Troisième épisode du feuilleton historique de Jean-Philippe Chivot. Deuxième tentative pour Jean Batten : de Londres aux… faubourgs de Rome cette fois !
Lien vers le précédent épisode.
Sa mère retrouvée, toujours aussi critique sur ses amoureux, la vie en Angleterre s’avére difficile. En effet, le père de Victor Dorée décède subitement, l’avion de Victor et Jean elle-même ne sont pas assurés et tout transfert d’argent venant de Victor est bloqué. Pour vivre, il ne reste à Jean et sa mère que les mensualités versées par son père.
Pourtant, elles ne se découragent pas et bombardent Lord Wakefield de demandes de rendez-vous. Et l’impensable arrive. La Castrol finance un nouvel avion pour que Jean réussisse à atteindre la Nouvelle Zélande et lui fasse ainsi une publicité mondiale. Elle trouve donc un Moth d’occasion que le propriétaire s’engage à réviser et à peindre. A la mi-novembre, toute heureuse, elle l’amène en vol à l’aérodrome de Brooklands, à l’est de Londres.
Brooklands est alors la Mecque des pilotes au long cours. Au cours d’un de ses vols d’entraînement, elle rencontre un jeune agent de change, Edward Walter, héritier d’un des fondateurs du Times. Edward a divorcé et cherche à acheter un avion. Le courant passe et ils se fiancent. Sa fortune calme les objections d’Ellen, la mère de Jean, face à un divorcé de dix ans plus vieux qu’elle. Edward, dans une lettre à sa famille, décrit Ellen comme un froid dragon angoissé à l’idée du départ de sa fille.
Edward Walter prête son avion à Jean Batten en attendant de lui en prêter les ailes.
Au début de 1934 Jean peaufine son avion en y ajoutant un dispositif secret que son ami d’alors, le fils du constructeur De Havilland, a conçu pour qu’elle satisfasse ses besoins naturels au cours des longs vols qui peuvent souvent dépasser les 9 heures, dispositif à base d’un entonnoir dans le siège, d’un tuyau débouchant sur le flanc du fuselage et qu’on retrouve un peu modifié dans les avions américains d’entrainement de la dernière guerre tel le North Americain T6.
Edward fait tout pour la dissuader de partir pour l’Australie. La veille du jour du départ fixé au 9 avril 1934, il lui offre, pour la retenir, une somptueuse bague de fiançailles. Pourtant Jean décolle quand même, met le cap vers l’Egypte, et ce vol se termine encore plus mal que le précédent…
Le temps s’annonçait très médiocre. Jean, la « Try-again Girl » pour la presse, devait d’abord atteindre Marseille pour y faire le plein. Elle y arrive en début d’après-midi sous une forte pluie. Le terrain est détrempé et, pour mieux décoller, elle fait remplir les réservoirs avec du carburant pour 7 heures de vol au lieu des 10 heures habituelles. Fatale décision ! Elle pensait atteindre Rome avec une réserve d’une bonne heure d’essence malgré le fort vent de face annoncé.
Le décollage, malgré l’allègement de l’avion, est difficile. Elle pointe l’avion vers la pleine mer, atteint péniblement les 150 m pour rester sous la couche de nuages. Immédiatement, elle comprend la bêtise qu’elle vient de faire en voulant continuer son raid. Elle s’obstine néanmoins, suit la côte jusqu’à Toulon et veut alors rebrousser chemin.
Mais la couche de nuages vers la terre touche presque le sol, la nuit approche et le retour aurait été dangereux. Elle sait qu’elle ne peut atteindre Rome que tard dans la nuit et décide d’aller vers la Corse plus proche pour y atterrir encore de jour. Elle arrive vers Ajaccio et, dans l’obscurité naissante, ne trouve pas l’aérodrome. Elle passe par Bonifacio et met le cap à l’est vers l’Italie. Elle vole toujours très bas sous de fortes averses de pluie.
Bien avant d’atteindre la côte, elle a vidé les réservoirs supplémentaires et vole sur le principal dont la jauge indique qu’il est presque vide, lui laissant au mieux un quart d’heure de vol. Elle repasse sur les réservoirs supplémentaires et en soutire le peu de litres restant. A ce moment, sous la pluie, les lumières de la côte apparaissent. Elle est au-dessus de l’embouchure du Tibre. Elle penche l’avion à droite puis à gauche pour pomper les fonds de cuve des réservoirs de fuselage et suit les lumières qui mènent à Rome.
Incapable d’atteindre, avec le peu d’essence restant, l’aérodrome de Littorio au nord de la ville alors qu’elle en approche par le sud, elle aperçoit au bord du Tibre une vaste étendue non éclairée, entourée de lumières de rues. Sa seule chance est de s’y poser. Soudainement, elle voit une lumière rouge plus haute que l’avion puis une autre qui clignote et enfin un mât d’émetteur radio qu’elle évite en inclinant brutalement l’avion.
En suivant les lumières de la rue, elle approche le sol et plaque le Moth au sol en décrochant d’une hauteur de 5 m selon son récit de voyage. Le train écrasé, les ailes inférieures et l’hélice cassées, le Moth a le nez dans la terre et la queue en l’air. Choquée et épuisée après 8 heures de vol dans la pluie, Jean n’a qu’une éraflure à la joue. Elle se précipite dans la rue pour arrêter une voiture qui l’emmène à l’aérodrome de Littorio où elle raconte son histoire, bien vite reprise par tous les journaux.
Le lendemain, elle fait rapatrier son avion dans un hangar de Littorio et se met à vouloir le réparer. A cet instant, l’histoire devient sublime. Faire venir d’Angleterre un train d’atterrissage et une hélice n’était ni long ni difficile mais remplacer les deux ailes brisées était un véritable casse tête. En se promenant dans les hangars de Littorio, elle remarque un Moth identique au sien. Elle en recherche le propriétaire et a l’idée de lui demander de lui en prêter… les deux ailes inférieures pour qu’elle puisse rentrer en vol à Londres avec son Moth réparé !
La station radiotélégraphique de la marine italienne, 194 via Ostiense à Rome, aujourd’hui.
Séduit par la dame, le volubile propriétaire italien du Moth tope la. Jean fait démonter
les ailes, les fait remonter sur son Moth et le fait remettre en état. De retour par les airs à Brooklands le 6 mai 1934, seulement quinze jours après son départ, elle y retrouve Ellen et Edward Walter… ♦♦♦
Demain : Troisième tentative, la bonne !
Lien direct vers le 4e et dernier épisode.