Traduction « libre » d’un document de l’EASA présentant l’approche suivie à Cologne pour définir la future qualification Basic IR dont le projet réglementaire sera diffusé en juin prochain.
Le 18 décembre dernier, l’EASA a fait le point sur l’évolution de la qualification IR (Instrument Rules) via un « Concept Paper » (RMT 0677) intitulé « Un accès plus simple au vol aux instruments pour les pilotes de l’aviation générale ». L’EASA répète à cette occasion que l’accès plus simple à l’IR pour les pilotes privés fait partie de ses objectifs clé. Elle a étudié plusieurs solutions pour améliorer la situation. La proposition phare est un Basic IR avec une formation modulaire, basée sur les compétences et orientée vers les besoins des pilotes de l’aviation générale.
Cette évolution souhaitée s’accompagnera d’évolutions dans d’autres domaines comme la certification des appareils, les opérations aériennes (aérodromes, contrôle aérien) qui ont un impact sur le vol aux instruments. D’où ce point diffusé sur le sujet pour exposer l’approche suivie en notant que le projet réglementaire (NPA) sera diffusé au second trimestre 2016 (juin ?). Cette évolution fait suite au constat de la faible activité IFR en Europe pour l’aviation générale contrairement aux Etats-Unis. Un des freins relevés est une réglementation disproportionnée par rapport aux attentes et besoins de l’aviation générale.
Les axes d’amélioration listés
– le niveau de la formation théorique et des examens actuels est disproportionné. Les qualifications à venir devront exiger des connaissances plus simples et mieux adaptées.
– l’accès à des formations IFR flexibles, assurées par des unités de formation et des instructeurs orientés vers le monde de l’aviation générale, est bien souvent restreint et devrait donc être amélioré.
– les pré-requis actuels en temps de vol IFR pour permettre à des instructeurs d’assurer une formation IFR sont sans doute trop élevés par rapport à ce qui est nécessaire et il faudra revoir les niveaux d’exigence en compétences et expérience des instructeurs formant à l’IFR des pilotes de l’aviation générale.
– le coût d’achat et de certification des équipements de simulation, utilisés pour l’instruction IFR, constitue une barrière pour les unités de formation de l’aviation générale quand il s’agit d’acquérir de tels moyens.
– l’exigence de l’aptitude à la pratique de l’anglais décourage de nombreux pilotes de l’aviation générale – insuffisamment compétents en anglais – de suivre une formation IR. Il serait approprié d’exiger cette compétence uniquement si l’anglais doit être utilisé durant le vol.
La future qualif Basic IR
La qualfication visée (Basic IR) concernera les pilotes volant sur monomoteurs (SEP) et bimoteurs (MEP). Elle sera développée autour des principes suivants :
– la formation sera modulaire et basée sur les compétences.
– la formation sera orientée vers les besoins « réels » du vol aux instruments pour les pilotes de l’aviation générale, avec notamment une attention particulière mise sur l’application pratique des TEM (Threat and Error Management ou gestion des erreurs et des menaces).
– les privilèges accordés seront adaptés aux compétences atteintes.
– si besoin, il y aura une flexibilité en termes de chronologie dans laquelle différentes compétences pourront être obtenues. Ceci sera lié à différents modules de formation.
– malgré une adaptation aux besoins de l’aviation générlae, le standard de la formation et des examens pratiques seront similiaires à ceux de l’IR version OACI, notamment en regard de l’interaction des pilotes avec les autres usagers de l’espace aérien. Il est très important que les pilotes de l’aviation générale volant en IFR disposent des compétences exigées dans ce domaine.
Des modules de formation théorique et pratique
Le groupe de travail en charge du dossier devra établir le contenu optimal de chacun des modules de formation. Un cursus sera défini avec un ordre logique d’acquisition des compétences. Les principes retenus comprennent deux niveaux :
– un module IR de base. Il sera suivi en premier et comprendra les bases du pilotage IFR. Il ne donnera pas de privilège particulier, même s’il sera validé par un certificat une fois le niveau atteint par le candidat.
