Des sources officielles d’informations météo souvent partielles et contradictoires, ajoutées à la nouvelle interdiction « d’aller y voir » transforment tout voyage VFR en parcours du combattant…
Le pilote VFR doit voler en conditions VMC, soit en gros avec un plafond d’au moins 1.500 pieds/sol et une visibilité de 5 km. Avec les « Opérations aériennes » version EASA (NCO d’août 2016), lorsqu’il part en voyage, il doit vérifier que ces minima sont observés sur… tout le parcours. Non seulement à l’heure du départ mais aussi, suivant la nouvelle réglementation, à l’heure d’arrivée.
En effet, la nouvelle réglementation stipule que, désormais, un pilote ne peut décoller, ou poursuivre son vol, si les dernières données météo obtenues sur sa route ou à destination (à l’heure estimée d’arrivée) révèlent des paramètres inférieurs aux minimas VFR. En d’autres termes, si la prévision à destination n’est pas correcte à l’heure prévue d’arrivée, il n’est pas possible de décoller « pour aller voir » en tablant sur le pessimisme de la prévision météorologique.
Mais de quelles informations « opposables » sur le plafond et la visibilité (CAV ou Ceiling and Visibility en anglais) dispose notre pilote VFR, en France, pour un voyage aérien de jour ? Une information « opposable » est une information qui peut être produite en défense dans un procès, c’est-à-dire, dans notre cas, dans un procès retenant le non respect des minima de conditions de vol VFR.
L’assistance météorologique à la navigation aérienne est régie depuis le 1er janvier 2005 par les règlements communautaires du Ciel Unique Européen (CUE). Ces règlements, qui s’imposent directement aux États membres de l’Union européenne et aux prestataires de services de navigation aérienne autorisés à opérer dans l’espace aérien de l’Union, laissent la liberté aux États de désigner un prestataire exclusif dans leur espace aérien.
Pour la France, Météo-France, prestataire certifié et désigné par l’administration au titre du CUE, est chargé de rendre le service météorologique à la navigation aérienne dans l’espace aérien français. Pour le VFR, Météo-France produit les informations suivantes (source : Guide aviation Météo-France, novembre 2016).
Prévisions :
– Carte Temsi
– Carte Wintem
– GAFOR
– Taf
Pour les prévisions, Météo-France mentionne que la Convention de Chicago souligne, annexe 3, paragraphe 2.2.8, que la valeur spécifique de l’un quelconque des éléments indiqués dans une prévision est la valeur « la plus probable » que cet élément atteindra durant la période couverte par la prévision. Cette remarque est valable pour toute donnée prévue : TAF, GAFOR, Temsi, Wintem et Sigmet.
Observations :
– GAFOR
– Métar
– Synops
Les observations Métar sont toutes automatisées. Météo-France précise (AIP du 2 mars 2017) : « Compte tenu des limites de certaines informations contenues dans un METAR AUTO, il est… recommandé à l’usager, lors de la préparation du vol, de porter une attention particulière aux autres informations à sa disposition, en particulier TAF et cartes de temps significatif (TEMSI) ».
Nous avons croisé sur une carte les informations Métar, GAFOR et Temsi pour évaluer la part d’interprétation laissée à la disposition du pilote VFR et la difficulté qu’il va éprouver à surseoir à un voyage si le lieu de destination ne possède pas de station Métar et si les Taf les plus proches de ce lieu mentionnent des conditions IFR avec une faible probabilité chiffrée et/ou un tempo.
Ainsi que va penser le pilote VFR de cette carte où des zones Gafor en rouge (conditions X-ray donc IFR) hébergent des Métar en vert (visi > 10km et plafond > 2000 pieds) : exemple de la zone Gafor 46 avec LFSG, LFSO, ou zone 49 avec synop 07283…
Ou encore que pensera t-il de cette autre carte où figurent en plus les zones de pluie vues à partir d’un satellite : la zone GAFOR 35 est en vert donc VFR, or il y pleut… et Toussus, Villacoublay et la station synop de Trappes sont… IFR (les flèches de vent observé montrent le passage de la perturbation) ?
NB : source des cartes : application GoVFR sur smartphone Androïd
Par ailleurs, le croisement des carte Temsi, carte GAFOR et Métar devrait laisser rêveur notre consciencieux pilote VFR. Exemple ci-dessus : comparaison carte GAFOR et carte Temsi. En rouge, les contours des zones Gafor avec les aérodromes (petits carrés). Sur notre carte, les prévisions Temsi de la zone B recouvrent 23 zones GAFOR ! Météo-France emploie alors le terme LOC valable sur ces 23 zones. Pas étonnant qu’il y ait discordance entre Temsi et Gafor ! D’autant que les prévi Gafor sont faites par les directions régionales de Météo-France et que la carte Temsi est concoctée nationalement par la… direction de Toulouse.
Enfin, la couverture Métar de la France (carte ci-dessous) est insuffisante et mal répartie, surtout en comparaison avec certains pays limitrophes…
En conclusion, la météorologie aéronautique n’étant pas une science exacte, surtout dans le cas où le vol nécessite une prévision, les informations fournies par le prestataire officiel doivent être interprétées d’abord par le pilote puis, en cas de procès, par le juge…
La nouvelle réglementation, i.e. un vol à effectuer vers un aérodrome équipé d’une station Taf, fournissant une prévision de conditions IFR à l’heure estimée d’atterrissage, ne limite en pratique que peu la réalisation de voyages. En effet, les aérodromes interdits aux VFR sont les aérodromes sous conditions IFR données par des Métar en cours de validité augmentés des aérodromes sous conditions IFR données par des Taf en cours de validité même si, entretemps, le Métar d’un tel aérodrome à Taf est devenu VFR. Et ces aérodromes sont peu nombreux.
Exemple : vous voulez aller de Toussus au Touquet, départ vers 11h00. Le Touquet émet un Taf d’une durée de 9h00 : TAF LFAT 291100Z 2912/2921 20015KT 9999 FEW020 BKN030 TEMPO 2912/2915 4000 RADZ BKN006 Vous ne pouvez pas vous y poser avant 15h00 en VFR, même si le VFR règne au moment de votre arrivée… Aussi regardez la carte « Radar de pluie », évaluez la vitesse de déplacement des zones pluvieuses et allez vous poser à… Berck (à seulement 13 km).
Voici ci-dessus la carte des aérodromes interdits aux VFR si un Taf IFR est en cours de validité. Les petits carrés représentent les autres aérodromes. Figurent aussi les contours des zones GAFOR. On constate le nombre de zones GAFOR sans aérodrome produisant des Taf. Pauvre aviateur VFR bourguignon ou ardennais, il va falloir qu’il se remue les méninges pour se faire une idée de la météo de ses voyages ! ♦♦♦
Jean-Philippe Chivot, en plus de publier sur aeroVFR.com, chaque mercredi après-midi, la prévision VFR du prochain week-end, s’occupe du site www.goVFR.fr utilisant GAFOR et Synops pour des prévisions au jour le jour.