Dernière ligne droite vers le Basic Training Organisation (BTO) prévu en avril 2018 pour les aéro-clubs ne souhaitant pas passer au statut d’ATO…
Avril 2018 devrait voir la mise en application de la « troisième voie » prévue par l’EASA pour les organismes de formation en Europe. Ce sera la phase finale d’un long processus réglementaire visant à remplacer les organismes déclarés (OD), ou Registered Facilities (RF), prévus initialement par les JAA avant que l’EASA ne reprenne en main toute la réglementation aéronautique en Europe, notamment pour… dynamiser l’aviation générale.
Ce sera ainsi l’aboutissement d’un processus qui aura débuté il y a plus de dix ans ! Le résultat du mode de fonctionnement de l’Agence européenne… Et il aura fallu que l’IAOPA-Europe (alias les Anglais) tappe du poing sur la table à Cologne pour que le processus soit ainsi réorienté afin d’éviter le mur vers lequel l’Agence européenne entendait projeter l’aviation générale. Cet « ultimatum » britannique envoyé à l’EASA – qui a permis ensuite à de multiples organismes de « défense » des pilotes privés de crier Victoire en revendiquant une part de responsabilité dans cette décision même quand aucune action n’avait été réellement menée en ce sens… – s’est fait en parallèle avec le changement de directeur à la tête de l’EASA.
L’Agence européenne s’était quand même octroyé auparavant un premier report d’un an. Il est en effet aisé pour l’EASA de repousser une date d’application qu’elle a elle-même définie auparavant mais qu’elle ne peut pas tenir dans les faits… alors qu’elle impose ensuite aux utilisateurs des dates à respecter impérativement même s’ils n’ont pas participé à l’élaboration du calendrier…
Le nouveau directeur, Patrick Ky, récupérant le dossier en cours de route ne pouvait faire autrement que de remettre le projet réglementaire dans les tiroirs, ce qui fut fait à l’été 2014 et ce pour trois ans, histoire de se donner du temps et de repartir sur de meilleures bases, après avoir utilisé son joker et tout en précisant à l’époque qu’il ne connaissait pas la « capacité de résistance » interne à l’Agence pour se remettre en question.
L’EASA est donc repartie dans son processus de « rule-making » en prévoyant une troisième voie, entre les organismes déclarés déjà en place et les Approved Training Organisation (ATO) jugés trop contraignants par un grand nombre d’organismes de formation se limitant à la formation des pilotes privés. Sa nouvelle « feuille de route » devait s’appuyer sur 6 principes connus depuis des décennies mais que l’EASA a bien voulu admettre après quelques années de réflexion :
1) une réglementation unique pour l’aviation ne répond pas attentes de l’aviation générale.
2) la volonté d’un nombre minimum de règles nécessaires.
3) adopter une approche basée sur l’évaluation des risques.
4) Protéger les « droits du grand-père » à moins que des critères de sécurité statistiquement significatifs et prouvables ne les jugent pas souhaitables.
5) appliquer les principes de l’Union européenne d’une réglementation juste.
6) faire le meilleur usage des ressources et expertises disponibles.
Elle a alors défini les stratégies possibles avec :
– l’option 0 : aucune évolution avec le maintien du projet ATO, entraînant le risque de voir des organismes de formation arrêter leur activité.
– l’option 1 : la mise en place de RTO (Registered Training Organisation), soit une adaption du concept d’ATO sans exiger une homologation mais par simple déclaration.
– l’option 2 : la mise en place de BTO (Basic Training Organisation), soit la version ATO mais associée à une homologation « allégée ».
– l’option 3 : pas d’exigence pour les structures de formation, celle-ci pouvant se faire en dehors de tout environnement organisationnel.
Pour faire son choix, l’EASA a étudié l’impact de ces différentes options à travers de multiples filtres (sécurité, impact social et économique, etc.).
Sécurité
Option 0 : « Pas d’impact avec un maintien de la sécurité ».
Options 1 et 2 : « Pas d’impact attendu avec un standard équivalent suite à une structure ATO adaptée faisant usage d’une vision basée sur l’évaluation des risques ».
Option 3 : Un « impact négatif attendu, car plus de difficulté à assurer un contrôle global et une standardisation de la formation ».
