Témoignage sur une époque révolue dans le transport aérien aux Antilles…
Un retour dans le passé de 30 à 40 ans, dans les cieux des Antilles françaises, en oubliant la navigation par GPS, les licences FCL ou encore la manuel d’exploitation d’un avion de transport… c’est ce que vous propose Simon Hayot en évoquant sa carrière aéronautique. D’origine martiniquaise, il s’intéresse à l’aviation et rêve de piloter l’un des trois Douglas DC-3 de la compagnie Satair, immatriculés aux Etats-Unis. A 17 ans, il obtient du patron une promesse d’embauche s’il décroche une licence américaine de pilote professionnel.
Il débarque ainsi en Floride pour décrocher le « papier » avant de revenir se présenter à la Satair pour débuter aussitôt comme copilote. La réglementation n’est pas celle d’aujourd’hui… A 22 ans et 1.200 heures de vol, un soir, il devient commandant de bord à l’issue d’une conversation liée à une mission jugée « limite » par les autres pilotes qui l’ont refusée… Mais l’évolution de la flotte aidant, il se retrouve par la suite au chômage et, sans le sou, décide d’acquérir son propre « Dak ». Avec quelques connaissances locales, beaucoup de chance et plusieurs concours de circonstances, il parvient à acquérir à crédit un DC-3 alors qu’il n’a encore aucun client pour régler les traites.
Avec quelques amis, il lui faudra alors tout créer pour mettre en place, avec souvent les moyens du bord, cette jeune société qui va se spécialiser dans le transport de fret de toutes natures. C’est plus près de « l’aviation de brousse », improvisée, que d’une société de transport d’aujourd’hui. Il faut décrocher des marchés, aller se poser sur des pistes non pratiquées auparavant, perdues dans des îles et dont la longueur n’est pas toujours connue ou compatible avec les données du manuel de vol…
Le chargement peut de plus être « dynamique » à bord, qu’il s’agisse d’ânes ou de boeufs, ou encore de nitroglycérine accompagnée des détonateurs. L’administration – des douanes aux affaires sanitaires – doit souvent être finement « gérée » par l’équipage avec parfois des astuces à inventer sur l’instant pour contourner certains problèmes… incontournables. Quant aux clients, ils relèvent parfois du pur « far-west » où la mauvaise foi et les menaces ne sont pas toujours absentes.
En une cinquantaine de courts chapitres, alertes et bien rédigés, notre propriétaire d’un unique DC-3, machine souvent trop sollicitée, dévoile moultes péripéties dont certaines font dresser les cheveux sur la tête, d’autres sourire. Un cahier de photos apporte la preuve que les récits sont bien basés sur des faits réels… Ratrappé par la réglementation, qui va limiter la charge utile des DC-3, puis après avoir tenté d’autres voies dans le domaine plus cadré du transport public – via Air Caraïbes et Air Calypso – avec notamment des BN-2 Islander et des Short 360 à turbine, Simon Hayot finira par jeter l’éponge face à la concurrence bénéficiant souvent « d’aides » locales biaisant l’économie du milieu. Récit captivant d’un parcours réellement hors norme… ♦♦♦
Photo © Simon Hayot
– Allo la tour ? Y’a un boeuf dans le cockpit, par Simon Hayot. Mareuil Editions. 350 p. 24 €.