Suite du convoyage de 300 km en Quicksilver par Stéphane Cosme.
Ma navigation de 45 mn est aisée, il suffit de suivre l’autoroute, contourner la ville par le sud et remonter l’A77 par le nord. L’aérodrome est grand, impossible de le manquer. En étape de base, malgré le peu de vent, je dois combattre les rafales. Avec un aéronef comme celui-ci, on ressent tout, comme dans un pendulaire. Des coups dans les commandes, dans les ailes, dans les tubes, dans les mains… Je ressens le frottement de l’air. Le fluide et la machine me parlent, je me pose seulement aux sensations. Le ventimètre qui fait office d’indicateur de vitesse ne m’est d’aucune utilité…
A Montargis, je pique-nique avec Joël. Quelques curieux viennent observer ma trapanelle. Nous allons ensuite acheter de l’essence au supermarché voisin. Les automobilistes sont surpris, ils me voient habillés en skieur en train de faire le mélange avec de l’huile 2-temps. La présence de mon ami est rassurante, il me conseille sur la suite de mon vol et transportera mon jerrican et mes bidons d’huile.
La troisième branche de mon voyage fait l’objet d’un débat. Je souhaitais voler cap au sud et me poser à Briarre, avant d’obliquer vers Aubigny-sur-Nère. Après avoir regardé la carte et évalué la distance de 50 km, j’opte pour une directe sur Aubigny. Mais bien sûr, hors de question de suivre le GPS qui me fait passer au-dessus de la centrale nucléaire de Gien !
Je prends un cap au sud, je longe l’A77. A 13h30, les ascendances et les cumulus sont bien là. Je monte inexorablement sans mettre les gaz. Les ailes sont secouées. A chaque turbulence violente, je réduis le régime et prends une légère assiette à piquer. A 2.500 ft, je zigzague entre les cumulus. Dès le décollage, je vois la centrale nucléaire, je contourne la ville de Gien par la gauche en prenant un cap sud-ouest. Cela me permet d’éviter la zone d’interdiction de la centrale EDF.
Le survol de la Loire est splendide, je repère des bancs de sable en cas de panne moteur… Les turbulences sont de plus en plus violentes, les ailes sont fortement secouées, à un autre moment, c’est l’empennage arrière. Je me dis qu’il serait très imprudent de voler par le même temps en juillet et août, certaines pompes pourraient peut-être me retourner !
Ma navigation est une fois de plus facile, il me suffit de suivre la longue départementale rectiligne jusqu’à Aubigny. Fatigué, les oreilles en compote malgré mon casque de ski, j’abrège mon intégration et me pose sur quelques mètres. Au parking, avec Joël, nous complétons le réservoir. Notre technique est maintenant au point grâce à l’escabeau transporté dans la voiture.
Pour mon avant dernier vol, j’envisage de contourner la Sologne et de voler en dessous de la classe D de Bourges et au nord de cette ville avant de bifurquer au sud-ouest pour rejoindre la base de Reuilly. Une fois en l’air, j’aperçois au loin les grandes antennes TDF d’Allouis. Immédiatement, je décide de changer de route car la nouvelle, au sud-est, est la plus directe pour rejoindre Reuilly. Cap sur les émetteurs en grandes ondes de France Inter !
Me voilà au-dessus de la forêt dense, les ascendances me font monter, je scrute les champs au milieu des arbres. Ils sont plus nombreux qu’on ne le pense. Un léger vent est derrière moi, dans l’axe, c’est un fidèle allier. Je fais une pointe à 85 km/h. La Terre défile sous mon balcon volant ! En dépassant l’A71, apparaît la Beauce berrichonne. Les champs longs et larges sont omniprésents, c’est rassurant en cas de panne moteur.
Après 50 mn de vol je reconnais la ville de Reuilly. Je sais exactement où se trouve la base, un beau terrain de plus de 200 m de long… De l’essence, un peu d’eau, une causerie et je repars pour le dernier tronçon à 17h30. A plus de 60 km/h, je dépasse Issoudun. Le paysage est sans relief, à une altitude de 2.000 ft, sur la gauche, je vois au loin les terres vallonnées de Sancerre et sur la droite Chateauroux. A l’aide de mon GPS, je longe la CTR de l’aéroport.
Je vole comme pilote et instructeur depuis plusieurs années dans cette région qui m’est familière, instinctivement je me dirige vers LFEG. A 18h30, j’atterris à Argenton-sur-Creuse où je suis chaleureusement accueilli par mes amis du club Charmprod. Mon voyage aérien aura duré plus de 5h30. Le soir même, je rentre en région parisienne. A 22h30, j’attends le RER C à la gare de Saint-Michel-sur-Orge… toujours habillé en skieur ! ♦♦♦ Stéphane Cosme
Photos © Stéphane Cosme
NDLR : les premiers Quicksilver, monoplaces, ont été conçu par Bob Lovejoy en motorisant des planeurs ultralégers testés sur les dunes de la côte Ouest, en Californie. Le pilotage reste de type pendulaire avant de passer à des gouvernes aérodynamiques. La société Eipper Formance (comprendre High Performance…) créée par Dick Eipper va industrialiser et développer la gamme jusqu’à créer des appareils biplaces côte à côte. La production se déroulera entre la fin des années 1970 et 2012, alors sous le nom de Quicksilver Aircraft. Les Quicksilver font partie de la « première génération » d’ULM dont la réglementation n’a plus rien à voir avec l’actuelle.