« Comment associer travail et plaisir… ajoutez juste de l’eau »
1955-1980 : les derniers feux de l’avion privé, moyen de transport rapide pour gens peu pressés.
Poursuivons ce feuilleton… avec la dernière ligne droite en deux épisodes (le dernier traitera la préiode 1980-2010). Les temps changent, les modes se vie aussi. L’aviation légère va se chercher une nouvelle légitimité. Cela va mettre 45 années à apparaitre et à transparaitre dans la publicité pour l’avion de particulier. Pour bien comprendre cette fin d’histoire, il faut examiner le nombre d’avions à piston non commerciaux produits aux USA de 1946 à 1988 :
36.000 en 1946, 1.535 en 1989, 700 en 2016 !
On voit apparaitre les espoirs fous d’après guerre, 36.000 appareils au lieu des 150.000 prévus en 1946, le démarrage de l’aviation privée des années 1960, le pic de 1979 et la descente aux enfers qui a suivi. Cette descente s’est accompagnée d’une perte d’environ 100.000 emplois dans l’aviation générale US. Cette courbe se retrouve évidemment dans celles des productions européennes.
La publicité va en tenir compte et finir par presque totalement disparaitre en tant que publicité papier après l’an 2000. La chute de production post-1979 traduit à la fois l’augmentation des coûts de la responsabilité des constructeurs dans les sinistres des avions et l’évolution des comportements des utilisateurs des avions privés, évolution qui comporte deux phases :
– la disparition du tourisme aérien en avion privé,
– l’émergence d’un pur loisir non utilitaire : le vol en avion, loisir onéreux et chronophage comme la voile ou le golf…
Dans la période 1955-1980, le petit biplace d’entrainement et de voyage commença à se répandre en Europe. En 1955, on n’hésitait pas à parler de « grand tourisme » pour un Jodel D-112 de 65 ch croisant à 155 km/h soit un peu plus vite que la 15 CV Citroën. Le D-112 – biplace bois et toile motorisé par un Continental de 65 ch dessiné en 1929 – fut le premier d’une longue série à aile à dièdre caractéristique, aile issue du modèle réduit. Un avion se construit autour d’une aile et cette aile fut aérodynamiquement particulièrement réussie. A ce jour en 50 ans, plus de 7.000 avions furent construits avec cette aile.
Le D-117 a un Continental de 90 ch et croise à 185 km/h pendant près de 5 heures. C’est l’avion des grands voyages de livraison à partir de Bernay : l’Algérie puis Madagascar.
En 1969, le gouvernement de l’Allemagne de l’Ouest favorisa le rapprochement de plusieurs fabricants pour créer une industrie aéronautique nationale. Ainsi naquit le Bolkow Monsun, biplace qui avec ses 160 ch croisait à 240 km/h. Cher, il fut produit à un peu plus de 100 exemplaires et n’obtint pas un gros succès.
Les progrès techniques de la radio-navigation et des moteurs à cylindres à plat permirent alors de proposer des avions privés volant en toute sécurité de nuit et par mauvaise visibilité. La publicité vanta alors l’équipement de navigation. Cessna et Piper équipèrent de série leurs avions de matériel radioélectrique portant leur marque.
En France, on croyait encore à l’aviation d’affaires avec des avions d’artisans. 50 années séparent ces deux hommes. Pour voir si les 50 années suivantes ont changé le comportement de notre homme, on se situe donc en 2010, regardez à la fin de cette série d’articles la publicité de l’Italien Tecnam pour 2010…
150 mph à l’heure pour un Horizon de 160 ch soit 240 km/h ! dans un avion qui croisait en réalité à 210 km/h. La publicité n’a jamais rechigné à gonfler les vitesses. En fait, le Gardan Horizon souffrait des défauts des Gardan. A l’inverse des avions de tourisme allemands d’avant guerre et même du Monsun qui étaient très longs, il avait un fuselage très court et fut construit à 250 exemplaires jusqu’en 1969 par la filiale Socata de Sud Aviation : une goutte d’eau dans le chiffre d’affaires du groupe et une publicité médiocre pour sa construction aéronautique.
Aux USA, le Ranger de Mooney, avec ses 180 ch, se réclamait d’un 171 mph/h soit 275 km/h en croisière. La pub répond à la question : qui dit mieux ?
Plus de 2.000 exemplaires du Piper Apache furent construits de 1954 à 1960. Développé à partir d’un projet du constructeur Stinson et appelé « la cabane de jardin », à cause des larges vitres de sa cabine, il était équipé de deux Lycoming de 160 ch et croisait à un modeste 250 km/h.
La version Aztec de l’Apache, affinée et équipée de moteurs plus puissants, fit les beaux jours de l’aviation d’affaires des PME françaises régionales avant que les TGV et les lignes commerciales ne permettent à leurs commerciaux de sillonner l’Europe dans la journée.
Le PA-30 Twin Comanche était à la base un monomoteur Piper Comanche équipé, comme l’Apache, de deux Lycoming de 160 ch mais bien plus rapide. En effet, il croisait à près de 300 km/h. Construit à 2.100 exemplaires de 1962 à 1972 et connu pour sa grande fiabilité, il permit à de nombreux pilotes de faire des grands raids, notamment plusieurs tours du monde.
A la fin des années 70, la publicité des avions privés devint simplement informative sur les modèles présentés. Elle ne cherchait plus à toucher un néophyte en aviation en vantant les utilisations sensationnelles de la machine. Et comme toujours, elle gonflait les vitesses : 160 mph à pleine charge pour un Régent soit près de 260 km/h. Pierre Robin n’en revenait pas.
Le marché semblant porteur, la France se mit à produire des quadriplaces rapides « haut de gamme » qui n’eurent qu’un succès d’estime face à la concurrence américaine.
Le Rubis, sorti en 1962, avait un Lycoming de 250 ch et croisait à 250 km/h. Facile à piloter, sa cabine était vaste mais mal insonorisée et pleine de vibrations parasites. En revanche, le train escamotable électriquement était un modèle du genre : très rapide à rentrer et à voie large, il assurait à l’avion des atterrissages aisés. En vol, le Rubis ne pouvait cacher le caractère artisanal de sa construction réalisée par Scintex, le fabricant semi-industriel du Piel Emeraude. A peine une quinzaine volèrent…
Dérivé métallique du quadriplace Wassmer Super IV, qui permit en 1968 à l’aviatrice Hrissa Pelissier de faire le tour du monde, le Guépard vola en 1971. Une quarantaine d’exemplaires fut construite. Doté d’un Lycoming 6 cylindres de 260 ch, il croisait à 260 km/h et fut utilisé par le SFA et le CEV (total 23 exemplaires) pour la formation et l’entrainement des pilotes.
Et évidemment, dans ce domaine la concurrence américaine excella… Doté d’un Continental de 300 ch, le Turbo Centurion croise à 300 km/h…
Le Bonanza, avec toujours un Continental de 300 ch, croise lui à 325 km/h. La publicité Beech était plus près de la réalité que celle de Cessna. La vitesse d’un avion était et reste toujours le meilleur argument de vente… ♦♦♦
Prochain et dernier épisode : 1980-2010