Mieux vaut avoir réfléchi auparavant à un possible problème, avec des solutions envisageables, plutôt que d’être « sidéré » par une situation subitement anormale…
Un rapport du BEA concerne une collision avec le sol, survenue en instruction en octobre 2012. L’élève et l’instructeur (3.300 hdv dont 2.000 en instruction), partis de Carcassonne pour une navigation Toulouse-Blagnac, Rodez et retour, font escale à Blagnac. Après une première tentative de décollage, ce dernier est interrompu suite à un blocage de frein. Problème résolu au parking, le Rallye 110ST se réaligne à nouveau…
Avion autorisé au décollage, l’instructeur collationne et confirme la trajectoire après décollage, avec virage à droite selon la clairance délivrée par le contrôle. Alors que l’avion est encore à faible hauteur (200 ft maximum), dans l’axe de la piste, l’instructeur émet un message « Mayday Mayday Mayday » précisant un « problème de gouverne gauche ». Liberté de manoeuvre est accordée par la tour et l’instructeur annonce « essayer de faire un demi-tour »…
L’avion effectue un virage à gauche mais heurte le sol avec « une forte assiette à piquer et une forte inclinaison à gauche ». Un spotter placé sur une colline à l’ouest du terrain a pris une série de photos permettant de préciser l’attitude de l’avion et la position des gouvernes : aileron gauche légèrement levé, aileron droit légèrement baissé, profondeur à cabrer, direction légèrement à gauche, becs sortis et symétriques, volets rentrés et symétriques.
L’examen de l’épave « n’a pas permis de mettre en évidence une anomalie antérieure à l’impact dans les chaînes de commandes de vol. Aucun outil n’a été trouvé dans l’épave » précise le rapport qui indique que « selon le manuel de vol de l’avion et les règles de l’art, le débattement des commandes de vol doit être vérifié avant le décollage. Il n’a pas été possible de déterminer si cette vérification a été faite ».
Comme « beaucoup de manuels de vol d’avions légers », le manuel de vol du Rallye ne « contient pas de procédure d’urgence associée à un dysfonctionnement des commandes de vol. Parmi les objets retrouvés dans l’épave, seule une tablette tactile, pliée lors du choc, présente sur l’un de ses bords une déformation compatible avec un choc sur un manche ou sur un tube des palonniers. Des essais réalisés sur un avion de même type avec une tablette identique n’ont pas permis de mettre en évidence une position stable susceptible d’entraver le débattement des commandes ».
Huit minutes s’étant écoulées entre le décollage du Rallye et le mouvement précédent, un A320, l’hypothèse d’un effet de turbulence de sillage a été considérée comme « improbable ». Le contrôleur indique « qu’au moment où le pilote a émis son message de détresse, l’avion semblait dans l’axe, les ailes à l’horizontale. Il a interprété « J’ai un problème de gouverne gauche » comme une impossibilité de virer à gauche et a pensé qu’un virage à droite était possible ainsi qu’un circuit de piste pour revenir atterrir ».
Faute d’éléments probants, le rapport du BEA indique en conclusion que « l’accident est dû à une anomalie rencontrée dans l’utilisation des commandes de vol, probablement dans la chaîne de roulis. La nature de cette anomalie n’a pas pu être établie par l’enquête ».
Mais le texte se poursuit avec les données suivantes : « Toutefois, sans qu’il soit possible d’établir des liens de causes à effets, cet accident alimente les réflexions de sécurité des vols suivantes :
– la situation rencontrée, rare, se situe en dehors des connaissances pratiques habituellement enseignées aux pilotes, instructeurs et contrôleurs. Dans ce cas, l’adaptation immédiate, sous forte charge émotionnelle, rend difficile les diagnostics et le choix des actions appropriées. Les espaces de dialogue prévus dans les formations de pilotes, d’instructeurs et de contrôleurs pourraient offrir une préparation minimale en abordant 1) quelques cas d’anomalie de commandes de vol, 2) l’usage d’une phraséologie concise, visant à éviter toute information ou suggestion inadéquates qui résulteraient d’une compréhension différente de la situation entre le pilote et le contrôleur ».
– « les objets libres en cabine sont susceptibles d’entrer en contact et, parfois, d’entraver les commandes de vol. L’organisation de la cabine et la vérification systématique du bon débattement des commandes avant le décollage réduisent ce risque ».
Si la formation au pilotage d’avions légers ne comprend pas en effet des exercices pratiques prenant en compte des anomalies de commandes de vol, il n’est pas interdit, en instruction et dans le cadre du perfectionnement, d’en faire… Avec un instructeur à bord pour assurer la sécurité, on peut ainsi simuler une rupture de la chaîne de commande de tangage et réaliser un tour de piste en n’utilisant que le compensateur, avec ou sans l’aide des couples en tangage engendrés par des variations de régime moteur ou un changement de configuration. On évitera d’aller jusqu’à l’arrondi en entraînement mais cette « solution de secours » a déjà servi et peut encore servir à l’avenir…
Il en est de même avec la direction ou les ailerons, où il est possible d’utiliser les effets secondaires aérodynamiques pour palier la perte d’une commande de vol. Le roulis, induit par la direction, peut ainsi permettre des changements de trajectoire même si la tenue de celle-ci n’est pas forcément précise. Un problème rencontré sur l’axe de tangage peut parfois trouver une solution en utilisant… l’axe de roulis.
Pour les objets susceptibles d’entraver le débattement des commandes, le BEA cite le cas survenu à un DR-400/140B dont la perte de contrôle en montée initiale a été due probablement à un appareil photographique limitant le débattement du manche à droite.
Comme l’indique le BEA, « accueillir un passager dans un aéronef n’est pas anodin, particulièrement lorsque ce dernier a peu d’expérience aéronautique. Un briefing avant le vol permet de familiariser le passager avec l’environnement spécifique d’un avion et notamment de le sensibiliser au danger que peuvent représenter des objets libres à bord d’un aéronef ». Attention donc aux appareils photos (ou GoPro, ou tablette, ou chargeur, ou téléphone, ou camescope…) et tout objet tombé au sol durant le vol et pouvant limiter le débattement du manche en tangage et/ou en roulis, voire laissé entre les cuisses du copilote et limitant encore l’action à cabrer lors de l’arrondi à l’atterrissage… ♦♦♦
Photo © F. Besse / aeroVFR.com
Le rapport du BEA sur le Rallye 110ST
Pour aller plus loin, à lire ou relire :
– Se préparer à gérer l’inattendu.