Séminaire à Saint-Yan pour les directeurs des vols lors des meetings aériens avec prochainement une « qualification » à obtenir pour les DV et aussi les pilotes de présentation.
Du 14 au 19 avril, à l’instigation de Jacques Aboulin – chef de centre à Saint-Yan au sein de l’ENAC – et avec le partenariat de la MALGH/DGAC (Mission aviation légère, générale et hélicoptères), un séminaire à destination des directeurs des vols (DV) a eu lieu avec trois cycles de deux jours de formation théorique et pratique.
Alors que d’un côté l’EASA prépare une réglementation concernant les manifestations aériennes (Part SPO des Air Ops en avril 2017 traitant notamment des « vols à haut risque », des organisateurs aux directeurs de vol en passant par les pilotes de présentation et que de l’autre, la DGAC accélère l’évolution de la réglementation franco-française pour se rapprocher des futurs textes tout en prenant des positions issues de l’expérience française en matière de meetings aériens, ce séminaire « expérimental » avait pour but de faire rencontrer les différents intervenants et de faire le point sur l’avancée des orientations définies par le Groupe de travail des manifestations aériennes (GTMA) auquel participent l’administration (DGAC), des organisateurs et des pilotes de présentation.
En s’appuyant sur l’arrêté de 1996 relatif aux manifestations aériennes qu’il faut faire évoluer, les orientations à venir vont passer par la réalisation d’un manuel de contrôle (pour les agents de la DGAC), un manuel d’organisation d’une manifestation aérienne, la mise en place d’un retour d’expériences (Rex), la définition des moyens et procédures de secours, la mise en place de procédures d’évaluation des pilotes de présentation (DA pour Display Authorisation) et donc des DAE (Examinateurs de DA), des conventions types avec les organismes du contrôle (prestataires de services de la navigation aérienne ou PSNA) et les gestionnaires de plates-formes.
Tout ceci doit formaliser l’environnement des manifestations aériennes, sans intégrer les textes réglementaires (« Ne pas rajouter de la réglementation à la réglementation »…) mais en clarifiant les « bonnes pratiques » à appliquer dans un souci d’amélioration de la sécurité des vols, le tout sur fond d’évolution drastique de la réglementation anglaise après notamment le crash d’un jet civil lors d’un meeting l’an passé, ayant entraîné la mort d’une dizaine de tiers au sol…
Alain de Valence (GTMA) a détaillé certains points de l’arrêté de 1996 (modifié en 2012 et 2015), en soulignant certains « flous » réglementaires parfois comme l’absence d’une définition claire de la notion de « voltige ». Le rôle du directeur de vol (DV) a été rappelé avec ses nombreuses responsabilités (tout repose sur lui…), bien qu’il puisse bénéficier d’un suppléant et de délégations au sol pour différents postes à clairement définir sur un document signé pour un transfert de responsabilité (contrôles au sol, suivi des présentations, gestion des avions visiteurs, etc.).
On s’achemine pour les DV vers une formation obligatoire, ce séminaire expérimental pouvant sans doute rendre cet office l’an prochain, afin de délivrer des agréments DV selon la taille de la manifestation (petite, moyenne et grande), un DV devant « monter » progressivement en taille de meeting à gérer. Devant réaliser un briefing pour les pilotes de présentation, le DV doit disposer de nombreuses connaissances dans différents domaines : navigabilité des aéronefs, gestion des licences de pilotes (françaises et étrangères), exploitation des aéronefs, assurances, infrastructures, télécommunications, sûreté, responsabilités civile et pénale.
Il est donc essentiel que le DV soit intégré dans l’organisation dès le début du projet d’une manifestation, pour notamment définir l’affectation des tâches, le périmètre d’autorité, définir les délégations opérationnelles. Durant la manifestation, le DV doit pouvoir se mettre « en retrait » pour avoir le recul nécessaire à la réflexion, avec rigueur, tout en gérant les egos des pilotes… D’où la nécessité de retenir un DV « compétent, garant de la sécurité, à l’honnêteté intellectuelle indiscutable » et sans doute diplomate même s’il faut parfois refuser la pression politique locale. Un système de « retour d’expérience » sera mis en place pour faire remonter tous les problèmes rencontrés sur le terrain, les DV actuels travaillant « dans leur coin » sans connaître certaines diffultés rencontrées ailleurs…
Pour Jacques Aboulin, le briefing « pilotes » doit être court (15 à 20 mn) et donné le plus tard dans la matinée pour éviter la fatigue des pilotes. Il faut rappeler le contexte réglementaire, le volume et l’espace aérien, le plan et les distances des pistes, les axes de présentation et la localisation du « point central ». Un rappel des distances réglementaires et des hauteurs par rapport au public, en fonction du type d’évolution, est nécessaire. A passer également en revue : les fréquences sol et vol, l’aérodrome avec fiche VAC et photos aux différents QFU, les aérodromes de dégagement (cap, distance, fréquence) et rappeler en fin de briefing qu’il faut voler pour le plaisir, sans pression ni compétition.