Impact social
Option 0 : « Des exigences disproportionnées pour mettre en place une ATO assurant la formation de pilotes privés et les qualifications associées. Ceci pourrait mener les unités actuelles (organismes déclarés) à cesser leur activité face à la surcharge imposée par la réglementation ».
Option 1 et 2 : « Des exigences mieux proportionnées avec une approche mieux basée sur l’évaluation des risques. Cette option permet un meilleur équilibre entre flexibilité et qualité de la formation. Avec des contraintes organisationnelles plus faibles pour les unités de formation gérées principalement par des bénévoles, le coût de la formation d’un pilote privé sera réduit, permettant à plus de candidats d’acquérir la licence de pilote ».
Option 3 : « Aucune exigence. Tout instructeur peut assurer une formation vers une licence non-commerciale, une qualification, sans avoir besoin d’une structure formelle de formation. Ceci pourrait entraîner la disparition des organismes déclarés puisqu’ils ne seraient plus nécessaires. En l’absence de contrainte organisationnelle, le coût d’une formation serait réduit, permettant à plus de candidats de décrocher la licence de pilote ».
Impact économique
Option 0 : « Impact disproportionné sur les coûts. Les exigences imposées aux ATO entraînent des contraintes de ressources et de finances, qui peuvent pousser les unités actuelles à cesser leur activité ».
Option 1 : « Un impact sur les coûts mieux proportionné, avec des coûts additionnels principalement associés aux ressources pour établir un RTO. Quelques coûts additionnels à attendre pour l’enregistrement. Globalement, une réduction des coûts ».
Option 2 : « Un impact financier mieux proportionné, avec des coûts additionnels liés aux ressources pour établir un BTO. Des redevances de certification pourraient être créées. Globalement, une réduction des coûts. Dans tous les cas, la contrainte de contrôle pour approbation peut varier d’un pays à l’autre ».
Option 3 : « Des coûts plus faibles pour les élèves-pilotes en l’absence de structures de formation. Globalement, une réduction des coûts ».
Objectifs pour l’aviation générale
Option 0 : « Elle ne permettra pas les modifications voulues par l’équipe de la GA Road Map (nouvelle voie pour l’aviation générale), la Commission européenne et l’EASA ».
Option 1 : « Elle permettra les évolutions recherchées ».
Option 2 : « Elle permettra encore mieux les évolutions réglementaires souhaitées ».
Option 3 : « Elle permettra les évolutions attendues. Cependant, un effet négatif sur la formation des pilotes privés de l’aviation générale est attendu en termes de manque de standardisation et de difficultés dans les moyens mis en oeuvre pour fonctionner correctement. Les exigences réduites pourraient mener au fait que des pilotes de l’aviation générale n’atteindraient pas les compétences requises lors des tests si la formation n’a pas été assurée au sein d’un cadre structuré au minimum ».
Harmonisation
Option 0 : « L’harmonisation est assurée. Les principes d’une « meilleure réglementation » ne sont pas atteints car les exigences actuelles sont trop contraignantes pour le milieu de l’aviation générale ».
Option 1 : « Elle simplifie les règles actuelles pour les unités de formation et introduit une réglementation mieux basée sur l’évaluation des risques. Mais elle n’est pas conforme au principe de Basic Regulation, imposant une approbation pour les unités de formation alors que l’enregistrement proposé n’y répond pas ».
Option 2 : « Elle simplifie les règles actuelles pour les unités de formation et mettra en place une réglementation mieux adaptée à l’évaluation des risques. Elle est conforme à la Basic Regulation ».
Option 3 : « Elle abolit les règles actuelles et elle est conforme à la Basic Regulation ».
Après avoir mené cette étude sur les différents impacts, l’EASA a tiré le bilan entre les options 0 (maintien du concept d’ATO), 1 (mise en place de RTO, version « allégée » des ATO), 2 (BTO) et 3 (retour à la situation d’avant l’Aircrew). Pour l’EASA, les options 1 et 2 sont recommandées comme les « mieux appropriées » mais l’option 1 ne répondant pas aux critères de la Basic Regulation, l’option 2 a été retenue par l’EASA durant la période « opt-out » (période de transition) durant laquelle le concept BTO sera proposé « pour une forme de contrôle mieux proportionnée ».
