Que constate-t-on, à 80 ans d’intervalle, en comparant deux bimoteurs quadriplaces de tourisme, l’un de 1937, l’autre de 2005 ?
Connaissez-vous l’American Gyro Crusader de 1937 que l’on va opposer au Diamond DA42 ? L’American Gyro Crusader a été conçu à partir de 1933. Il fit son premier vol en janvier 1935 avec Ray Wilson aux commandes et réalisa ses derniers tests de certification en mars 1937 avant d’espérer connaître un début de production.
Avion tout métal, équipé de deux moteur Menasco à cylindres en ligne de 155 ch, il était sensé croiser à… 210 mph (337 km/h), emporter 4 personnes avec une charge utile de 500 kg. Thomas Shelton, son concepteur d’une trentaine d’années, voulait une aile volante, il se ravisa et dessina un fuselage bipoutre qui ressemblait aux projets de Jack Northrop des années 1920.
Le Diamond DA42 de 2005 est équipé de deux moteurs Austro Engines diesel de 170 ch, emporte 4 personnes à une vitesse maximale de 220 mph (353 km/h) et une vitesse de croisière d’un peu plus de 170 mph.
En fait les annonces de performances sont généralement largement gonflées. Le Crusader avait une vitesse maximale de 250 mph (402 km/h) mais mesurée en soufflerie ! Et la vitesse officielle de croisière d’un DA42 est de 170 mph (273 km/h) alors que les pilotes parlent plus souvent d’un bon 140 mph (225 km/h).
Au cours de ces 80 dernières années, l’American Gyro Crusader a eu un « descendant », qui a rencontré un franc succès dans l’immédiat après-guerre, le tchèque Aero 45 de 1946. Lorsque Aero, après guerre, dut se reconvertir de la fabrication des Messerschmitt pour la Luftwaffe, l’usine se lança dans la production d’un bel avion quadriplace de tourisme et comme le seul moteur disponible – le Walter – ne faisait pas plus de 120 ch, le beau quadriplace devint bimoteur…
Ses concepteurs copièrent sans vergogne la forme de la cabine du Crusader. L’Aero 45, dont un exemplaire vole toujours à Compiègne au sein du Cercle des Machines Volantes (CMV), n’est pas un avion de vitesse mais il est facile à piloter. Il m’a laissé le souvenir le plus atroce de ma vie de pilote. Tout jeune breveté à l’Aéro-club Air France de Toussus-le-Noble, j’astiquai en fin de soirée mon Gardan Sipa orné de la crevette Air France pour participer le lendemain matin au tour de France des jeunes pilotes.
Je suivais du regard le décollage d’un Aero 45 sur la piste en grilles PSP quand je le vis embarquer vers la gauche. Le pilote tira sur le manche. L’Aero 45 s’éleva à peine, heurta le sol de son aile basse et s’écrasa en prenant immédiatement feu car les ailes avaient cassé et l’essence des réservoirs situés dedans avait arrosé les moteurs. Nous n’étions plus que trois ou quatre sur le terrain. Nous prîmes une voiture et essayâmes d’approcher, sans espoir dans une chaleur infernale.
Bref, la société American Gyro déposa son bilan au début de 1938, fut poursuivie pour de sombres histoires de blanchiment et d’autres Crusader ne furent jamais fabriqués. En revanche, l’impression que le Crusader laissa aux contemporains –impression d’engin de science-fiction figurant dans la revue Popular Mechanics – mit longtemps à se dissiper.
80 ans plus tard, il en reste quelque chose. En effet, en prime, grâce au journal électronique, on peut découvrir en vidéo (2 mn 21 s) le premier vol de l’American Gyro AG-4 Crusader en janvier 1935, à partir du Municipal Airport de Denver, dans le Colorado. ♦♦♦