Le « mur » du basculement du 25 kHz au 8.33 kHz se rapproche vite !
Lors de la réunion du 12 avril à la DGAC, portant sur les obligations d’équipement, le sujet des VHF 8.33 kHz ne pouvait être laissé de côté. Plusieurs intervenants s’y sont collés pour notamment rappeler la genèse de ce chamboulement avec l’argumentaire d’une croissance du trafic dans le ciel européen, l’augmentation des capacités de gestion associées, la nécessité de resectoriser l’espace aérien et donc le besoin de nouvelles fréquences dans la bande VHF allant de 117.975 à 137 MHz.
Depuis 2007, le 8.33 kHz est déjà appliqué au-dessus du FL195 (classe C). Bientôt viendra le tour des basses couches, imposant le changement de VHF. Ceci concerne… tous les aéronefs de la Circulation aérienne générale (CAG) en France métropolitaine (les Dom-Tom ne sont pas concernés), qu’il s’agisse d’avions, d’ULM, de planeurs, d’hélicoptères, de ballons… mais aussi les prestataires civils et militaires (contrôle) sauf certaines fréquences liées aux urgences (121.5 MHz va demeurer opérationnelle), au Search and Rescue (SAR), aux données ACARS des avions de ligne…
Depuis 2014, toute mise à niveau d’un aéronef doit se faire en 8.33 kHz sauf poste identique en remplacement et le 8.33 kHz est depuis imposé à tout nouvel aéronef neuf mis en opération.
– Au 1er janvier 2018, tous les aéronefs VFR seront concernés (classes B à D et les zones à radio obligatoire ou RMZ) s’ils ont besoin d’utiliser une VHF.
– Au 31 décembre 2018 (exigence réglementaire), toutes les fréquences seront en 8.33 kHz.
Ceci concerne tous les états de l’Union européenne (les Pays-Bas sont déjà passés au 8.33 kHz en pratique) mais aussi la Norvège et la Suisse, soit 30 pays.
Du moins, cela est la vision idyllique du dossier car… des dérogations peuvent être envisagées mais sur des périodes définies et non pas sans butée calendaire. Ce peut être le cas par exemple dans un espace aérien temporairement ségrégationné durant une période courte mais il faudra déposer la dérogation avant le 31 décembre 2016 pour un problème de capacité radio, avant le 1er janvier 2017 (le lendemain !) pour des opérations en espace 8.33 kHz et avant le 31 décembre 2017 pour un problème de conversion des fréquences.
Ces dates sont prévues pour permettre à Eurocontrol de faire des simulations avant la fin 2016 et d’évaluer l’impact de telle ou telle dérogation envisagée, le tout lors de « revues » effectuées tous les six mois et dont les premiers résultats seront connus en décembre prochain. Au passage, on note que l’Etat français s’est auto-octroyé des dérogations puisque les avions militaires dont le retrait interviendra avant le 31 décembre 2015 n’auront pas besoin de passer au 8.33 kHz alors que les avions militaires sont sensés pouvoir circuler dans tous les espaces aériens !
Pour les pilotes et les contrôleurs, une nouvelle gymnastique mentale devra se mettre en place pour passer de la fréquence actuelle 120.1 MHz à la future 120.100 MHz. On parle par habitude de « fréquence » mais il s’agit d’un canal découpé en trois fréquences. Il ne faudra pas utiliser un poste équipé 25 kHz en espace 8.33 KHz car ceci entraînera des interférences, avec la VHF « bavant » sur les fréquences proches.
