Comment rattraper un atterrissage imparfait ne nécessitant pas forcément une remise de gaz.
Selon un dicton ancien, un pilote ne vaut pas mieux que son dernier atterrissage… Cela remet les choses en place et fait bien la distinction entre l’expérience totale et l’expérience récente ! Pour d’autres, l’atterrissage est la « science des ânes »…
L’arrondi demeure une phase difficile à mettre en place durant la formation d’un pilote, pour plusieurs raisons. Plus le sol arrive et plus l’élève peut stresser à l’idée de faire une mauvaise action ou de faire un « boom ». C’est une phase « transitoire » avec une diminution progressive de la vitesse, une efficacité décroissante des commandes de vol, le tout avec un changement d’assiette près du sol… Débattements et efforts sont constamment à revoir et au début, ce n’est pas simple ! Les premiers essais, sous le contrôle de l’instructeur, peuvent ainsi être variés, avec arrondi trop tôt ou trop tard, trop marqué ou pas assez…
L’élève doit, progressivement, se faire sa propre expérience, en notant que les paramètres en jeu changent d’un tour de piste à l’autre. Il faut qu’il prenne bien en compte la boucle à mettre en place entre le pilote et la machine, sans mécaniser son action sur les commandes car leur effet varie avec la vitesse qui peut ne pas être identique à chaque début d’arrondi. Il faut donc une boucle de rétroaction entre l’action sur le manche et la réponse de l’avion, avec le cerveau analysant instantanément la situation constamment évolutive.
On n’échappe pas ainsi à un moment de la formation à une reprise intempestive d’altitude après une action trop marquée sur le manche, ce qui imposera une remise de gaz et une nouvelle présentation – solution pédagogique puisque l’atterrissage est une non-remise de gaz… – avec une progression par essai et erreur, la sécurité étant assurée par l’instructeur. Ce peut être aussi le cas également si l’avion a touché un peu « sec » et se retrouve à nouveau en vol, après un rebond important, justifiant une remise de gaz. L’important sera alors de bloquer rapidement l’action trop marquée en tangage pour ne pas atteindre des assiettes « critiques » pouvant mener au décrochage.
Au fil du temps, en effectuant toutes ou seulement certaines erreurs classiques dans cette phase de « retour sur la planète », les bons dosages sur les commandes de vol et une amélioration de la perception, à la fois de l’assiette au toucher et de la hauteur de l’appareil par rapport au sol, vont permettre d’enchaîner des atterrissages jugés de plus en plus « corrects », pouvant alors mener au lâcher. Mais ce savoir-faire peut être encore « très frais » et après quelques jours d’absence au terrain, il faudra à nouveau valider en double commande la qualité de ses atterrissages avant de pouvoir refaire un second solo.
Et même une fois breveté, un atterrissage se travaille à chaque fois… sans être certain d’atteindre la perfection, avec la nécessité au préalable d’avoir une finale bien stabilisée, avion correctement compensé, pour avoir du recul et le temps de bien analyser la situation… Malgré cela, il viendra un jour où l’appareil rebondira, suite à un arrondi insuffisamment achevé, avec un taux de chute encore élevé, associé à la souplesse du train d’atterrissage…
En perfectionnement, il devient utile de savoir « récupérer » une telle situation, sans forcément remettre les gaz. Cette dernière procédure reste une éventualité à sérieusement prendre en compte si, après le rebond, l’avion se retrouve à une « certaine » hauteur, trop élevée, supérieure à celle de début d’arrondi, ou si l’assiette s’avère trop marquée, ou si encore, l’avertisseur de décrochage couine alors que le sol n’est pas tout proche, que le buffeting se fait ressentir…
Si ces situations ne sont pas rencontrées et si l’avion n’a rebondi que de quelques dizaines de centimètres, la remise de gaz ne s’impose plus, sauf sur piste limitative. Le rebond peut provenir d’un taux de chute un peu trop élevé, ou d’une vitesse un peu trop forte. Ce peut être aussi le cas sur avion à train classique lors du touché prématuré sur le train principal, sans avoir atteint l’assiette 3-points idéal pour l’atterrissage. Ce peut être encore le cas après un atterrissage correct mais sous l’effet d’une rafale de vent qui remet l’appareil en vol de façon intempestive…
Dans tous les cas, si le régime moteur a bien été réduit au plus tard en début d’arrondi, l’aéronef est en perte d’énergie, qu’il s’agisse d’énergie cinétique ou potentielle. Il suffit d’attendre – pas si longtemps – pour que la gravité reprenne le dessus et ramène l’aéronef au sol. Juste avant le premier touché entraînant le rebond, si l’assiette à cabrer n’était pas suffisante, il va falloir poursuivre la prise d’assiette pour obtenir la bonne valeur au second touché, prévu pour être le… dernier et comme la vitesse est en diminution, le débattement à effectuer sur le manche peut être alors plus important la seconde fois.
