Récit d’une visite CEN par l’OSAC.
C’est l’histoire d’un avion d’aéro-club passant en visite de renouvellement de CEN (certificat d’examen de navigabilité) à la fin juin dernier. Avec une validité portant sur 3 ans pour le CEN, cette visite a lieu tous les ans mais deux années sont « validées » par l’atelier en charge de l’entretien, la troisième par l’OSAC. Cette troisième visite du cycle se passant le vendredi 26 juin, les dirigeants du club propriétaire du DR – l’unique avion de l’association – ne sont pas présents quand l’agent OSAC effectue cette visite.
Il en ressort à l’issue de la visite OSAC que l’avion se voit retirer son CEN, ne pouvant donc plus voler… Le patron de l’atelier de maintenance n’était pas présent durant toute l’inspection et, sans compte-rendu écrit des différents points relevés par l’agent OSAC, il a cru comprendre que des nervures pouvaient être cassées dans la voilure, imposant donc la suspension des vols – seule information arrivée alors aux oreilles des dirigeants du club. Le week-end passe…
En début de semaine suivante, pour accélérer la reprise des vols de l’unique avion du club, les dirigeants prennent la décision de « réparer » l’appareil dès que possible, prenant contact avec différents ateliers bois et toile susceptibles d’intervenir rapidement. Difficile de définir l’ampleur des travaux à prévoir faute du compte-rendu de visite… Une demande de laissez-passer est également faite auprès de l’OSAC pour un convoyage technique. Elle est accordée mais faute de scanner opérationnel, elle doit être envoyée par… courrier. Le président du club se rend donc au bureau de l’OSAC pour la prendre en compte, histoire de gagner du temps, la météo étant optimale pour réaliser rapidement le convoyage.
A la prise en compte du laissez-passer autorisant un vol unique de convoyage, il est alors demandé une copie du compte-rendu de visite à l’agent OSAC ayant effectué le contrôle mais aucune copie n’est disponible sur place, il faut attendre le compte-rendu envoyé par courrier ! Il est alors précisé au président de l’aéro-club que cet avion aurait déjà dû être arrêté au vu de la voilure (la nervure de dièdre de l’aile droite est citée) et des points de non-conformité. Si l’avion a passé le cap des 14.000 heures de vol, il a effectué une GV début 2014 avec réentoilage de la profondeur. En 2003, une révision totale a été effectuée avec vérification de la structure complète. Sauf au mois de juillet (stage extérieur), il dort toujours sous hangar.
A la visite prévol de l’avion, rien de particulier n’est constaté, même avec des pressions bien exercées sur les nervures de voilure. Avion rendu sur place, une première analyse par le responsable de l’atelier amène aux constatations suivantes : « La baguette intrados de la nervure de dièdre droit présente un léger creux à mi-corde mais n’est pas cassée. Les défauts d’entoilage intrados : deux bandes de recouvrement à installer ou remplacer, collage de la toile sur les sorties de câbles d’aileron à reprendre. A première vue, rien d’autre. Un désentoilage n’est pas nécessaire. Vu par les trappes de poulies d’ailerons, l’intérieur de l’aile est propre, lardage et bandes Jaconas en bon état et conformes, nervures et goussets en bon état, ainsi que les longeronnets ».
Le président du club ayant prévenu l’assureur, avant le convoyage, de dommages possibles sur la voilure, alors supposés créés par des passagers ne respectant pas la bande de renfort à l’emplanture pour monter ou descendre, l’assureur a mandaté un expert. Celui-ci, un ancien du GSAC (prédécesseur de l’OSAC) devenu consultant privé, vient donc voir l’avion début juillet. A cette réunion sont également présents deux responsables de deux ateliers locaux, spécialisés dans les réparations bois et toile et devant assurer les « réparations » et le réentoilage.
Après inspection, les trois experts confirment que la nervure de dièdre droite est effectivement creuse à l’intrados mais n’est pas cassée. La conclusion collective est que « si cet avion est arrêté pour ce point, des centaines d’avions ne doivent plus voler en France »… Mais l’OSAC ayant parlé, il n’est pas possible de ne rien faire ! Il faut donc proposer une intervention démontrant que le problème (pourtant inexistant…) a été pris en compte ! Et donc de définir une « remise à niveau » avec une baguette enturée pour remettre la nervure rectiligne, avec ouverture locale de l’entoilage.
