Rupture consommée entre Pipistrel et Siemens autour d’un moteur électrique…
Ce 10 juillet, le groupe Airbus a l’intention de faire traverser la Manche entre Lydd et Calais à son démonstrateur E-Fan 1.0. L’information a notamment été diffusée lors du dernier salon du Bourget où Airbus exposait également, à côté de l’E-Fan 1.0, une maquette échelle 1 de l’E-Fan 2.0, un biplace côte à côte à motorisation électrique, destiné à l’école de pilotage et devant se rapprocher du modèle de série prévu en vol en 2017.
Ce jour, Ivo Boscarol, le patron de Pipistrel – constructeur Slovène des Sinus, Virus, Taurus et du futur Panthera – a diffusé un communiqué de presse relatif à des rumeurs évoquant la traversée de la Manche prévue par un Alpha Electro, biplace côte à côte à motorisation électrique dévoilé au dernier salon de Friedrichshafen, en avril dernier. En voici la traduction intégrale…
« La traversée de la Manche est sans doute le dernier défi à relever dans le domaine du vol électrique. A cet instant, les avions à motorisation électrique sont approximativement équivalents en terme de performances que ceux utilisant des moteurs thermiques il y a 116 ans quand Louis Blériot a traversé pour la première fois par la voie des airs la Manche. Aussi, malgré les progrès effectués par différents avions électriques, tel que le Solar Impulse, la traversée de la Manche demeure un événement important ».
« Pipistrel s’y est préparé depuis octobre dernier, notamment quand il s’est agi d’obtenir les autorisations pour faire voler un avion électrique en France et en Grande-Bretagne. Les autorités françaises ont finalement délivré l’autorisation la semaine dernière. Aussi notre distributeur français a saisi l’occasion et a immédiatement préparé la logistique pour mener à bien ce vol, qui aurait dû se dérouler ce jour, au matin du 7 juillet à 10h00 ».
« Nous regrettons fortement l’action de Siemens qui a interdit le vol – notamment parce que c’est Siemens qui aurait permis ce vol, étant donné que notre appareil utilise un moteur électrique Siemens. C’est pourquoi nous trouvons cette décision encore plus étrange et incompréhensible. Siemens n’a jamais interdit Pipistrel à voler au-dessus de l’eau avec ce moteur, dans aucun document, et Pipistrel n’a jamais cassé un contrat signé avec Siemens. Nous sommes connus comme une société respectant les accords et nous continuerons à le faire dans le futur ».
« L’Alpha Electro de Pipistrel Aircrat est un biplace, et non pas un monoplace comme l’E-Fan, aussi peut-il être utilisé pour former des pilotes. Il a une distance franchissable double et coûte un tiers du prix annoncé pour l’E-Fan. Le principal avantage est surtout sa disponibilité : il est dès à présent possible de le commander et de recevoir rapidement son Alpha Electro – mais bien sûr plus jamais avec un moteur Siemens ».
« Je profite de cette occasion pour rappeler que Pipistrel a mis sur le marché le premier avion biplace électrique, le premier biplace école à motorisation électrique et le premier (et toujours le seul) quadriplace totalement électrique (Ndlr : Ivo Boscarol évoque le Taurus G4, prototype unique vainqueur du Green Flight Challenge). Ces trois appareils font partie du groupe d’élite des moins de 10 avions électriques qui, à cet instant, sont capables de traverser la Manche ».
« Aussi, nous avions considéré logique de réaliser un tel vol. Malheureusement, à nouveau des intérêts économiques ont prévalu et nous avons perdu la compétition sur la base du fair-play – nous pourrions dans les faits réaliser ce vol dans les trois jours à venir mais nous respectons Siemens et leur demande de ne pas survoler la mer avec leur moteur. Pipistrel souhaite féliciter à l’avance notre concurrent Airbus et leur pilote Francis Deborde pour ce nouveau cap franchi dans le domaine du vol électrique », précise Ivo Boscarol.
Ce vol aurait pu en effet techniquement être réalisé, comme des essais par Finesse Max l’ont démontré ces derniers jours avec plusieurs vols de 45 mn de durée et une distance parcourue approchant des 100 km alors que la traversée de Lydd vers Le Touquet ou Calais ne dépasse pas les 70 km. A l’atterrissage, l’Alpha Electro affichait encore à chaque fois 30% de batterie disponible.
Ces « tensions électriques » autour d’une traversée de la Manche ont donc entraîné une rupture entre Pipistrel et Siemens. En 1909, la sportivité était bien différente. Hubert Latham partit le premier pour finir à l’eau aux commandes de son Antoinette, sur panne moteur. Le 25 juillet 1909, Louis Blériot réussit la traversée à bord de son Modèle XI mais une fois de l’autre côté de la Manche, il proposa de partager le prix acquis par le vainqueur avec Hubert Latham si ce dernier réussissait la traversée le même jour. Las… ce dernier allait à nouveau finir à l’eau à faible distance des falaises de Douvres. ♦♦♦