Huit années pour passer de l’idée au cockpit d’un avion de chasse en unité.
Marc Scheffler, pilote de Mirage 2000D, a participé à dix détachements opérationnels et effectué plus de 150 missions de guerre en Afghanistan, en République démocratique du Congo et en Libye. Il a raconté dans un ouvrage intitulé « La guerre vue du ciel » ses quinze années de carrière opérationnelle comprenant « missions d’appui feu au profit des troupes au sol, shows of force, bombardements de jour comme de nuit » – ouvrage salué par la critique à sa sortie pour avoir révélé le quotidien d’un pilote de combat français au 21e siècle.
Fort de ce succès, il a décidé de mettre en forme des notes destinées au départ au milieu familial pour raconter non pas la suite de sa carrière mais ses débuts. Il raconte ainsi la « naissance d’un pilote » de chasse, depuis l’entrée dans un bureau Information de l’armée de l’Air jusqu’à son arrivée en unité opérationnelle. Le parcours n’a pas été de tout repos !
Ayant choisi la voie royale, celle de l’Ecole de l’Air, c’est tout d’abord, après un Bac avec mention Bien, le passage par les Math Spé et Math Sup, non pas sur deux ans mais trois, suite à un redoublement. Puis il se retrouve en liste complémentaire pour intégrer l’école des Pupilles de l’Air. Suite à un désistement, il rejoint cette école implantée à Grenoble pour deux années de formation où il doit s’accrocher pour atteindre le niveau en mathématiques même si du côté physique, anglais et sport, son niveau est suffisant. Le vol à voile, en complément d’un brevet de pilote privé déjà acquis, permet de garder le contact avec la pratique.
Puis viennent les concours pour accéder aux écoles militaires. Reçu pour l’Ecole de l’Air, il est néanmoins en cinquième place sur la liste d’attente… Finalement, il peut rejoindre l’école implantée à Salon-de-Provence pour deux années de formation militaire et technique, avec la possibilité de glisser dans le cursus quelques vols de motivation effectués sur avions d’armes. Ce seront ensuite des vols sur TB-20 Epsilon avant d’atteindre le cockpit du « Tuc », l’EMB-312 Tucano, utilisé alors pour la formation de base.
C’est là qu’on lui donne son « nom de guerre », soit « Claudia » (Schiffer… vous suivez ?) et qu’il apprend le vol aux instruments mais aussi la tenue en patrouille, une technique sur laquelle il but au départ, risquant l’éjection du cursus. Ce sont les navigations à basse altitude, avec la pression de rester sur le trait, de trouver l’objectif perdu dans la campagne et aussi la rencontre de quelques instructeurs un brin caractériels…
L’obstacle passé, la course n’est pas finie. Avec 130 heures de vol sur avions à hélice, le voici à Tours pour tâter du « gadget », l’Alpha Jet, et se perfectionner en navigation à basse altitude à plus forte vitesse et aborder le combat aérien, le tout à raison de 5 à 6 vols « courts mais denses » par semaine. Après le « macaronage » et le titre de pilote de chasse, il reste encore l’école de transition opérationnelle avec les rescapés car chaque étape a vu son lot de départs définitifs…
A Cazaux, c’est l’utilisation de l’armement qui constitue l’ossature de la formation délivrée sur Alpha Jet, avec notamment le tir sur cibles au sol et tractées derrière un Falcon 20. Et c’est seulement à l’issue de cette dernière formation que l’orientation des pilotes est décidée, avec la chasse, le transport ou les hélicos, en fonction du classement des candidats et de leurs souhaits. Il peut arriver que des candidats à la chasse se retrouvent dans le transport avec,
lors d’une promotion, des notes supérieures à celles de candidats partis dans la chasse
un an plus tôt…
Pour « Claudia », ce sera le 2000D et le 3/3 Ardennes, à Nancy pour la transition sur l’avion d’armes et ainsi devenir « véritablement » pilote de combat. Huit années auront été ainsi nécessaires pour passer du rêve à la réalité avec beaucoup de motivation et de persévérance dans les efforts pour affronter les différentes épreuves, sans oublier celles un peu désuettes des rites de l’armée de l’Air qui donneraient l’esprit de corps…
En 270 pages, agrémentées d’un cahier photos couleurs jalonnant sa formation, le lieutenant-colaonel Marc Scheffler, du haut de ses 4.500 heures de vol dont 2.200 sur Mirage 2000D, apporte ainsi son témoignage « vécu » sur la formation initiale des pilotes militaires, sans cacher ses propres difficultés (dont quelques problèmes d’estomac lors des premiers vols sous forts facteurs de charge…) avec certains épisodes « personnels et donc subjectifs ».
Si la formation initiale est en constante évolution au sein de l’armée de l’Air pour l’optimiser car les coûts sont importants – surtout si un pilote se retrouve en échec en fin de cursus… – les principes évoqués pour les années 1990 demeurent toujours d’actualité. Pour ceux qui ne l’ont pas lu, « La guerre vue du ciel » (même éditeur) constitue le second tome à lire idéalement
à la suite… ♦♦♦
Photo © JB Ellis/USAF via Wikicommons
– La naissance d’un pilote, par Marc Scheffler, Editions Nimrod. 270 p, 21,00 €.