L’erreur à ne pas commettre, et que l’on retrouve parfois dans les comptes-rendus du BEA, c’est de vouloir « forcer » l’appareil à se poser. S’il a trop de vitesse, pas la peine de vouloir lui forcer la main, lui a encore envie de voler… Et si vous « rendez la main » lors du rebond, l’appareil peut se placer sur une trajectoire courbe, proche d’une trajectoire balistique et il sera peut être vain ensuite d’empêcher la roulette avant de toucher le sol brutalement.
Donc, ne pas « rendre la main », même s’il faut arrêter quelques instants l’action à cabrer en début de rebond avant de reprendre le mouvement d’arrondi quand la trajectoire s’incurve ensuite à nouveau vers le sol. Si la hauteur semble un peu élevée durant le rebond (1 à 2 mètres ?) et toujours si la piste n’est pas limitative, il est possible de remettre un « filet » de gaz pour redonner un peu d’énergie à l’avion, souffler l’empennage horizontal afin d’améliorer son efficacité. Cet apport de puissance peut être conservé jusqu’au toucher pour bénéficier d’une petite composante verticale du moteur, limitant ainsi le taux de chute. Et toujours, en cas de doute, ne pas oublier la remise de gaz !
En cas de rebonds successifs, si l’assiette est bien affichée, en protégeant la roulette avant sur avion à train tricycle, l’énergie se dissipant, le « système » va se calmer et les rebonds, qui peuvent être multiples, vont connaître une amplitude décroissante. Ce n’est pas gracieux vu de l’extérieur, mais c’est souvent plus notable de l’intérieur… C’est le fameux « atterrissage de colonel », expression militaire saluant l’arrivée d’une « huile » en inspection sur une base et profitant de l’occasion pour faire ses heures… Mais si les rebonds s’amplifient et/ou si l’assiette devient de plus en plus cabrée, il est alors grand temps de remettre les gaz.
C’est le cas typique si le pilote intervient en opposition de phase avec la situation à gérer – on parle alors d’oscilations induites par le pilote (PIO ou Pilot Induced Oscillations). Il souhaite arrondir, en tirant un peu trop énergétiquement le manche ou le volant juste au moment où le train joue son rôle de tremplin, et il rend la main en cherchant à diminuer l’assiette trop marquée lors du rebond alors que l’appareil est déjà sur une trajectoire courbe orientée vers le sol. Bref, c’est le rapport type du BEA avec un élève en solo qui sort de piste ou endommage la roulette avant lors des premiers vols solo quand le savoir-faire demeure encore « fragile ». D’où l’unique solution en début de formation d’appliquer la remise de gaz en cas de rebond…
Les rebonds peuvent également s’amplifier dans le cas d’un arrondi trop tardif, avec toucher en premier de la roulette avant. Le couple ainsi créé va faire basculer l’appareil sur le train principal de façon « énergique », avec prise rapide d’incidence donc augmentation de portance sans compter sur l’effet élastique du train principal, notamment les trains à lames (type Cessna). La machine va donc reprendre l’air… L’appareil peut alors alternativement toucher du train principal puis de la roulette avant et ainsi de suite, si rien n’est fait… A savoir, maintien du manche secteur arrière pour contrôler l’assiette et ajout d’un peu de puissance (si les rebonds diminuent d’intensité et se font uniquement sur le train principal), voire la totalité dans le cas d’une remise de gaz.
Comme tout cela n’est que de la théorie, prenez donc rendez-vous avec un instructeur pour travailler vos atterrissages ! Et si vous rebondissez, apprenez avec lui à noter les situations où la remise de gaz s’impose et celles où il devient possible de « récupérer » un premier atterrissage imparfait. ♦♦♦
Edit : merci à Denis Pluche d’avoir signalé, à la lecture de cet article, que le manuel FAA (USA) du pilote privé comprend quelques pages sur le sujet, ce qui n’est pas le cas des manuels de pilotage en France alors que chaque année connaît son lot de dommages matériels dans ce domaine…