pilotant qu’en regardant l’altimètre et la vitesse, sans craindre le décrochage. Curieux… car j’ai toujours entendu dire par mon instructeur « Si tu es mal, pris dans un nuage, surtout retire tes pieds du palonnier et débrouille-toi ».
Pour clore le débat, un chef-pilote, ex-instructeur de la Navy avec 5.000 heures de vol, fit en mars 1948 un vol avec E. Metzler et fut fort impressionné. « Accroitre le dièdre rend le vol plus stable et moins sensible aux turbulences. En croisière, on a plus besoin des ailerons et on a les mains libres pour prendre des notes ». Malgré cela, ni la Navy ni personne ne s’intéressa au système et Metzler tomba dans l’oubli… jusqu’à aujourd’hui ! ♦♦♦
Photos © DR et Bill Larkins/Creative Commons (photo d’ouverture)