Fin du périple mouvementé pour Francis Chichester et son Moth.
Lien vers l’épisode précédent.
L’hiver austral en était à sa moitié et les tempêtes étaient probables. Après un déjaugeage à épisodes, car lors des prises de vitesse, un flotteur prenait toujours l’eau, Chichester survola l’île et secoua son avion en signe d’adieu et surtout de joie de se retrouver en l’air. Le ciel était bleu, il était 9h00 du matin et il lui restait 7 heures de vol à accomplir…
Tout n’était cependant pas rose. Au bout de deux heures de vol dans un ciel chargé de petits nuages, le moteur eut des ratés. Une magnéto… pensa-t-il, la seule pièce reconditionnée à Sydney ! Bah ! Il y en a deux. Il fit une sélection magnétos, mémorisa la mauvaise et revint sur les deux à la fois. Tout rentra dans l’ordre.
Le point astral montra que le vent était du nord et d’au moins 85 km/h. Il fallait corriger le cap. Soudain, le ciel s’obscurcit. Seul le compas lui permettait d’aller relativement droit. Il entra dans la pluie puis dans un nuage. « Restons calme » se dit-il et il piqua pour revenir en vue de la surface de la mer.
Aveuglé par la pluie, les lunettes trempées, il volait dans une sphère de grisaille en bas de laquelle il y avait des trous qui laissaient de temps en temps apercevoir le gris foncé de l’eau. Le moteur se mit alors à reratatouiller. Chichester eut peur. Il évita quelques stratus et se retrouva à 100 pieds estimés de la surface mais à 900 pieds lus sur l’altimètre. Ainsi cette différence de pression révélait la force de la dépression.
La visibilité s’améliora mais le moteur faisait toujours des siennes. Chichester sélectionna la mauvaise magnéto mémorisée et, bizarrement, le moteur ronronna normalement. Ouf ! Chichester resélectionna la supposée bonne et le moteur s’arrêta. Silence de mort. En revenant sur la mauvaise, le moteur redémarra en vibrant et en ratatouillant. Tout d’un coup, sortant de la brume, Chichester vit un bateau, le survola et put lire son nom : « SS Kurow ». Cela le calma. Il réfléchit et pensa que la pluie, en s’infiltrant derrière le tableau de bord dans le sélecteur de magnéto, était la cause du problème.
Les deux leviers de sélection des magnétos sur un Moth.
Il glissa ses doigts derrière la cloison, tata les fils pour voir si l’eau les avait touchés et retira prestement la main en se disant qu’elle aurait pu provoquer un court circuit et l’envoyer définitivement dans l’au-delà.
Le temps se remit au beau et il put enfin faire le point. 4h30 de vol, 2h30 restantes. Il avait fortement dérivé vers le sud et voilà que les nuages et la pluie revenaient. Chichester, ne pensant plus au moteur qui continuait à vibrer, se bagarra à nouveau contre les éléments. 6h00 de vol, l’air redevint calme, Chichester vit apparaitre la côte, parfaitement déserte, sans route ni habitation. Il n’avait pas la moindre idée de l’endroit où il se trouvait mais pensa avoir touché l’Australie bien au sud de Sidney.
Il longea les plages vers le nord et vit, au loin sur l’eau, près du rivage, de longues masses grises. En s’approchant, il reconnut une dizaine de bateaux de guerre. Il cercla autour d’eux et amerrit près du plus curieux d’entre eux, un bateau portant sur l’avant un énorme pont plat. Pas un marin ne montrait le bout de son nez. Enfin, sur le bateau, un lampe Alvis clignota et lui demanda en morse qui il était…
Chichester sortit de l’habitacle se mit debout sur un flotteur et, masquant par intermittence son grand mouchoir blanc, transmit en morse le message : « Où est Sydney, nord ou sud ? ». La réponse fut « 80 miles nord ». La nuit tombant, Chichester se décida à demander aux marins d’amarrer son hydravion près du bateau. Ceux-ci lui proposèrent de le hisser sur le pont avec leur grue. En fait Chichester, à 80 miles de toute habitation, avait rencontré l’Albatross, le seul porte-avions de tout l’hémisphère sud !
Avant d’exécuter la manoeuvre de levage, les marins du canot amenèrent notre « fou volant » à bord de l’Albatross. Le commandant l’attendait sur le pont. Il se présenta : « Captain Freaks » et dit, s’adressant à un Chichester épuisé en combinaison de vol, « Dr Livingstone, I assume ». Ils éclatèrent de rire et sifflèrent un whisky dans la cabine du capitaine pendant que les manoeuvres de grutage se mettaient en place.
Un hydravion de la marine australienne regagne l’Albatross.
L’Albatross ramena « Madame Elijah » à Sydney. Chichester fut immensément fêté et, comme il n’avait pas encore eu son quota d’émotions, il repartit l’année suivante toujours à bord de « Madame Elijah » pour un nouveau voyage le menant de Sydney vers l’Angleterre en passant par les Philippines, Formose, Shanghaï, le Japon, les Aléoutiennes, le nord du Canada, le Labrador le Groënland, l’Islande et enfin l’Ecosse !
Mais ceci est une autre histoire, tout aussi passionnante, à la gloire de Sir Francis, du Moth et de son moteur De Havilland Gipsy, aventure où Francis Chichester montra une nouvelle fois qu’il restait bien, aux dires d’Amélia Eahrart et de Charles Lindbergh, « le meilleur navigateur de tous les temps ».
Le seul porte-avions de tout l’hémisphère sud sur lequel tomba par hasard Chichester lorsque, perdu, il aborda la côte australienne. OOn voit la grue qui permit de mettre au sec « Madame Eiljah ».
Chichester fut anobli par la reine d’Angleterre avec l’épée de Sir Francis Drake !
Son avion de nos jours…
Ainsi prend fin cette nouvelle aventure incroyable ! ♦♦♦