Une évolution envisagée par l’EASA pour les avions « orphelins ».
Un avion devient « orphelin » quand le propriétaire du certificat de type (TC ou Type Certificate) cesse son activité ou perd son habilitation, notamment faute d’un bureau d’études opérationnel (DOA ou Design Organisation Approval). Un constructeur peut également « rendre » de lui-même son certificat de type, ne voulant plus assurer le suivi d’un appareil – ce fut le cas ces dernières années, par exemple, des Cap-10. Dans ces trois cas, le certificat de type devient alors « invalide » car le constructeur n’assure plus, ne veut plus ou ne peut plus assurer la responsabilité du suivi de navigabilité de l’appareil en question.
Un avion « orphelin » ne peut alors plus bénéficier d’un certificat de navigabilité « standard », en l’absence d’un propriétaire du certificat de type, sauf si une nouvelle société demande à prendre la suite. Dans le cas contraire, un avion « orphelin » peut cependant continuer à voler en bénéficiant d’un certificat « restreint » de navigabilité ou un « laissez-passer » (Permit-to-Fly).
Il semble que l’Agence européenne soit en train de reconsidérer sa politique en matière d’avion « orphelin », en souhaitant à l’avenir que tout avion EASA bénéficiant d’un certificat de navigabilité restreint, établi sur la base de spécifications SAS (Specific Airworthiness Specification), puisse être autorisé à obtenir un « laissez-passer » (Permit to Fly ou PtF) si le propriétaire le demande.
Les SAS remplacent le certificat de type quand ce dernier ne peut être établi, soit en l’absence d’un titulaire du certificat de type soit parce que l’avion, certifié dans un pays non européen, n’a pas été certifié par l’EASA (cas des avions russes…). Ceci ne concerne pas les avions dits en Annexe 2 qui ne sont pas régis par l’EASA (avions de construction amateur ou en kit avec un CNRA, avions de collection avec un CNRAC, ou encore les ULM).
Evidemment, les SAS ne sont pas prévues pour échapper à une certification (certificat de type « standard » ou restreint) mais visent à « légaliser » des avions qui n’ont pas été certifiés selon les critères EASA mais qui figurent déjà sur le registre des immatriculations des pays de l’Union européenne. Il n’est à première vue pas prévu ainsi d’importer de tels appareils supplémentaires qui devraient être certifiés de façon classique.
L’EASA précise que l’arrêt d’activité d’un motorise ou d’un hélicier n’invalide pas automatiquement le certificat de type d’un avion. Ainsi, un moteur devenu « orphelin » n’entraîne pas forcément un avion « orphelin » si le propriétaire du certificat de type accepte de poursuivre le suivi de navigabilité avec le moteur en question. En d’autres mots, les SAS ne s’appliquent pas aux moteurs et hélices, mais à la cellule.
De plus, avant la création de l’EASA, des avions « orphelins » au niveau national étaient déjà autorisés à voler, avec des certificats de navigabilité non-OACI, type Permit to Fly, CDNR ou CDN restreint. Ces avions, bénéficiant par la suite de SAS, continuent de voler sous Permit to Fly EASA. Pour cela, ils ont bénéficié au départ d’un certificat de type, de consignes de navigabilité (AD) et subissent certaines contraintes comme l’interdiction de réaliser des activités commerciales – donc un usage privé ou encore normalement en aéro-club hors baptêmes.
Pour l’évolution réglementaire envisagée par l’EASA, pourraient à première vue faire partie de ces appareils, des avions comme les Reims-Cessna F182, Cessna 210, Socata ST-10 Diplomate, Gardan GY-80 Horizon, Sukhoi Su-29 et Su-31, Speed-Canard SC1, General Avia
F-22, Scheibe SF-25, Cerva CE-43, Wassmer série 40, Partenavia P68 Victor, Fournier RF-10… sans parler de quelques planeurs (M100 et M200, Pik-20, JP-15, C30S, Wassmer 26 et 28, Centrair 101 Pégase, Bijave et Super Javelot, etc.).
On notera qu’une grande partie des appareils pouvant être concernés sont d’origine française. L’étude de l’activité, sur la base de données provenant de la DGAC, a montré que la sécurité des vols n’est pas mise en jeu quand un appareil passe d’un certificat de navigabilité restreint à un « Permit-to-Fly », d’où l’évolution envisagée par l’EASA si le propriétaire le demande et moyennant une redevance.
En Grande-Bretagne, la Light Aircraft Association (LAA), équivalent anglais de la Fédération RSA française, se réjouit de cette évolution et envisage ainsi de participer, avec ses propres inspecteurs, à la délivrance initiale des Permit-to-Fly pour des appareils comme le Gardan Horizon ou le Beagle Pup, en assurant le suivi technique des appareils pour ses membres propriétaires de tels avions immatriculés en Golf. Toute modification d’un appareil en Permit-to-Fly devra être autorisée par la suite par l’EASA, en dehors des « modifications mineures ». En révoquant les « Flight Conditions » de l’EASA, en établissant un nouveau document mentionnant les AD (Airworthiness Directives) considérées comme obligatoires, un avion sous PtF peut alors éviter certains AD recommandées mais jugés « obligatoires » par certains !
A première vue, il devrait être « théoriquement » possible pour un appareil en Permit-to-Fly de revenir ensuite à un certificat de navigabilité restreint, sous certaines conditions et selon la bonne volonté de l’autorité locale ou de l’EASA. Bref, rien n’est sûr ! Il faudra donc bien étudier les avantages et inconvénients avant de basculer ou non dans le nouveau registre… ♦♦♦
Photo © RuthAs Wikimedia
Wassmer Wa-40A Super IV photographié en 1963 à Toussus-le-Noble, quand il y avait encore de l’herbe sur les parkings…
Lien vers la page du site de l’EASA (en anglais) évoquant ces différents sujets.