Un pilier de l’aviation de collection nous quitte…
Marc Mathis dit « Léon » était incontestablement l’un des piliers de l’aviation de collection sur le terrain de La Ferté-Alais. Passant du Yak-11 au T-6 via le Ju-52, le Rallye ou le SF-260, il présentait en vol de nombreuses machines dont son Zlin – ce dernier passait d’ailleurs la plus grande partie d’un vol de présentation en vol inversé et souvent à (très) basse hauteur. Ancien pilote de ligne, « Léon » Mathis s’était fait une spécialité du pilotage de warbirds, étant devenu notamment un expert du Focke-Wulf FW-190, après plusieurs vols d’essais réalisés sur des répliques échelle 1 du chasseur de la Luftwaffe.
Avec une longue carrière de présentations en tous genres, Léon Mathis avait connu quelques pannes suivies d’un certain nombre d’atterrissages « en campagne » dont le nombre dépassait largement la dizaine. L’un des derniers était un amerrissage dans la Méditerranée aux commandes d’un FW-190 lors d’une présentation en meeting dans le sud de la France, il y a quelques années.
Depuis quelques mois, il menait à Strasbourg les essais en vol d’un ULM de conception française, le HKW-01 développé par la société alsacienne HKW-Aéro. Il en avait effectué les premiers sauts de puce puis le premier vol avant de poursuivre la mise au point du biplace côte-à-côte, notamment présenté en statique au dernier meeting de Haguenau en septembre dernier.
Ce 14 novembre, pour un vol d’essai, Marc Mathis a décollé en fin de matinée de Strasbourg-Entzheim avant de partir en local. L’équipe de HKW-Aéro a été prévenue une heure plus tard par la gendarmerie, après que l’appareil se soit écrasé dans un champ. Les premiers éléments d’enquête annoncent un appareil entier jusqu’à l’impact, avec des commandes toujours branchées et la non-utilisation du parachute balistique qui équipait le prototype. Comme pour les précédents essais, des caméras GoPro étaient installées à bord pour enregistrer les paramètres du vol. Saisies par la gendarmerie, elles permettront sans doute de déterminer les causes de l’accident. ♦♦♦
Photos © HKW-Aéro
Edit : les obsèques de Marc « Léon » Mathis auront lieu le samedi 28 novembre à 14h30, en l’église Saint-Paul, au 1, Place du général Eisenhower, à Strasbourg.
GSA Mom dit
On m’avait une fois présenté à Mathis, mais je ne le connaissais pas très bien.
Je savais qu’il était commandant de bord sur MD-80 pour Air Liberté. Une fois, j’étais assis au bar de l’aéro-club, et il était assis à côté de moi. Je devais avoir 19 ou 20 ans. On n’était pas très bavard, mais ce jour-là, j’ai décidé d’engager la conversation. Je lui ai parlé de mon dilemme : je suis inapte médical pilote pro en France, mais pas aux US. Mais les US, c’est pas ici.
Ca n’avait pas l’air d’un dilemme pour lui parce qu’il a simplement répondu : “Alors il faut que tu y ailles aux Etats-Unis. » Venant de sa bouche, la solution paraissait si simple, si évidente. Je me rappelle toujours — 20 ans plus tard — la manière dont il l’a dit avec sa voix grave mais distincte. Il a dit ça avec l’assurance d’un commandant de bord, sans doute la même assurance et le même calme avec lequel il s’exprime à la radio lorsqu’il est en l’air et le moteur s’est soudainement arrêté de tourner — pour la énième fois.
Jusqu’à ce jour, la solution n’avait pas été aussi évidente. Je suis peut être apte aux US, mais il faut tout quitter pour y arriver, apprendre un métier qui est très technique dans une langue étrangère, et puis il y a cette affaire de permis de travail. Bref, beaucoup de craintes, beaucoup de raisons pour ne pas le faire. Et les craintes, ça tue les rêves.
Mais lorsque Mathis l’a dit, et la manière dont il l’a dite — sans crainte, sans hésitation, et avec confiance, et l’autorité d’un commandant de bord. Bref, ça m’a laissé une marque indélébile. “Alors il faut que tu y ailles aux Etats-Unis.” Je crois que j’avais juste hoché la tête en réponse, bouche-bé par la simplicité de sa solution.
Et à chaque fois que je grimpe dans le cockpit d’un airliner aux couleurs Delta, je me dis : « Ah si tu me voyais, Mathis.”
Danny C.
copi B737
Delta
http://pilote.us
Nathalie Weill-Mandirac dit
Magnifique témoignage… Merci ! Nathalie (sa nièce par alliance).
Adam Shaw dit
RIP Leon. Tu méritait un depart autrement plus grand, plus noble… et surtout plus tard. A première vue, est ce qu’une gouverne ne serait-elle pas particulièrement sous-dimensionnée sur cet engin ULM? Souhaitons que les images des GoPros seront exploitables. Décrochage abrupte, sans buffeting, et un départ de vrille non récupérable…?
Philippe Tisserant dit
Comme tous ceux qui le connaissaient je regrette la disparition de Léon Mathis. Pourtant le commentaire d’Adam Shaw me parait tout à fait hors de propos. Y aurait-il plus de gloire à se crasher en FW 190 ou en Zlin plutôt qu’en ULM ?
buffet dit
Ce que traduisent vraisemblablement les propos d’Adam, c’est que des machines puissantes et pas des plus faciles à maîtriser, ont été le quotidien des vols de Léon ces dernières décennies. La disparition de Steve Fossett lors d’un énième record eut été moins surprenante et plus en adéquation avec son » quotidien de risque » qu’en simple déplacement à bord d’un avion somme toute » peu agressif « … Le Zlin aux mains de Léon était un spectacle. Lors d’un spectacle, il y a plus de risque…en principe…. Panne moteur au décollage sur le dos…
» Principe » qu’à voulu sans doute évoquer Adam. Développer une machine, énorme ou petite est un risque , mais après avoir fait les premiers vols sur FW 190 et l’avoir maîtrisé dans toutes les circonstances, sans doute étions nous » rassurés « … C’est une erreur de jugement bien sur, et en CRM c’est justement étudié. Cependant la peine est profonde pour tout le monde, tout comme lors de la disparition de Renaud Ecalle survenue dans des circonstances elles aussi totalement inattendues… Bonne journée Philippe.