D’autres ateliers confirmeront que la parole de trois experts bois et toile ne vaut rien face à la parole d’un seul expert OSAC qui a forcément raison ! La réalité est la suivante : aucun responsable d’un atelier d’entretien n’osera s’élever contre une décision de l’OSAC, pour au moins deux raisons. La première est qu’une intervention, même non justifiée, c’est toujours une intervention à facturer… La seconde est qu’en s’opposant à une décision de l’OSAC, l’atelier prend le risque de « représailles » par la suite sur d’autres avions en gestion dans l’atelier. Ce n’est pas forcément faux !
Après l’inspection de la voilure, le président du club montre aux trois experts un possible point à revoir : l’entoilage gondolé localement sur la direction laisse à penser qu’un gousset est décollé, sans doute après un impact en rentrant l’avion dans le fond d’un hangar.
Cette analyse est confirmée par les trois experts – point que n’avait pas vu l’agent OSAC… – et décision alors est prise par le club d’ouvrir la direction pour réparation, entoilage et peinture – l’avion étant immobilisé par ailleurs, autant en profiter.
Si un problème pouvant affecter la sécurité des vols – la nervure de dièdre si elle avait été réellement cassée – méritait la suspension des vols, une fois le doute levé, on peut se poser la question sur la justification du retrait du CEN. Mais il faut citer les autres points relevés par l’agent OSAC dans son compte-rendu. Quatre sont notés en Level 1, soit une intervention obligatoire avant toute reprise des vols.
Parmi ces quatre points jugés donc critiques figurent « la nervure de dièdre droite à reprendre » (point qui ne mettait pas en jeu la sécurité des vols après lever de doute par une inspection détaillée menée par trois experts indépendants) mais aussi de « nombreux points d’entoilage sur aile droite et gauche » (dans les faits, deux bandes de renfort à l’intrados de nervures en partie centrale de la voilure et un décollement local de la toile autour d’un puits de train).
Les deux autres points notés Level 1 sont des… « housses de sièges non conformes » et un « branchement de masse sur fixation carbu non conforme ». Pour le premier point, cela fait plus d’une dizaine d’années que le club utilise des housses d’origine automobile pour protéger les sièges avant et la banquette arrière. Ceci a été validé à plusieurs reprises par l’agent OSAC précédent. En questionnant le motif, il apparaît qu’il y aurait soudainement un risque de mauvais verrouillage des sièges avant – problème bien connu sur les Robin et Cessna sans que la présence ou non de housses de protection n’aggrave le cas ! La réglementation
CS-STAN de l’EASA – si l’agence européenne n’a pas encore fait une promesse de Gascon – devrait permettre le retour prochainement des housses, déposées en quelques minutes pour un retour « à la conformité ».
A ce rythme, on se demande si bientôt, un élève de petite taille ayant besoin d’un coussin en vol – pour conserver un bon positionnement sur son siège pour ses repères visuels – ne devra pas faire homologuer au préalable son coussin avec Form 1 et amendement au manuel de vol pour préciser la taille et les matériaux du coussin !
Pour le branchement de masse, à imputer à l’atelier assurant l’entretien de l’avion, la modification n’a pris que quelques minutes. Il en a été de même pour un autre point jugé Level 2 (intervention à faire dans le mois), à savoir des freinages non conformes effectués sur des tuyauteries moteur, le fil à freiner n’assurant pas un autoserrage en cas de dévissage intempestif des tuyauteries. Points méritant bien une intervention mais sans doute pas un retrait du CEN.
Mais la liste des points Level 2 n’est pas achevée. Le club a en effet fait monter il y a près de dix ans une prise électrique en cabine jugée « non conforme » puisque ne figurant pas sur le manuel de vol. Il s’agit d’une prise allume-cigare installée par un atelier à la demande du club afin de permettre aux pilotes d’alimenter de façon certaine des GPS portables lors de navigations, point partant donc d’un souci d’améliorer la sécurité avec une alimentation via le circuit avion plutôt que des piles.
