Francis Chichester attaque la traversée de l’Australie, dernière ligne droite vers Sidney.
Les étapes s’enchaînent ensuite… Quinzième étape : Sourabaja-Bima (750 km). Seizième
étape : Bima-Atambua (820 km). Dix-septième étape : Atambua-Darwin (850 km).
La carte que ne pouvait avoir Chichester : nuages et pluie entre Timor et Darwin le 30 janvier 2016 par satellite
Au cours de ces étapes, le temps demeura au beau fixe. A l’arrivée à Atambua, Chichester constata un changement dans le bruit du moteur. Or il lui fallait voler pendant au moins 4 heures au-dessus de la mer. Il entreprit une sérieuse inspection et trouva le collecteur d’admission desserré et fissuré. Il répara et testa l’étanchéité du radeau gonflable.
Il dormit mal et se réveilla énervé par l’angoisse de la traversée. Le décollage dans la chaleur de l’été austral lui fit utiliser la totalité de la longueur de la piste. Sitôt en l’air, il décela une légère fuite au niveau de la pompe à essence qui lui servait à transvaser l’essence des réservoirs supplémentaires au réservoir de l’aile supérieure. Il essaya de transvaser sans arriver à amorcer la pompe.
Prêt à faire demi-tour, il pompa vigoureusement et au bout de cinq minutes, la pompe heureusement s’amorça. La traversée s’effectua sans toucher aux commandes. Chichester équilibrait l’avion en transvasant de l’essence vers l’avant pour maintenir le Moth en palier. Rien à voir, rien à faire, Chichester trouva la traversée bien fastidieuse.
A l’arrivée sur l’Australie, le temps devint un peu plus brumeux et il se posa en fin d’après-midi sur l’aérodrome de Darwin (photo d’ouverture, le terrain en 1932). Heureux d’être presque chez lui, il sauta de l’avion et se précipita vers le commandant d’aérodrome pour lui serrer la main. Celui-ci esquiva et dit : « Captain Chichester, je vous serrerai la main après votre passage au contrôle sanitaire ». Et jusqu’à Sydney, on lui donna du « captain » à chaque aérodrome.
Dix septième étape : traversée de l’Australie, avec Darwin-Waterhole-Camoowheal (1.350 km). Le trajet de Darwin à Sydney consistait à survoler des zones désertiques ou semi-arides. En 1930 les cartes aéronautiques de ces zones étaient quasi inexistantes et ne mentionnaient que les quelques aérodromes et points d’eau. Aussi en l’absence de repères et de données sur les vents rencontrés, la navigation aérienne était un véritable casse-tête.
Chichester s’engagea bravement dans cette étape où sur plus de 700 km la nature du sol ne variait pas, de la savane avec de petits buissons. Par moment la brume de poussière restreignait fortement la visibilité. Chichester se mit à suivre la ligne de chemin de fer puis les fils du télégraphe. Or en avion au-dessus d’un semi-désert, ceux-ci ne sont visibles qu’à… très faible altitude. Il dut voler bas dans une chaleur quasi insoutenable.
Après le télégraphe, Chichester suivit les pistes puis les traces laissées par les rares voitures allant d’un point d’eau à l’autre, puits en général distants entre eux d’une trentaine de kilomètres. A sa première halte pour essence, halte d’ailleurs difficile à trouver, il ne rencontra qu’un unique être vivant. Celui-ci lui baragouina qu’il y avait bien sur place l’essence commandée mais qu’elle était sous clé et que le responsable ne revenait que dans un temps indéterminé.
Chichester regarda son restant d’essence et décolla dans la foulée pour la halte suivante. Arrivé près de Camooweal, volant bas à cause de la brume, il perdit ses repères. Près d’un puits il vit au sol des traces partant dans toutes les directions. Laquelle suivre ? Il prit la trace du sud, la suivit pendant vingt minutes et revint au puits. II recommença vers l’est sans résultat et comprit qu’il ne faisait que consommer bêtement le peu d’essence qui lui restait.
Waterhole le puits de Chichester actuellement
Fatigué, il se posa durement et amena son avion près de la cabane abritant le moteur de la pompe du puits. Il en fit l’inventaire, trouva des bidons vides, un peu d’eau, de l’huile mais pas d’essence. Le soir tombait… Epuisé et angoissé, il retira du Moth le canot de secours en caoutchouc, le gonfla à moitié et s’affala dessus. Des milliers de mouches l’entouraient. Il fit bouillir de l’eau et entama le reste de ses provisions. Avant de dormir, il fit le point de la situation en reportant sur la carte son trajet probable.
Après une mauvaise nuit il décida de jauger l’essence restante en la transvasant dans un bidon dont, grâce aux dimensions exactes, il connaissait la contenance. Il restait… 3 gallons. Le Moth consommant 5 gallons à l’heure, cela équivalait à 35 minutes de vol. Chichester pensa que s’il restait au puits, les secours ne commenceraient à le chercher que le lendemain seulement et sans grand espoir de le trouver dans cette zone immense allant de son dernier atterrissage, situé à 5 heures de vol, jusqu’à Camooweal.
Le temps était très brumeux. La pensée de n’être peut-être qu’à quelques kilomètres de Camonweal lui était insupportable. Il décolla donc dans le vent et dans la brume de poussière très épaisse afin d’aller vers le sud voir s’il y avait trace de vie humaine, en restant toujours à moins de dix minutes de vol de son point de départ pour pouvoir y revenir. A huit minutes, il croisa une clôture, à onze minutes un cheval, à quatorze minutes un ruisseau.
Il le suivit du côté où il semblait grossir. Peu après, le toit d’une cabane en métal brilla dans le soleil puis un deuxième, un troisième… Il était arrivé à Rocklands Station, à 30 km au nord de Camooweal.
Rocklands, à 15 min en avion de Waterhole, vu de nos jours à 600 m d’altitude
Il se posa et en mettant de l’essence, il apprit que le puits d’où il venait n’était visité au mieux qu’une fois tous les… six mois. De plus, un orage avait endommagé le télégraphe et rendait d’ailleurs impossible tout vol au-delà de Camooweal. ♦♦♦
Demain : enfin l’arrivée à Sidney ! Lien vers le dernier épisode.