Projet réglementaire d’allègement de la CS-23 pour l’EASA.
Avec la même réthorique habituelle, visant à faire plus simple, moins cher et mieux, l’EASA prévoit de « réorganiser » la CS-23 (CS pour Certification Specifications), soit la norme de certification des avions utilisés par l’aviation générale, notamment les monomoteurs quadriplaces. Le projet concerne ainsi tous les avions en catégorie N (Normal), U (Utility), A (Aerobatics) et même les Commuters (avions de ligne de moins de 19 places).
Le projet annonce que cette future CS-23 « avalera » l’actuelle CS-VLA (Very Light Aircraft) limitée aux bi-triplaces de moins de 750 kg de masse maximale. Alors que ces vingt dernières années, la CS-VLA avait visé une simplification pour favoriser le développement de biplaces légers (notamment les appareils utilisés en école type AT-3, APM-20, P-2002…) par rapport à la CS-23, désormais la « future » CS-23 va récupérer l’ensemble des appareils mais en tentant de simplifier le système… L’EASA a même un temps envisagé d’intégrer la CS-LSA (Light Sport Aircraft) à la future CS-23 avant d’abandonner l’idée !
L’objectif recherché – depuis des années… – serait de simplifier le processus de certification et donc le coût de cette dernière mais aussi de faciliter le développement et l’innovation, avec un rapprochement des normes européennes CS-23 avec celles américaines (FAR-23) même si la convergence des projets réglementaires des deux côtés de l’Atlantique n’est pas encore annoncée comme totale – notamment sur les LSA, d’où l’abandon par l’EASA d’intégrer le CS-LSA à sa nouvelle approche réglementaire. On notera que le projet de la FAA (NPRM 16-01) pourrait même distinguer une catégorie d’appareils « simples », proches de ceux définis par la… CS-VLA !
Auparavant, les critères — segmentant les machines lors de la certification — portaient sur la masse, le nombre de sièges, la vitesse de décrochage, l’usage en VFR ou IFR, la pressurisation, etc. Mais l’évolution des technologies aurait désormais rendu ce « découpage » peu approprié, l’EASA comptant désormais retenir des standards basés sur des objectifs de navigabilité, en maintenant le même niveau de sécurité des CS-VLA et CS-23 actuels. Le projet vise donc un texte moins précis au niveau des données techniques chiffrées, préférant à la place des standards de navigabilité à atteindre, d’où la nécessité de définir des moyens acceptables de conformité (AMC ou Accetable methods of compliance).
Les actuelles catégories N, U et A seraient oubliées pour ne retenir qu’une seule catégorie, dite Normale. Un avion en catégorie N pourrait cependant être autorisé à faire de la voltige si une telle utilisation a été démontrée lors de la certification, avec une définition des limitations en opérations.
La nouvelle catégorie N (Normal) concernerait tout appareil de moins de 8.618 kg (soit 19.000 livres) avec quatre niveaux selon la capacité à bord :
– Level 1 : avions monoplaces
– Level 2 : avions de 2 à 6 sièges
– Level 3 : avions de 7 à 9 sièges
– Level 4 : avions avec de 10 à 19 sièges.
En performances, deux niveaux seraient de plus distingués :
– « faible vitesse » pour les appareils croisant à moins de 250 Kt (moins de Mach 0.6)
– « forte vitesse » pour ceux volant à plus de 250 Kt (supérieur à Mach 0.6).
Les avions non certifiés pour la voltige seraient autorisés à effectuer des décrochages (statiques et non pas dynamiques), des huit paresseux, des chandelles et des virages serrés jusqu’à 60° d’inclinaison maximum. Aucune limitation n’est prévue pour les avions de voltige.
La limitation des 61 Kt au décrochage pour les monomoteurs devrait, semble-t-il, disparaître, le constructeur devant par contrer déterminer la vitesse de décrochage ou la vitesse minimale de contrôle dans toutes les phases de vol (décollage, montée, croisière, descente, approche, atterrissage). Côté performances, le constructeur devra déterminer les marges de sécurité au décrochage.
Les distances de roulage et de décollage/atterrissage devront être déterminées. Pour les monomoteurs de moins de 6 sièges, la pente de montée minimale au niveau de la mer devra être d’au moins 8,3% (6,7% pour les hydravions et amphibies). Côté facteurs de charge, le constructeur devra déterminer les facteurs maximaux en utilisation et les facteurs ultimes (marge de sécurité avec un facteur multiplicateur de 1,5).
Tout ceci – si le projet réglementaire est mené à bout – pourrait concerner les futurs nouveaux avions, avec une analyse lors de la certification basée sur les risques potentiels et les capacités structurales. Un point important pris en compte sera notamment la résistance de l’appareil au décrochage et au départ en vrille (departure from controlled flight), puisque les statistiques montrent que la perte de contrôle demeure la cause la plus importante au niveau des accidents de l’aviation générale.
Aussi, l’EASA pourrait définir de nouvelles règles en matière de caractéristiques ou comportement au décrochage et d’avertissement du pilote de la proximité de ce dernier, qu’il s’agisse de mono ou de bimoteurs. Dans ce dernier cas, il s’agirait de « lier » la vitesse minimum de contrôle (VMC) à la vitesse de décrochage, plutôt que de rechercher un taux de montée en monomoteur, en favorisant une descente et un atterrissage immédiat… L’EASA compte aussi à l’avenir, grâce à la technologie, sur l’arrivée de « protections » du domaine de vol pouvant améliorer la sécurité des vols aux basses vitesses.
Ce 23 juin, la General Aviation Manufacturers Association (GAMA) a salué l’initiative de l’EASA, en notant un processus réglementaire similaire à celui annoncé en mars dernier par la FAA. Ce projet européen en arrive à la phase de consultation, ouverte jusqu’au 23 septembre prochain. Le NPA 2016-15 (Notice of Proposed Amendment ou projet réglementaire) concernant la « réorganisation » de la norme de certification CS-23 est consultable via ce lien. Le texte final, après intégration ou non des commentaires, est attendu avant la fin 2016. ♦♦♦