Mais il est sans doute préférable de perdre une aide à la navigation (GPS) en étant réglementaire plutôt que de conserver une assistance fiable mais en étant aux marges de la réglementation. Il est vrai que l’avion datant de 1970, le manuel de vol de l’époque ne pouvait pas intégrer l’usage d’un GPS ! Refrain : l’an prochain, si l’EASA… le réglement CS-STAN permettra l’installation d’une telle prise allume-cigares sans avoir à obtenir l’accord de l’EASA ou du constructeur, que cela plaise ou non à l’OSAC. La réglementation évolue (hélas très lentement, EASA oblige…) mais en aviation, il ne faut pas avoir raison trop tôt…
Autre point de « non conformité du manuel de vol » relevé par l’agent OSAC, l’indicateur de dépression monté sur la console verticale. Manuel de vol consulté, effectivement, en 1970, l’indicateur était un instrument de 80 mm de diamètre implanté en plein milieu du tableau de bord partie droite ! L’indicateur en place, de faible diamètre, est présent sur l’avion au moins depuis 1996, date d’achat de l’appareil par le club et aucune visite OSAC n’avait soulevé le problème auparavant mais en 2015, ce n’est plus conforme ! Renseignement pris : l’ancien indicateur n’est plus produit depuis des années ! Le club a donc dû faire une demande auprès de la CEAPR pour obtenir confirmation que l’ancien indicateur est bien remplacé par l’indicateur en place sur l’avion afin de satisfaire l’OSAC ! Au passage, on saluera la célérité de CEAPR à répondre par simple retour de mail.
Autre « écart » relevé lors de la visite, le câble d’antenne de lever de doute de l’ADF. Effectivement, le câble normal, à base de cuivre, a la fâcheuse habitude de se corroder rapidement pour finalement casser en vol et venir s’enrouler autour des empennages – deux cas relevés ces quinze dernières années sur l’avion. Aussi, le club a-t-il décidé de le remplacer par un câble inoxydable qui résiste depuis des années – sans écart relevé aux précédentes visites CEN effectuées par l’OSAC – mais voilà, pour l’OSAC, organisme dont l’objet est la sécurité de l’aviation, il est essentiel de remettre le câble qui ne tient pas dans le temps pour être « conforme » à la réglementation mais en moins bonne sécurité !
Si l’avion en question n’est pas concerné par ce point, il en est de même pour les phares dont les ampoules doivent être « aéronautiques » même si celles-ci sont plus chères, moins efficaces et plus consommatrices que des LED, ce qui fait que des agents OSAC font déposer des LED installées mais cela ne sera plus le cas l’an prochain quand le CS-STAN sera appliqué, puisque ce nouveau réglement le permettra si l’EASA ne met pas encore quelques années de plus pour aller au bout du processus !
Autres points relevés en Level 2 : un bac de batterie endommagé. Il a été changé. Un suintement carburateur à vérifier. Il a été vérifié. Une « forte corrosion moteur » comme sur… tout moteur ayant tourné 1.500 heures sur un potentiel de 2.400 heures. La corrosion a été traitée. Deux points ont encore été précisés en Level 2 dans le « Relevé d’écart aéronef ».
Le premier concerne un bouchon de réservoir « non conforme ». Quelques jours avant la visite CEN, le bouchon du réservoir d’emplanture gauche a été perdu en vol, mal remis en place par un élève lors d’un avitaillement. Il a alors été remplacé par un bouchon conservé en secours, un bouchon provenant des… Avions Robin, acquis il y a une dizaine d’années mais voilà, il n’est plus conforme ! Un nouveau bouchon ayant été commandé avant la visite CEN, ce dernier une fois reçu, monté et repeint a pris la suite et celui-là est bien « conforme ».
Le second indique un « détecteur de carbone sans date ». Un tel détecteur de monoxyde de carbone n’est pas obligatoire à bord et si la culture du club fait qu’un tel détecteur est présent en cabine, son suivi de validité se fait sans forcément indiquer la date sur le support en plastique. Cela a donc été fait sur un nouveau détecteur mis en place.
Une fois toutes les interventions faites, la « pseudo-réparation » de la nervure de dièdre, la remise en état, l’entoilage et la peinture de la direction (point ne figurant pas dans les écarts relevés), l’avion a pu reprendre le vol début août après envoi à l’OSAC des réponses apportées aux écarts relevés par l’agent, photos à l’appui avec le dossier technique de l’atelier ayant assuré la « remise en conformité » de la nervure de dièdre. L’avion aura été ainsi arrêté de vol un peu plus d’un mois, le club ayant dû louer un avion pour réaliser 80 heures de vol programmées au mois de juillet. Assurément, la sécurité était gravement en jeu ! ♦♦♦
PS : ce sujet est « personnel » puisqu’il s’agit de l’avion de mon aéro-club mais le cas aurait pû se passer pour un autre avion, sur un autre aérodrome, dans une autre région sauf si la standardisation des critères pris en compte par les agents OSAC au niveau national n’est pas parfaite…
Alain ZEN dit
Et donc……C’est quoi, le nom du contrôleur…?
Non, je plaisante, je ne veux pas savoir, j’ai juste envie de pleurer…..