Sur le schéma ci-dessus, une VHF 25 kHz émet (courbe rouge) sur la « fréquence » 132.05 MHz, en fait le canal 132.055 mais la VHF « bave » sur les fréquences proches 132.060 et 132.040. Le contrôleur répond avec une VHF 8.33 kHz (courbe bleue au centre) mais d’autres contrôleurs, sur les deux autres fréquences proches (à droite et à gauche), peuvent émettre au même moment et ainsi perturber la bonne réception pour l’avion équipé encore d’un VHF 25 kHz. Dans cette situation, même avec l’usage du squelch, il ne sera pas possible de bénéficier d’une bonne réception à bord…
Cette transition imposée vers le 8.33 kHz a un coût. Le Conseil national des fédérations aéronautiques et sportives (CNFAS) l’a évalué à 32 millions d’euros pour tous les aéronefs de l’aviation générale en France. L’Europe répond qu’il est possible d’envisager des aides financières portant non pas sur l’achat des VHF (aux fédérations de prévoir des achats groupés…) mais sur les coûts d’installation et de certification.
Un dossier doit être déposé mais ce n’est visiblement ni du niveau d’un aéro-club ni du niveau d’une fédération (« Mission impossible »…) mais plutôt à destination des groupes industriels. Le CNFAS a donc demandé à la DGAC d’engager une telle procédure sachant que la CAA (Grande-Bretagne) a plusieurs mois d’avance sur le sujet avec un tel dossier d’aide financière déposé en février dernier…
Pour faciliter les échanges techniques et administratifs dans chaque pays, sans devoir passer par une démarche vers l’EASA à Cologne, il a été décidé que chaque pays bénéficierait d’un National Coordinator, un intervenant chargé de coordonner les démarches et répondre aux demandes. Pour la France, le coordinateur 8.33 kHz est ainsi Christophe Meyeur (DGAC).
Au niveau du plan d’équipements au sol (hors fréquences AFIS), on note les dates suivantes :
– 2013 : 121 fréquences équipées 8.33 (approches des grands terrains).
– 2014 : 22 fréquences supplémentaires (Roissy, Orly…) avec l’obligation à cette date de passer la barre des 25% de fréquences converties.
– 2015 : 13 fréquences supplémentaires.
– 2016 : 31 fréquences supplémentaires (Roissy, Orly, Saint-Ex…).
– 2017 : approches d’aéroports (Le Bourget, Strasbourg, Blagnac…) avec encore certaines fréquences en 25 kHz, notamment pour les fréquences supplétives (utilisés en secours).
– 2018 : 257 fréquences supplémentaires converties soit 118 au premier semestre et 139 au second.
– 2019 : 90 fréquences seraient encore en 25 kHz avec un manque de fréquences 8.33 si la transition 25/8.33 a été lente. Des échanges de fréquences entre pays peuvent intervenir, rallongeant le processus d’attribution.
Quand on note que seulement 13,7% des aéronefs sont actuellement équipés 8.33 kHz, on prend bien en compte que le « mur » est bientôt là et que l’on est déjà dans l’urgence ! ♦♦♦
aerovfr.com dit
Des commentaires reçus ce jour par mail de Michel Blondeau :
Une petite rectification sur votre article sur les radios 8,33khz.
Une VHF à canaux espacés de 25khz ne « bave » pas plus qu’une radio 8,33 kHz.
Le spectre de fréquence occupé en émission est le même.
Une radio 25khz occupe en émission la même largeur de bande qu’une 8,33. Fréquence d’émission avec 2 bandes latérales égales à la fréquence maxi de la parole (environ 3.000 Hz). Nous sommes en modulation d’amplitude. Donc aucun risque de rendre inutilisables les fréquences proches en 8,33 kHz.
Avec les émetteurs actuels (à synthétiseur de fréquence), la fréquence d’émission est précise et stable. J’ai connu les émetteurs à quartz, là c’était autre chose.
A mon avis, le seul problème risque d’être en réception si la sélectivité du récepteur n’est pas assez fine (pas besoin d’une grande sélectivité sur une 25 kHz). C’est ce qui est illustré dans le schéma.
On risque donc de recevoir en même temps les fréquences adjacentes 8,33 sur une fréquence 25 kHz. Mais cela reste à vérifier en fonction des VHF 25 kHz utilisées (filtre de bande passante analogique ou numérique…).
Bien à vous
Michel Blondeau
AC Brioude (LFHR)