De retour de la convention de France Spectacle Aérien (FSA).
Parmi les interventions ce samedi 25 novembre, lors de la 4e Convention de France Spectacle Aérien (FSA), figurait celle de plusieurs « acteurs » du monde du meeting aérien : Jacques Aboulin (directeur des vols, pilotes de présentation, Aéro-Rétro), Jacques Bothelin (pilote de présentation, Breitling Jet Team), Frédéric Akary (pilote de présentation, P-51D Mustang) et Christophe Brunelière (pilote de présentation, AD4 Skyraider).
S’appuyant sur les rapports annuels de Des Barker – un ex-général de l’armée de l’Air sud-africaine qui étudie l’accidentologie en meeting depuis une vingtaine d’années – Jacques Aboulin a fait le point sur l’accidentologie 2016. Si les chiffres demeurent faibles à l’échelle du monde entier, les mêmes pourcentages sont constatés d’une année sur l’autre même si l’on a constaté une inversion de la courbe, avec une remontée des événements en 2016 : 28 accidents contre 18 en 2014. Une chose est sûre : ce n’est pas « plus de réglementation » qui apportera la solution…
70% des accidents surviennent le jour du meeting, 30% lors des entraînements. Point important, il semble que la pression du public n’ait pas une incidence importante contrairement au faible niveau d’entraînement des pilotes, volant peu sur des machines anciennes car les coûts d’exploitation, notamment les assurances, sont en croissance. Les causes d’accidents évoquent 11% de perte de contrôle, 31% liés au sol (la percussion du sol en trajectoire stabilisée restant la « plus grosse menace »), 21% à la mécanique. On reparlera du « negative training » interdisant réglementairement aux pilotes de s’entraîner aux hauteurs pratiquées uniquement le jour du meeting…
Jacques Bothelin a évoqué les paramètres fondamentaux que sont la gestion de l’énergie et de la hauteur, notant comme signes inquiétants, les accidents survenus en 2016 à plusieurs patrouilles militaires (Blue Angels, Thunderbirds), et de citer l’accident mortel survenu à un solo des Blue Angels en juin 2016. Il est noté que les pilotes de la patrouille de l’US Navy volent beaucoup, à raison de… 500 heures de F-18 par an et que la fatigue a pu avoir un effet sur cet accident.
Frédéric Akary a rappelé les « vertus du retour d’expérience » ou Rex, permettant de partager les erreurs des autres, sans critique ni juger. Les Rex doivent permettre de s’améliorer et d’éviter les erreurs commises par d’autres – une approche qui fait encore de la résistance dans un « monde latin » où « nous avons été élevés dans une culture de l’excellence et de l’élitisme » avec la peur d’être jugé, contrairement au monde anglo-saxon « beaucoup plus pragmatique » et où « le retour d’expérience est beaucoup plus naturel ». Ainsi, le Rex doit être « une expérience accélérée par cumul avec celle des autres ».
Et de disséquer l’accident du F-18 des Blue Angels. Le pilote devait effectuer un retournement après décollage, sous pente de 70° avec demi-tonneau dans la montée. Seul problème, une couche nuageuse mal placée par rapport aux « gate parameters » de 3.500 ft/sol et 125 à 135 Kt en sommet de figure. Un échange radio du second solo avec le leader solo avant le décollage va le pousser à tenter la figure mais sous la pression, le pilote n’a pas coupé les PC et le sommet de figure s’est fait à 3.200 ft et 184 Kt… L’augmentation du rayon de la trajectoire dans la descente n’a pas permis d’éviter le sol et la procédure d’éjection a été menée en dehors du domaine du siège éjectable.
Plusieurs « dominos » sont tombés alors qu’ils auraient pu entraîner la modification du programme. Si la rapport d’accident a mis en avant une « erreur du pilote », l’analyse montre que c’est une cause plus systémique, liée au mode de fonctionnement de la patrouille. « L’erreur de jugement » faite ce jour-là doit interpeller les pilotes sur « l’inconstance de jugement dans les manoeuvres à basse altitude et le fonctionnement de notre cerveau ».
Fréderic Akay a listé les « compétences d’un pilote de présentation », comprenant les notions de leadership, assertivité, pilotage, conscience de la situation, connaissances, communication, procédures, gestion de la charge de travail, décision… laissant alors la place à Christophe Brunelière pour détailler le mode de fonctionnement de notre cerveau.
Avec nos 5 sens, notre cerveau traiterait 11 millions d’informations à la seconde mais, saturant, 99% sont ignorées et en pratique, on se limite à 1 ou 2 informations par seconde, avec la construction « d’une réalité virtuelle basée sur notre expérience passée ». Si notre cerveau comprend trois ordinateurs (les cerveaux reptilien, limbique et le cortex), il arrive que l’un ou l’autre connaissent des bugs. Ils ne communiquement pas ou mal entre eux. Le cerveau ne peut traiter tous les infos mais s’il en manque, il comble les « trous ».
Autre lacune, le cerveau travaille en séquence. Il n’est pas possible de mener plusieurs tâches au même moment. Il a du mal à estimer les faibles probabilités et reste très influençable. Devant ce constat – qui pourrait montrer que notre cerveau, malgré les millénaires d’évolution, n’a pas forcément réussi à suivre l’évolution technologique… – quelques remèdes sont proposés par Christophe Brunelière : s’entraîner, s’entraîner et s’entraîner… Connaître ses limites avec humilité et savoir dire Non ! De plus, se souvenir que « le plus dur n’est pas de prendre une décision » mais « de ne pas en prendre »… ♦♦♦