Premier épisode de l’histoire par l’image de la publicité pour l’avion de particulier avec la période 1920-1930 racontée par Jean-Philippe Chivot.
Tantôt pragmatiques, tantôt flamboyantes, les publicités pour les avions de particulier témoignent non seulement des avancées de la technique, mais sont aussi un miroir de la société et de ses valeurs vues à travers la lorgnette des constructeurs.
1920-1930 : la présentation des progrès techniques et le chic anglais…
Le premier à faire de la publicité pour ses machines volantes à destination des oisifs fortunés fut l’américain Glenn Curtiss, constructeur d’hydravions à succès avant 1917. Dans l’immédiat avant-guerre, Curtiss avait remporté de nombreuses récompenses en France. Aussi, dès 1919 il chercha à écouler ses stocks en Europe…
En avril 1919, après la démobilisation, on dénombrait en France 23.000 moteurs et 9.500 avions sans emploi ! Que faire pour éviter le marasme de l’industrie – essentiellement artisanale – aéronautique ? Chez nous, l’Etat intervint et chacun chercha sa protection. En Angleterre, ce fut plus subtil. Le constructeur d’avions militaires De Havilland eut l’idée d’un nouveau marché : l’aviation de loisir !
Or les avions des surplus de guerre étaient inadaptés car trop gros. Aussi, De Havilland conçut en 1923 le premier avion de loisir de l’histoire à partir d’une réduction d’un de ses biplans militaires. Il l’équipa d’un moteur de 60 ch issu des surplus, moteur dérivé d’un moteur Renault. C’est pour cela que les cotes des cylindres des moteurs Gipsy De Havilland sont métriques !
Ainsi, en 1924, fut commercialisé le Moth. Il fut même exposé et vendu dans les grands magasins chics de Londres tels Selfridge et Harrods. Dans ce nouveau marché aéronautique qui venait tout juste de naitre, les constructeurs exhibèrent leurs avions sans artifice ni blabla. Le message reposait plus sur la raison que sur les émotions…
Toutefois, apparue en 1925 dans une Angleterre encore victorienne, la publicité jouait en plus sur la glorification du statut social. L’avion de particulier se voulait un objet de luxe ultime, le comble du chic anglais pour une gentry en quête de nouvelles passions et sensations.
Par ses exploits aéronautiques, Lady Heath, d’origine irlandaise, fut l’une des femmes les plus célèbres du monde entre 1925 et 1930. Elle mourut bêtement en 1939, à 50 ans, en tombant de la plate-forme supérieure d’un tram, un peu alcoolisée dit-on.
L’école de pilotage De Havilland, sur l’aérodrome privé de De Havilland de « Stag Lane », était la plus renommée des écoles de pilotage pour gens chics de l’Empire britannique. Le prince de Galles, futur roi Edward VII puis duc de Windsor, y passa son brevet et fit l’acquisition d’une série d’avions De Havilland.
Comme le montre cette publicité, l’ambiance y était fort sympathique. Certains pilotes n’hésitaient pas à emmener leurs conquêtes d’un soir faire un tour de vol de nuit à bord d’un Moth, avion merveilleusement réussi, au pilotage on ne peut plus intuitif.
La publicité montre, peut être inconsciemment, l’arrogance des pilotes privés de l’époque en faisant un jeu de mots sur « Gipsy », le nom du moteur de l’avion et « gipsies » qui veut dire gitans. Les aviateurs sont avec avion et sacs de golf tandis que les gitans, d’ailleurs bien habillés, les cotoient avec leur roulotte. Tel n’était pas le cas de Geoffrey de Havilland qui avait choisi le nom Gipsy pour son moteur car il admirait particulièrement le papillon de nuit appelé… Gipsy.
Et au début des années 30, la publicité américaine suivit la même voie : jeunes gens fortunés en quête de sensations dans la vie mondaine…
Le Monocoupe 110 était un avion sorti en 1930 aux Etats-Unis, alors que la crise n’avait pas encore révelé toute ses conséquences désastreuses. Equipé d’un moteur Warner en étoile de 110 ch, ce biplace de luxe croisait, selon la pub, à 210 km/h soit beaucoup plus vite que les Potez ou autres Morane et Moth de l’époque. Le dernier exemplaire fut construit juste avant l’entrée en guerre des USA en 1941. On remarque sur l’image tous les codes de « l’american way of life » d’avant la crise : maison avec terrasse dans un parc et domestique blanc, sans doute anglais, bien stylé.
Cette publicité fonctionne sur le rêve de tout pilote de loisir : atterrir dans son jardin. A l’évidence, elle visait en premier lieu les propriétaires de golf privé. Ceux-ci étant vraiment peu nombreux, on fit appel à l’autogire pour que le jardin se limite à un petit parc. Plus tard vint l’hélicoptère et le rêve se démocratisa, si l’on peut dire, avant que les nuisances sonores ne le mettent à mal.
Bien mieux que cette publicité élitiste, le très bon film « It happened one night », avec Claudette Colbert et Clark Gable, tourné en 1933 par Frank Capra, montre l’atterrissage d’un autogire Kellet (comme le Pitcairn, mais en monoplace) près de la terrasse d’une maison où se déroule la réception de mariage de l’amour contrarié de Clark Gable. C’est le méchant futur marié qui descend de l’autogire !
Les avancées techniques de l’immédiat avant guerre donnèrent ensuite un autre ton à la publicité pour l’avion de particulier alors que les nuages s’amoncelaient et que les constructeurs d’avions légers se tournaient vers les avions militaires d’entraînement et de liaison. Nous en verrons des exemples dans le prochain épisode… ♦♦♦
(à suivre…)