Sur les traces de Pierre-Georges Latécoère, créateur de la « Ligne ».
Passionné par la « dimension humaine des aventures scientifiques et techniques », Jacques Arnould est chargé des questions éthiques au Centre national d’études spatiales (Cnes). Si la conquête de l’espace reste son quotidien, notamment en tant qu’auteur de nombreux ouvrages, il a également marqué un intérêt certain pour l’aviation. « Pressé » par Marie-Vincente Latécoère de dresser un nouveau portrait de Pierre-Georges Latécoère, il a préféré contourner le défi, une biographie – signée Emmanuel Chadeau, Ed. Olivier Orban, 1990 – ayant déjà été publiée sur le créateur de la « Ligne ».
Fasciné par ce « personnage complexe », il a souhaité « l’imaginer dans les heures qui précédèrent la cession de sa Ligne à Bouillon-Lafont, le 11 avril 1927 ». Cette fausse fiction, très proche de la réalité, s’appuie sur le travail des historiens, sur les témoignages de ses amis, ses proches et collaborateurs – comme Beppo de Massimi, son « bras droit » pour défricher les étapes de la future « Ligne » – et aussi sur les archives Latécoère.
Ainsi, par une trentaine de courts chapitres, finement ciselés et illustrés de photos d’époque tirées du fond photographique de la Fondation Latécoère, l’auteur nous transporte dans le cabinet de l’industriel à Paris, quelques heures avant qu’il ne vende ses parts de la compagnie aérienne Latécoère à son associé, l’homme d’affaires Marcel Bouilloux-Lafont. Il sait que son idée de Ligne est en train de lui échapper au niveau de la gestion, avec l’interventionnisme inévitable de l’Etat, sans oublier des difficultés rencontrées pour poursuivre le développement en Amérique du Sud. Il a refait une fois de plus tous ses calculs et c’est la seule solution qu’il entrevoit pour rebondir.
Cette décision intervient près de dix ans après la mise en pratique de son idée, en décembre 1918 : créer la « Ligne » reliant la France à l’Amérique du Sud avec des avions sillonnant trois continents via de multiples escales en France, Espagne, Maroc, Sénégal puis la traversée de l’Atlantique Sud à réaliser pour atteindre le Brésil puis l’Argentine. C’est une façon de réorienter ses affaires après la création, durant la Première Guerre mondiale, d’une usine de fabrication de Salmson sous licence. Plusieurs centaines de ces appareils seront produits aux côtés de la production d’obus, dans les usines dont il a dû prendre la responsabilité après la mort de son père alors qu’il avait à peine achevé ses études d’ingénieur.
En 190 pages, par petites touches, Jacques Arnould replonge le lecteur dans le contexte de l’époque mais aussi dans le mode de fonctionnement de cet « entrepreneur épicurien », industriel visionnaire, qui veut à tout prix que le courrier passe, mettant en place des primes et des amendes pour les pilotes, l’exploitation de la « Ligne » étant placée dans les mains d’un certain Didier Daurat. Au fil des pages, on découvre ainsi les méthodes de l’ingénieur, ses motivations, ses centres d’intérêt – de la littérature à la passion des jardins en passant par les conquêtes féminines…
Mais Pierre-Georges Latécoère, en ce mois d’avril 1927, à décidé de jeter l’éponge et Bouilloux-Lafont va prendre la suite, transformant la société en Compagnie générale aéropostale, plus connue sous le nom de l’Aéropostale. P-G. Latécoère va alors basculer vers la conception et la production d’hydravions géants, des paquebots devant assurer dans le confort le transport de voyageurs, un concept qui finira dans une impasse face à l’hégémonie des avions terrestres. Pour seulement… 11,00 €, cet ouvrage permet de découvrir la vie de Pierre-Georges Latécoère – une… mini-biographie en quelque sorte qui se lit avec plaisir… ♦♦♦
Photo © Fondation Latécoère
Et la Ligne vivra ! Latécoère. 11 avril 1927, par Jacques Arnould, Ed. Privat. 190 p. 11,00 €. http://www.editions-privat.com