– des modules IR. Ils forment le cursus global avec un thème pour chacun (départ, attente, approche, en route, procédures de navigation, etc.). Un candidat pourra les passer tous ou seulement certains d’entre eux, selon ses propres besoins ou son ambition. Selon le type de modules suivis et validés, le candidat disposera de privilèges différents. S’il est envisagé de retirer toute exigence en termes d’heures minimales de formation – en visant une formation basée sur les compétences – l’EASA indique qu’il est peu probable de passer sous les 30 heures de formation pour acquérir toutes les compétences.
Côté théorie, pour obtenir un niveau mieux proportionné par rapport à la qualification actuelle (CB IR) basée sur les compétences, il est prévu que chaque module sera validé par un examen lié aux objectifs visés. Il s’agira d’un examen par QCM similaire à celui du PPL, avec questions traduites dans la langue du pays. Les questions ne porteront que sur l’activité IFR. Le niveau de connaissance devrait être similaire à celui exigé pour l’IR américain.
Des privilèges modulaires
Les privilèges seront liés aux acquis. Un candidat ayant passé le module de base et le module concerné pourra bénéficier du privilège des procédures d’approche. De même, avec le module de base et les modules couvrant la partie « en route », seulement l’IFR en route sera autorisé. Cette flexibilité est souhaitée pour mieux répondre aux attentes des pilotes en terme de disponibilité ou de contrainte financière, ne pouvant souvent pas s’impliquer sur une formation globale en une seule fois.
Si tous les modules sont acquis, les privilèges obtenus seront similaires à ceux de l’IR, mais limités selon les paramètres suivants :
– limitation aux avions mono-pilotes pour lesquels une qualification de classe est exigée, à l’exclusion des avions « high performance » (HPA) ou pour lesquels une formation additionnelle est exigée.
– les minimas pour les procédures aux instruments seront plus élevés, par exemple +200 ft par rapport aux minimas d’approche, avec comme hauteur minimale absolue 500 ft. Une base des nuages à 600 ft et une visibilité d’au moins 1.500 m seront nécessaires pour les départs et arrivées, afin de s’assurer qu’un circuit basse hauteur demeure une option viable.
Le maintien de la qualification pourrait être assurée par une alternative entre un vol d’instruction annuel, avec un instructeur disposant de la qualification de vol aux instruments, ou un vol de contrôle par un examinateur.
Une passerelle est prévue pour atteindre les privilèges « complets » de l’IFR via le CB IR route. L’expérience acquise en Basic IR sera prise en considération. Exemple, si 10 heures de formation Basic IR ont été assurées en ATO, elles seront comptées pour le CB IR. Il devrait en être de même pour la partie théorique, avec un examen oral par l’examinateur lors du test pratique.
Avions et contrôle aérien
L’EASA s’intéresse également à la certification des appareils avec la volonté d’exigences appropriées car si la flotte n’est pas suffisante, l’évolution du nombre de pilotes IR ne se fera pas… Une réflexion est lancée sur les exigences en matière de certification initiale d’avions légers pour la pratique de l’IFR ainsi que sur l’avionique de bord.
Pour faciliter la pratique, il est nécessaires que les routes entre aérodromes, les procédures d’approche et de départ, soient accessibles aisément, d’où :
– des exigences proportionnées pour les procédures d’approche aux instruments (IAP) afin de développer le nombre d’aérodromes utilisables.
– des exigences mieux proportionnées pour les services du contrôle aérien (ATS) avec un réseau de routes mieux adapté à l’aviation générale. Par exemple, le survol de zones terminales impose souvant des altitudes supérieures aux capacités des avions typiques de l’aviation générale, et dans certains pays européens, les altitudes minimales en route ne sont pas adaptées aux avions concernés même s’il n’y a pas de relief. Le concept de « free route » devrait être pris en compte pour l’espace aérien des niveaux de vol inférieurs.
