Du processus d’harmonisation de la la réglementation aéronautique par l’agence de Cologne…
Le GA Roadshow parisien de l’EASA s’est achevé hier, après des conférences similaires organisées dans d’autres pays, de la Suède à l’Allemagne, permettant à l’agence de Cologne de faire le point sur les dernières avancées réglementaires, évoquer les projets en cours et répondre à quelques questions. Au bilan, quelques données supplémentaires ont ainsi pu être notées même s’il reste encore bien des dossiers incomplets ou incertains sur les textes définitifs.
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Lors des commentaires de conclusion, divers représentants de l’aviation générale – des pilotes aux ateliers de maintenance en passant par les opérateurs du travail aérien – ont été unanimes pour demander à l’EASA de bien vouloir ac-cé-lé-rer le processus réglementaire afin de retrouver un semblant de stabilité et éviter ainsi le « flou réglementaire » actuel, pour ne pas parler de « chaos réglementaire », avec des rafales continues de nouveaux textes dont certains sont en projet, d’autres mis en application, d’autres encore déjà mis en application mais déjà amendés…
Certes, « faire, défaire et refaire, c’est toujours faire », et cela permet ainsi à l’agence de s’auto-alimenter perpétuellement mais du côté des utilisateurs, c’est effectivement une source de démotivation et de lassitude extrême, surtout devant les erreurs grossières commises par l’EASA dans le processus. Prenons deux exemples pour être plus concrêt.
Sous la précédente direction de l’EASA, par le Français Patrick Goudou, les « experts » de Cologne avaient prévu d’interdire tout emport d’huile à bord d’avions légers, considérant cela comme des « marchandises dangereuses ». Ces experts n’avaient pas compris, coupés de la réalité du terrain, que l’emport d’huile, quand un avion part sur un long périple en France ou à l’étranger, est un gage de sécurité – ce dernier mot fait pourtant bien partie de l’énoncé de l’Agence, un comble ! Mais quel aveu !
Sous la direction actuelle de l’EASA, par le Français Patrick Ky, et après une forte pression des Anglais de l’IAOPA-Europe, le tir a enfin été corrigé dernièrement. Il est donc désormais possible de transporter, en « quantité raisonnable », une batterie de secours, des bidons d’huile ou de liquide de dégivrage, des équipements assurément utiles et nécessaires pour aller dépanner un avion à longue distance ou « assurer ses arrières » lors d’un voyage sur plusieurs jours. Quelle énergie pour regagner un droit pourtant élémentaire, relevant d’un évident souci de sécurité alors que la « nouvelle orientation » est de prendre en compte les risques…
Autre exemple de dysfonctionnement… Le 25 août dernier, les opérations aériennes à la mode européenne ont été mises en place remplaçant, en France, le fameux arrêté de 1991. L’Opinion publiée au JO européen mentionnait comme étant concernés les avions légers, les hélicoptères, les planeurs et les ballons. Mais voilà, alors que les Air Ops entraient en application, des groupes de travail à Cologne travaillaient déjà depuis plusieurs semaines sur de nouveaux textes spécifiques au ballon et au planeur, ayant subitement découvert que les Ops prévues ne convenaient finalement pas à ces deux activités !
Ceci après un processus réglmentaire (établissement du projet en groupe de travail, diffusion du projet pour commentaire, prise en compte ou non des remarques, établissement de l’Opinion finale, approbation de la Commission européenne puis publication finale et mise en application…) qui, au minimum, dure au moins un an… Quel aveu encore sur le manque de réflexion à Cologne, de connaissance du milieu destiné à être régi par un nouveau texte… Quel manque d’anticipation !
Mais aussi quelle énergie encore une fois perdue par les bénévoles qui s’activent dans les associations, se tiennent à jour des évolutions réglementaires, tentent de suivre ces dernières et d’anticiper leur application pour, au final, découvrir que les efforts n’ont servi à rien, qu’ils ont été envoyés sur une voie de garage sans issue, après un nouveau changement de texte et un futur projet encore en gestation. De quel côté se trouve l’amateurisme ?
Il y a déjà eu dans ce domaine l’affaire de « l’ATO pour tous », avec un système aujourd’hui présenté par certains responsables de l’EASA comme un « carcan » très mal adapté notamment aux petites structures. Certains aéro-clubs ont voulu basculer rapidement sous ce nouveau statut pour découvrir, une fois devenus ATO, que ce statut n’était plus obligatoire et qu’il leur serait de plus difficile de revenir au statut précédent. Heureusement, ceux voulant redevenir simplement « déclarés » et non pas « approuvés » pourront le faire avec le futur DTO, on espère en avril 2018… Que d’énergie déployée, d’efforts pour produire des manuels simplement enregistrés dans les DSAC, faute de personnel pour les analyser.
Parmi les griefs relevés lors des commentaires de fin de GA Roadshow ce 8 octobre, on peut relever également les plaintes des opérateurs commerciaux qui ont surtout entendu des projets de simplification concernant l’aviation légère et ses activités non commeciales (NCO) et peu de retombées sur les opérations commerciales (NCC), du travail aérien à l’aviation d’affaires en passant par les ateliers certifiés (Part 145). La réponse de Dominique Roland, en charge à l’EASA du département Aviation générale (sans les hélicoptères…), a été la suivante…
Ne pouvant mener tous les projets de front, l’EASA a décidé de mettre en priorité l’aviation légère en considérant que c’était elle qui souffrait le plus des lourdeurs réglementaires actuelles et ensuite, à partir de la base de la pyramide, d’appliquer le même processus de simplification aux autres segments de l’aviation générale, selon une stratégie « bottom-up » (du bas vers le haut). Au rythme où l’ensemble avance, il faudra encore beaucoup de patience aux opérateurs commerciaux – s’ils sont encore là… – ces derniers soulignant une disparité de traitement et un problème de concurrence et de compétitivé économique, avec par exemple des mécaniciens indépendants avec la future licence L pouvant se trouver face à des mécaniciens « surveillés » dans les détails dans les organimes agréés.
Mais s’il faudrait que l’EASA accélère sérieusement, ceci relève du voeu pieux, un souhait totalement utopique au vu du rythme d’avancement actuel, entaché de multiples bugs et va-et-vient sur différents dossiers. Sans qu’il s’agisse d’une boutade, Dominique Roland a évoqué une dizaine d’années sans doute nécessaire pour mener à bien le projet global. Quand on sait que ce dernier a été entâmé il y a une dizaine d’années, c’est donc une vingtaine d’années – au mieux ! – qui sera nécessaire pour « harmoniser » la réglementation aéronautique au niveau de l’Europe.
On comprend au passage pourquoi le concept européen n’attire plus la sympathie. Vingt ans, c’est le temps d’une génération d’âge. Dans le cas de l’aviation de loisirs, c’est plusieurs générations quand on note qu’un quart de la population des aéro-clubs vol moteur quitte l’activité chaque année. Et donc, pour résumer en quelques mots le GA Roadshow de l’EASA, on peut préciser que l’on n’est vraiment… pas sorti de l’auberge. ♦♦♦
V. A. dit
La vidéo de la journée reste disponible ici
https://194.177.58.159/videos/reserveurl/4d16941c-a019-11e5-9509-000000002710/
http://www.developpement-durable.gouv.fr/General-Aviation-Roadshow-EASA.html