L’oeuvre maîtresse de James Bede, le BD-5 Micro…
Le virus ayant été inoculé à de nombreux constructeurs amateurs, il faut répondre à la demande. Des acomptes de 200 dollars sont enregistrés et fin 1972, plus de 4.000 commandes ont déjà été prises… L’engouement pour le BD-5 est sans doute similaire à celui du HM-14 Pou-du-Ciel d’Henri Mignet, en France dans les années 1930. Chacun en veut un car le concepteur a affirmé que le pilotage est à la portée de tous et que la construction s’avère très simple…
Pour le BD-5, si la conception a déjà été entamée, elle est loin d’être achevée. Les évolutions vont être nombreuses même si l’architecture de base – un petit monoplace à propulsion arrière avec un siège incliné – va être conservé. La coque en fibres de verre devant habiller une structure en aluminium est abandonnée pour un fuselage tout métallique, la forte demande rentabilisant la réalisation de pièces en aluminium pré-formées. Le longeron tubulaire est conservé.
Le moteur 2-temps de 32 ch passe rapidement à 40 ch. Deux versions sont annoncées, le BD-5A à aile courte pour atteindre plus de 320 km/h en croisière, et le plus « paisible » BD-5B dont l’aile bénéficie de 1,20 m de plus en envergure, pour augmenter la distance franchissable. Les deux partagent un train rentrant et des empennages en V pour limiter la traînée.
Dans son ouvrage « The BD-5 Story », édité en 2008, James Bede rend hommage à Paul Griffin qui l’a aidé durant la conception du BD-5. C’est lui qui, tombé sous le charme de la verrière du planeur ASW-15, a tracé une silhouette similaire pour la pointe avant. Le développement prendra plusieurs années, allant jusqu’à la réalisation d’une maquette échelle 1 « soufflée » au sommet d’un pick-up roulant à vive allure.
Pour éviter que le pilote sur-contrôle ses mouvements sur le manche, un mini-manche, placé sur la console latérale droite, a été imaginé, avec la poignée au neutre inclinée vers l’avant et vers la gauche pour correspondre à la morphologie humaine – ceci bien avant le mini-manche des F-16 ou A-320. Le système de rétraction du train a nécessité de la réflexion mais la solution technique retenue est simple et efficace.
A Oshkosh, en 1971, présenté en statique, le projet de BD-5 attire les foules. C’est le 12 septembre 1971 que le prototype N500BD effectue son premier vol avec un moteur de skidoo, un Polaris de 36 ch. La stabilité générale s’avère très marginale et les faibles surfaces des empennages papillon ne suffisent pas. Début 1972, James Bede embauche un jeune ingénieur aéronautique alors inconnu en aviation légère, un certain Elbert « Burt » Rutan. Ce dernier, qui a travaillé aux essais en vol à Edwards AFB, est nommé responsable des essais en vol de la Bede Aircraft. On le voit ci-dessous à bord d’un BD-5 et à côté d’un BD-5 lors d’un essai de train au sol.
Burt Rutan va « récupérer » le BD-5 en retenant des empennages plus conventionnels, avec une profondeur monobloc d’abord en flèche puis au bord de fuite droit. De plus, il rallonge le fuselage pour améliorer la stabilité longitudinale et offrir plus de volume utilisable. Les spoilers et volets d’intrados sont oubliés, remplacés par des ailerons et des volets de courbure.
Mais le principal problème du BD-5 va rester sa motorisation… Des 32 puis 36 et 40 ch installés, les essais vont montrer que 65 à 70 ch sont nécessaires pour tenter d’atteindre les performances annoncées. Il faut que le GMP pèse tout au plus 45 kg. Après le 2-temps Polaris Industries, on passe au Keikhaefer Aeromarine pour finir par un Hirth de 70 ch.
Ayant mis la charrue avant les boeufs, James Bede va commercialiser les éléments structuraux du kit tandis que la motorisation n’est pas encore au point. Les amateurs sont contents de pouvoir mettre leur projet en chantier, confiants dans l’arrivée par la suite d’un moteur à simplement installer. Mais Hirth, après la livraison de quelques moteurs 2-temps de 650 cm3, va faire faillite… La recherche d’une alternative va provenir d’un moteur japonais, le Xenoah mais son adaptation pour le BD-5 va s’étirer dans le temps.
James Bede a déjà replongé dans la conception d’autres avions, dont le BD-8 (photo ci-dessus), un monoplace de voltige dont la profondeur peut se braquer différentiellement pour « assister » les ailerons lors des tonneaux. Un seul prototype verra le jour. Le BD-9 Super Demoiselle est un projet d’ULM à l’américaine. Pendant ce temps, les kits de BD-5 sont commercialisés dans le monde entier et plus de 5.000 auront été livrés quand la Bede Aircraft déposera son bilan. La justice américaine établira que plusieurs millions de dollars, issus des avances pour les kits et moteurs du BD-5, ont disparu dans d’autres projets…
Le rêve va s’effondrer avec de nombreux kits prenant la poussière dans des hangars, faute de motorisation adéquate. Les premières motorisations ne sont pas fiables. Le premier vol d’un BD-5 en Suisse va s’achever dans un lac après arrêt moteur. Certains amateurs vont utiliser la cellule du BD-5 pour faire leur propre appareil, avec une motorisation installé dans le nez ou une motorisation installée à l’arrière entre deux empennages poutres comme l’Acapella.
Avant le crash de la Bede Aircraft, Burt Rutan a déjà quitté la société. Alors qu’il s’occupait des qualités de vol du BD-5, sur son temps libre, il concevait et construisait également son premier prototype, un biplace en tandem de formule canard, réalisé en bois, le VariViggen. C’est en notant la dynamique enclenchée par James Bede dans le monde de la construction amateur qu’il va passer rapidement à un second projet, celui d’un appareil innovant, de formule canard, avec des matériaux « modernes » (composites), un moteur propulsif, un mini-manche – le VariEze, mais ceci est une autre histoire ! ♦♦♦
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