– un accès plus simple à l’espace aérien, notamment si les privilèges du pilote ne lui permettent pas de suivre la procédure de départ, ou d’arrivée, publiée, avec une adaptation nécessaire.
– le suivi de vol devrait être simple. La route envisagée et celle réellement suivie devraient être similaires, avec un plan de vol suivant une trajectoire simple et non pas de multiples évolutions comme c’est le cas parfois pour faire accepter un vol par le contrôle aérien.
Information aéronautique
Une bonne information (navigation, départ, arrivée, approche) reste un point clé. De nombreux logiciels permettent une préparation des vols peu coûteuse et aisée mais ces systèmes dépendent du coût de mise à disposition des données. Les Etats ne partagent pas toujours les données selon des formats communs, pouvant être utilisés par l’aviation générale. Une base de données centrale, de préférence relevant du domaine publique, comprenant toutes les informations aéronautiques exigées pour le vol IFR en aviation générale (dont les procédures de vol), accessible via internet, constituerait la solution optimale. De plus, la disposition en vol de ces informations, dont celles relatives à la météo, est un point crucial en matière de sécurité des vols et elle devrait être facilitée au maximum.
Bilan attendu
Avec un accroissement attendu du nombre de pilotes qualifiés IR (du moins Basic IR), l’EASA entend dynamiser l’aviation générale (impact économique), avec un accroissement de l’activité à tous les niveaux (heures de vol pour les pilotes et unités de formation, développement économique avec les voyages aérien, chiffre d’affaires des constructeurs et équipementiers avec du matériel adapté, activité des ateliers de maintenance).
Avec une formation basée sur les compétences et une intégration parfaite avec les autres usagers de l’espace aérien, l’EASA anticipe un « effet positif sur la sécurité ». En « augmentant le nombre de pilotes se lançant dans une formation de vol aux instruments », cette réglementation « améliorera les compétences des pilotes et les rendra moins vulnérables face aux risques associés aux mauvaises conditions météorologiques, comme la poursuite d’un vol VFR en IMC ».
L’EASA considère que la « majorité des vols IFR se déroulent en fait pas conditions VMC (Visual Metorological Conditions), permettant souvent un accès à une meilleure météo en route que ne l’aurait permis un vol conduit sous les minimas VFR, en survolant par exemple le mauvais temps ». Elle considère que « le vol IFR apporte aussi d’autres avantages comme une meilleure intégration » des trafics et donc une diminution du risque de collision en vol. De plus, « remettre les pilotes de l’aviation générale dans un environnement de formation va dynamiser leur niveau global de compétence ».
Cependant, « le risque associé au vol IFR est parfois différent de celui du vol VFR, avec une autre série de dangers devant être gérés par le pilote. Par exemple, un vol qui ne serait pas possible en VFR suite à la météo, peut être réalisé en IFR avec une évaluation prudente des risques associés. Il est donc important que la formation mette le doit sur la gestion des risques. Globalement, cependant, il y a souvent moins « d’inconnues » opérationnelles en IFR, et les risques sont donc plus simples à prévoir et à gérer ».
Côté impact environnemental, l’EASA précise que l’aviation commerciale représente chaque année environ 1 milliard d’heures de vol, en faible croissance. Chiffre à comparer avec un total de 4 millions d’heures de vol annuelles par l’aviation générale en Europe. Le trafic IFR volant plus haut entraînera moins de nuisances sonores même si, au départ et à l’arrivée, une augmentation mineure pourrait être relevée avec des vols qui n’auraient pas eu lieu en VFR. Côté impact social, l’évolution devrait dynamiser le milieu aéronautique, avec plus d’interactions sociales (formation, maintien des compétences, voyage aérien). ♦♦♦
Pour ceux qui préfèrent lire l’anglais, lien vers le document de l’EASA.