Dernier épisode de la saga sur la publicité de l’aviation générale à travers les âges racontée par Jean-Philippe Chivot ! 1980-2010 L’évolution du comportement de l’utilisateur de l’avion privé…
En dix ans, de 1979 à 1989, la production annuelle US d’avions à pistons est passée de 17.000 à 1.500 ! Le Département du Commerce a pris peur et a vu potentiellement la perte de 150.000 emplois. En 1986, Cessna a stoppé toute production d’avions de ce type à l’exception du Caravan, Beech ne garda que le Bonanza et Piper fit faillite. Il fallait réagir.
De surcroit, au cours de la période, plusieurs facteurs ont fait disparaitre le tourisme en avion privé. Tout d’abord, l’accroissement du trafic des avions commerciaux qui a limité grandement la liberté de circulation aérienne dans les espaces aériens proches des aérodromes accueillant ce genre d’avions, aérodromes de plus en plus nombreux. L’émergence d’un terrorisme aérien a compliqué la coexistence des avions de particuliers et des avions de transport de passagers. Enfin l’avion privé – qui fut un moment, par beau temps sur de moyennes distances, le moyen de transport le plus rapide pour aller d’un point à un autre, 800 km par exemple – s’est retrouvé largement dépassé par le TGV, l’avion de ligne court courrier ou la voiture par autoroute.
Les autorités US ont alors procédé en deux temps. D’abord, on limita dans le temps la responsabilité des constructeurs d’avion en cas d’accident. En 1994, le General Aviation Revitalization Act a limité leur responsabilité à 18 ans après construction. Cette limitation s’est étendue aussi aux producteurs de pièces détachées. Cela a diminué les provisions des constructeurs pour sinistre mais cela n’était pas suffisant pour relancer la production car le changement de légitimité de l’avion de particulier, avion devenu objet de pur loisir, avait transformé la demande.
On créa ensuite une nouvelle réglementation instituant la catégorie d’avion LSA ou Light Sport Aircraft. Cette réglementation part du principe physique que le crash d’un avion très léger, pas trop rapide, moins de 600 kg, fait moins de dégats à la planète que celui d’un avion de 700 kg et donc répond au problème de la « machine volante de pur loisir » qui se doit d’être la moins dangereuse possible.
La réglementation américaine a vu le jour en 2003. Elle définit pour l’avion LSA une vitesse maximale en croisière de 222 km/h, une masse maximale de 600 kg et, cerise sur le gâteau, pour le pilote en guise de certificat médical, la possession d’un permis de conduire en état de validité.
Les constructeurs se ruèrent sur les avions LSA. Malheureusement, construire un avion très léger et solide est un exercice difficile et Cessna en particulier l’apprit à ses dépens en arrêtant en 2014, soit huit ans après son lancement, la construction du SkyCatcher.
Reste donc le plaisir de voir d’en haut les choses d’en bas. Ce plaisir est devenu un loisir parmi les autres, loisir qui occupe une tranche horaire dans un programme chargé de week-end. Et les aléas de la météo et du trafic aérien ne permettent pas au pilote de respecter scrupuleusement ce genre d’horaire surtout d(il est consacré à un voyage aérien aller-retour de plusieurs heures.
Donc, logiquement, l’avion privé est devenu un objet de pur loisir, sans aucune vocation utilitaire et le tourisme aérien a disparu. La publicité d’aujourd’hui en tient compte et utilise parallèlement un nouveau média : internet. Ainsi, exit le support papier de la publicité pour l’achat d’un avion privé. Voici ce qui la remplace sur la toile et qui nous oblige, ici, pour chaque publicité, à résumer les caractéristiques de la machine volante, caractéristiques accessibles par un clic sur le site du constructeur…
Un quadriplace à train fixe tout en carbone qui croise à 280 km/h derrière son Continental de 200 ch et qui vaut le prix d’une maison individuelle : visit cirrusdesign.com. Commercialisé depuis 1999, le total des ventes de Cirrus en 2016 avoisine les 300 unités, comme celui des Avions Robin à Dijon, cinquante ans plus tôt. Pas de quoi changer l’industrie ! Ah ces publicitaires…
Conçu vers l’an 2000 en Slovénie, le Sinus de Pipistrel est un ULM équipé d’un moteur de conception récente (Rotax 80 ch) qui croise à 190 km/h. Il a une cabine en composite résistant à un crash-test. Dans son argumentaire publicitaire, l’usine met en avant son approche écologique de la conception et de la construction d’ULM tout en n’oubliant pas de préciser au futur propriétaire que « le Virus est un ULM. Comme tout ULM, il est non certifié ainsi que son groupe motopropulseur. Le moteur du Virus est donc susceptible de s’arrêter à tout moment. Le pilote doit, comme il est de rigueur en ULM, être capable de se poser en planant durant toutes les phases de vol. Par conséquent, le pilote ne doit pas voler en dehors des zones dites vachables ».
Mis sur le marché en 2007, le Tecnam P2006T est un bimoteur métallique à aile mono-longeron de construction traditionnelle, quadriplace à train rentrant équipé de deux moteurs Rotax de 100 ch, concurrent du Diamond DA42. Il croise à un petit 250 km/h. Diffusé à 200 exemplaires en dix ans, la Nasa en possède deux exemplaires qu’elle doit électrifier en remplaçant chaque Rotax par 9 moteurs électriques et faire voler le tout en 2018.
Aux oubliettes l’accroche passionnelle du client, disparues les informations sur la machine… &llez donc sur le site xxxxxxx.net ou yyyyyyy.com si l’image vous plait !
Apparu en 2013, se voulant le remplaçant moderne du Cessna 172 construit à plus de 45.000 exemplaires, le Tecnam P2010 est un avion à fuselage en carbone et à aile métallique, équipé d’un Lycoming 180 ch, croisant à 240 km/h, aux performances quasi identiques à celles d’un Robin DR-400. Son prix gravite autour des 300.000 € car il tient compte de l’amortissement des coûts de certification. Dur de percer dans un marché de vieux avions à l’obsolescence non programmable !
L’Evektor Harmony est l’évolution du SportStar, premier ULM certifié LSA aux USA. Construit en République tchèque c’est un biplace tout métallique, équipé d’un Rotax de 100 ch, qui croise aux environs de 200 km/h (hors turbulences, donc comme ici, au-dessus des nuages !). Aux dires du constructeur, l’Harmony est « the perfect LSA for travel » et, « no rudder airplane », se pilotant la plupart du temps sans utiliser le palonnier. Que sont devenues les grosses pédales d’un palonnier de T6 !
Et, pour finir, si on suivait nous aussi la mode… électrique.
Heureusement qu’il reste quelquefois le papier d’une presse très spécialisée pour faire appel aux illustres anciens pour vendre du nouveau… Chuck Yeager, 94 ans aujourd’hui, fut en 1947 le premier homme à franchir le « mur du son ». ♦♦♦
Cet épisode est le dernier de la série sur la publicité de l’aviation générale, série réalisée par Jean-Philippe Chivot.
– Episode 1 : L’histoire de la publicité pour l’avion privé (1920-1930)
– Episode 2 : L’histoire de la publicité pour l’avion privé (1932-1935)
– Episode 3 : L’histoire de la publicité pour l’avion privé (1936-1940)
– Episode 4 : L’histoire de la publicité pour l’avion privé (1944-1947)
– Episode 5 : L’histoire de la publicité pour l’avion d’affaires (1948-1955)
– Episode 6 : L’histoire de la publicité pour l’aviation générale (1955-1980)
– Episode 7 : La pub 2.0 de l’aviation générale