Regards sur l’accidentologie mondiale en 2014 et les parades à mettre en oeuvre…
Depuis de nombreuses années, l’ancien pilote de chasse sud-africain Des Barker analyse tous les accidents survenant dans le monde lors d’une manifestation aérienne. Il en fait chaque année l’analyse détaillée et publie des rapports sur le sujet. Lors de la récente convention de France Spectacle Aérien (FSA), Jacques Aboulin (pilote de présentation et directeur des vols) en a tiré une synthèse pour l’année 2014.
Le nombre d’accidents a été en diminution l’an passé par rapport aux années précédentes avec 17 accidents dans le monde contre 21 (2013), 26 (2012), 34 (2011) et 37 (2010) mais la tendance pour 2015 n’est pas bonne, avec notamment un accident survenu en Grande-Bretage ou des tiers (non pas des spectateurs mais des passants sur une route à proximité de l’aérodrome) ont été tués par un jet en sortie de figure dans le plan vertical…
Au niveau des causes, on retrouve toujours les mêmes erreurs de jugement, avec notamment le management du couple énergie/hauteur, Jacques Aboulin rappelant que la réglementation française ne permet pas de s’entraîner actuellement à basse hauteur alors que la présentation pourra l’être le jour du meeting, d’où la volonté de l’administration de faire évoluer ce point en 2016.
Les autres causes sont liées à la mécanique (28%), la percussion du sol (18%) et la perte de contrôle (28%). Il semblerait que la pression du public ne soit pas présente ou significative mais le pilote peut lui-même se mettre la pression. Parmi les points relevés, on trouve souvent un faible niveau d’entraînement des pilotes avec peut être l’incidence des coûts d’exploitation de certaines machines.
L’attention des organisateurs est attirée sur la nécessité de disposer de moyens d’intervention anti-feu très réactifs, avec par exemple deux niveaux. Le premier peut être basé sur un 4×4 rapide, pouvant intervenir quelle que soit la nature du terrain tandis qu’arriveront avec un décalage dans le temps des « gros moyens » (camions de pompiers). Ceci peut faire une grosse différence… Et ces moyens ne doivent pas seulement être présents lors de la manifestation mais également les jours précédents lors des entraînements ou répétitions.
Poursuivant sur le sujet de la sécurité en meeting, Frédéric Akary (pilote de présentation d’un P-51D Mustang) a rappelé qu’un « meeting est une fabrique du risque » et qu’il faut donc évaluer les risques mis en jeu. Ils peuvent être « externes », c’est-à-dire provenir de l’organisation et ce seront donc des « menaces » pour le pilote. Ils peuvent aussi être « internes », issus du pilote, ce qui en fait alors des « erreurs ».
Appliquant au monde du meeting la méthode du système de gestion de la sécurité (SGS) associé au concept de gestion des erreurs et des menaces (TEM) – sans oublier les plaques de James Reason plus connues sous le nom des « tranches de gruyère » – utilisés depuis des années dans les compagnies aériennes, il a rappelé que face à toute menace, il faut mettre une réponse pour éviter de poursuivre vers l’erreur. Celle-ci est inévitable car liée à l’être humain et des réponses doivent donc être adaptées avec des marges de sécurité permettant la détection de l’erreur puis sa correction à temps.
Les domaines concernés sont le pilotage (trajectoire), les procédures (avion), la communication et l’organisation. Si les marges sont réduites, l’avion et son pilote peuvent se trouver dans une situation dangereuse, soit par le fait d’une trajectoire non adaptée soit du fait d’une mauvaise configuration de l’appareil. Si les causes mécaniques sont des menaces, la rencontre du sol et la perte de contrôle sont des erreurs, avec mise en situation dangereuse dans le dernier cas.
Il est rappelé que le ratio des accidents survenant durant les entraînement et durant la manifestation est de 75%, révélant l’importance des facteurs humains (FH). Ceux-ci doivent être pris en compte par le pilote avec, notamment, la fatigue, les problèmes personnels, le stress qui fait perdre des ressources cognitives, la maladie, l’égo et l’émulation. C’est cette facette FH qui est la plus difficile à gérer car elle peut mener à la décision de… rester au sol.
Le pilote de présentation doit donc bien identifier toutes les menaces, sachant que la compétence n’est pas liée au niveau de sa licence de pilote… Pour finir, Frédéric Akary a indiqué une formule mnemotechnique permettant de « mitiger » (du mot anglais « mitigation ») c’est-à-dire de « contrer » les menaces. LARME permet ainsi de passer en revue les différents items à vérifier avant de monter dans le cockpit et de mettre en route :
– L pour Limitations (celles du pilotes…)
– A pour Avion (procédures, connaissance machine, entretien…)
– R pour Renseignements complémentaires (Notam, ZRT, consignes particulières…)
– M pour Météo (les données du jour avec notamment le vent qui peut perturber une démo)
– E pour Environnement (le relief ou les obstacles à proxmité…).
Quant aux moyens de défense du pilote face aux erreurs et menaces, les différentes « plaques » de sécurité doivent être présentes comme « parades ». Il s’agit de :
– Environnement et procédures locales : connaissance et respect
– Entraînement et coaching : s’entraîner, s’adapter mais pas d’improvisation
– Humilité : remise en cause
– Connaissance avion : do-list, check-list, systèmes, procédures, performances
– Déviation de trajectoire : respect du box, annonce par équipier ou DV
– Equipements adaptés : instruments, radio, interphone, casque, lunettes…
– Airmanship : s’adapter et trouver une parade, expérience
– Chance : ne pas compter dessus. C’est pour les fondu(e)s ! ♦♦♦