Un DV doit anticiper toutes les situations possibles, y compris la gestion de crise après un incident ou un accident (interruption de la manifestation, reprise ou annulation ?) avec des plans B et une entente au préalable avec le commentateur pour éviter les mouvements de panique. En cas de conférence de presse, qui communique et quoi ? Il est recommandé de « rester sur les faits, de penser aux victimes et d’affirmer le souci de sécurité » omniprésent dans la préparation et le déroulement d’une manifestation.
Chaque pilote de présentation devra obtenir une DA (Display Authorisation) après l’analyse de risque de la présentation, le tout formalisé par une fiche de la présentation. La DA sera adaptée au type de présentation et au type d’appareil (avion de voltige, warbirds de plus de 600 ch comprenant le T-6, jet, avion de transport, etc.). L’évaluation prendra en compte l’expérience du pilote, ses qualifications, l’expérience totale mais surtout les heures totales dans la catégorie d’appareil et sur le type utilisé. L’expérience en patrouille devra être validée selon le placement dans la formation (leader, ailier, charognard).
La grille d’évaluation est en cours de finalisation, avec une évolution ces deux dernières années des critères en fonction de l’expérience enregistrée sur le terrain avec des volontaires. L’examinateur aura un entretien oral avec le pilote sur différents domaines : technique (maintenance de l’appareil), facteurs humains (préparation mentale), assurances, limitations (manuel de vol, procédures normales et d’urgence, gestion des accélérations, gestion de l’énergie, gestion du stress et de la fatigue, émulation collective), réglementation (hauteurs et distances minimales, panne radio) sans oublier la motivation personnelle du pilote.
Le programme de présentation sera analysé avec notamment le respect d’un timing, la gestion du carburant (présentation, dégagement possible), le descriptif de la présentation (gestion de l’énergie, limites de l’aéronef, la logique d’enchaînement des figures, les altitudes et vitesses minimales en sommet de figure, l’usage de l’altimètre, les manoeuvres de substitution si mauvais positionnement ou évolution météo). La présentation en vol sera ensuite suivie du sol en prenant en compte la maîtrise des trajectoires, la prise en compte du vent et/ou de l’altitude-densité, l’aspect artistique, les manoeuvres d’urgence (en cas de panne du ou d’un moteur, ou d’un élément vital), la fin de présentation et l’intégration dans le circuit avec un seul filtre d’analyse, la sécurité.
Seront également notés l’assiduité du pilote lors du briefing, sa compréhension et son comportement, la prise de notes et les documents embarqués, la gestion du temps et le respect des horaires, la préparation mentale du pilote et la préparation machine, l’équipement du pilote (combinaison, casque, chaussures, lunettes, gants, parachute, montre, check-lists), la sécurisation du cockpit, la mise en route, le roulage…
La fiche de présentation sera également normalisée avec les différentes figures approuvées pour le pilote, ce dernier pouvant ensuite faire évoluer sa présentation durant la saison tout en restant dans le cadre approuvé (type d’aéronef). La DA a pour but de simplifier le relationnel organisateur/DV/pilote de présentation sur un meeting, même si un entraînement ou contrôle avant le meeting demeure essentiel. 150 DA « expérimentales » (car non officielles) ont déjà été « délivrées ». Le système devrait être opérationnel en 2017. La DA sera régie par une prorogation (tous les 18 mois) avec un renouvellement possible dans les 60 mois. Au-delà de ces 60 mois, le processus initial de délivrance devra être reconduit.
Pour les manifestations fédérales, même dans le cas d’évolutions simples (pas de voltige), une DA sera nécessaire car la présence du public ajoute une « pression » sur les pilotes en présentation (facteurs humains) mais la DGAC souhaitant « responsabiliser » les pratiquants (ou se désengager…), des DA fédérales pourraient voir le jour pour des rassemblements locaux ou régionaux par exemple, dans le sillage des DA déjà délivrées par la FFAM pour ses aéromodélistes… ♦♦♦
Photos © aeroVFR
Deuxième partie de ce reportage.