Dans les faits, pour la France, on s’achemine début avril 2018 vers la mise en place des Basic Training Organisation (BTO), similaires sur de nombreux points aux organismes déclarés actuels, avec moins de contraintes que celles imposées aux ATO. Ceci concerne une grande majorité d’aéro-clubs, tandis que ceux voulant proposer des formations plus « sophistiquées » (qualif bimoteur, formation à l’IR) devront passer au statut ATO.
Actuellement, sur les 600 et quelques aéro-clubs français, une centaine sont passés au statut ATO. S’ils le souhaitent, ils pourront revenir BTO. Un certain nombre de clubs n’auraient pu ou voulu répondre aux exigences de l’ATO, les poussant soit à se regrouper soit à suspendre leur activité de formation, donc à disparaître à court terme avec en moyenne 40% à 50% des heures en club assurées dans le cadre des formations. Même avec le discours de la FFA indiquant ne vouloir « laisser aucun club sur la touche », promesse qu’une fédération se doit de faire pour la forme…
Pour l’IAOPA-Europe, l’option 2 est la « seule qui dispose de la garantie d’être apte à être adoptée à la fin de la période d’opt-out d’avril 2018 », sous-entendant que la réglementation concernant le BTO ne sera peut-être pas encore arrivée au terme de son développement… Mais outre-Manche, la CAA a déjà prévu de diffuser très prochainement des moyens de mise en conformité alternatifs (AltMoC) pour les ATO assurant des formations sur appareils non-complexes, dont l’objectif s’inscrira entre les futurs BTO et les ATO actuels, pour permettre aux unités de formation, qui souhaitent assurer des formations PPL/LAPL comprenant toutes les qualifications associées et non pas seulement les formations plus réduites en nombre dans le NPA du BTO, de le faire. ♦♦♦
Lien vers le NPA (en anglais) détaillant le concept de BTO (« Etude de la réglementation Aircrew en vue de fournir un système de formation des pilotes privés en dehors des ATO, avec les moyens acceptables de conformité et les explications »). La période de commentaire est fixée au 29 février 2016.
AnTou dit
« l’option 2 est la « seule qui dispose de la garantie d’être apte à être adoptée à la fin de la période d’opt-out d’avril 2018 », sous-entendant que la réglementation concernant le BTO ne sera peut-être pas encore arrivée au terme de son développement… »
En fait ce n’est pas tout à fait exact, il faut bien savoir pourquoi l’Agence a choisi l’option 2 et non l’option 1 :
Déjà la différence majeure entre les deux options, c’est que l’option 1 (le feu RTO) est bien un système déclaratif. Donc le plus proche de l’OD.
L’option 2 est un système certifié qui se rapproche de l’ATO. Au passage, quand on lit le détail du texte, on s’aperçoit que c’est une déclaration déguisée (quelle autorité acceptera ça ??).
Si l’Agence a fait le choix de l’option 2, ce n’est pas par complaisance. En fait la Basic Regulation actuelle (règlementation de base, qui régit l’aéronautique européenne) impose que les écoles de formations soient certifiées.
Or c’est un vieux texte qui date de 2008. Il vient d’être publiée une nouvelle version qui est en cours de discussion. Dans la nouvelle version, les écoles de formation ne devront plus être obligatoirement certifiées. Ce point fait une unanimité totale au sein de l’Europe.
Cette nouvelle Basic Regulation verra très probablement le jour en 2018 voire 2020… Rien à voir avec l’opt-out donc !
L’Agence a donc proposé dans la NPA de commencer avec le BTO (certifié) puis de continuer ensuite avec le BTO (déclaré).
Mais les commentaires que l’on doit adresser à la NPA ne doivent pas valider ce sens. En effet, il est possible d’anticiper la nouvelle Basic Regulation, et d’avoir un système simple (déclaratif) dès le début !! Pour une fois qu’un texte réglementaire peut anticiper l’avenir…
A vos claviers messieurs 🙂
Eric Benoit dit
C’est sûr que c’est impressionnant un coup de poing sur la table. Ca change à lui tout seul tout un rapport de force ^^