Franco-américain, Patrick Milward est passionné d’histoire. Pilote privé, il a voulu s’acheter un blouson A2 tel que porté par les équipages des bombardiers américains durant la Dernière Guerre mondiale. Mais pas n’importe quel blouson… Il voulait un emblème dans le dos qui soit véridique et qui ait été porté en « nose-art » par un B-17 ayant eu un destin heureux.
Après une sélection portant sur une dizaine de B-17 ayant ramené leurs équipages à bon port, son choix s’est porté sur le B-17G baptisé « Qualified Quail » (la caille expérimentée), avec une pin’up peinte par Tony Starcer, un artiste affecté au 91st Bombardment Group en Grande-Bretagne, à qui l’on doit plusieurs centaines de ces « nose-art » permettant aux équipages à personnaliser « leur » machine – l’avion dans lequel ils plaçaient tous leurs espoirs (revenir vivant) et leurs rêves (revenir au pays la paix revenue).
De fil en aiguille, Patrick Milward s’est plongé dans l’histoire de ce Boeing particulier, plongeant dans les archives, retrouvant des membres survivants de ses différents équipages ou des proches, établissant la chronologie de l’activité du bombardier depuis sa sortie des chaînes de… Lockheed à Burbank, en mars 1944, jusqu’à son dernier vol en janvier 1945. Il s’est même rendu spécialement aux Etats-Unis pour recueillir documents et témoignages auprès de différents acteurs.
Cette quête historique a donné naissance à un ouvrage, agrémenté de photos d’époque et d’illustrations signées Vincent Meslet, à qui l’on doit la couverture. Après quelques chapitres où l’auteur raconte son parcours initiatique – du blouson à l’ouvrage – présente l’artiste ayant réalisé l’emblême de ce B-17G, évoque la genèse de la Forteresse volante, il laisse la parole à « Qualified Quail » pour que le quadrimoteur raconte sa propre vision des choses : son convoyage par le grand nord, les premières missions, les différents équipages accueillis à son bord et surtout les multiples missions qui vont constituer sa courte carrière.
On y découvre ainsi la vie des équipages, partant régulièrement au-dessus de l’Allemagne, après un réveil matinal (4h30), suivi d’un petit-déjeuner et d’un briefing pour noter tous les paramètres de la mission avec le timing jusqu’à l’initial point pour leurrer l’ennemi avant de prendre le cap vers la cible. Puis ce sera la mise en route et le décollage de plusieurs centaines de bombardiers, basés sur différents aérodromes, avec le même objectif. Les risques sont grands dès le décollage, avec des machines alourdies par les réservoirs pleins et les bombes à bord. Une fois en vol, le risque d’une collision subsiste lors des regroupements des différents appareils pour former des « box ».
Les risques ne diminuent pas au fil du vol, avec parfois plus de 2.000 bombardiers en vol, sans compter l’attaque de chasseurs ennemis même si, progressivement, les chasseurs alliés (notamment les P-51D grâce à leur réservoir auxiliaire derrière le pilote) vont pouvoir accompagner les bombardiers au coeur de l’Allemagne nazie. Mais il faudra alors composer avec la Flak, durant des missions qui durent souvent plus de 8h00, à des altitudes où les températures ambiantes sont basses. Les conditions météorologiques ne sont pas toujours favorables, imposant souvent un bombardement à travers la couche nuageuse, avec l’aide des Pathfinders, ces B-17 volant en tête du dispositif et bénéficiant d’un radar cartographique.
Ainsi, « Qualified Quail » effectuera 75 missions, ramenant toujours ses équipages à leur base. La 75e, le 14 janvier 1945, sera sa dernière. L’appareil est touché par la Flak et doit quitter son dispositif. Le moteur n°4 passe en sur-régime et l’hélice, tournant à 3.000 tr/mn, ne peut être passée en drapeau. Le palier ne peut être tenu, la descente est inexorable malgré le largage de tout équipement inutile. Le moyeu du moteur récalcitrant se rompant, son hélice s’arrache et emporte au passage l’hélice du n°3.
L’équipage poursuit donc la descente sur deux moteurs mais comme il ne sera pas possible d’atteindre une base, suite aux conditions météorologiques, l’équipage – sauf les deux pilotes -évacue l’appareil en parachute vers 1.000 pieds avant que le bombardier ne soit posé dans un champ, non loin de Denain, dans le nord de la France. Tout l’équipage est sain et sauf, « Qualified Quail » a rempli une fois de plus son rôle de les ramener vivants.
Pour l’auteur, cet appareil et ses équipages sont le symbole du sacrifice énorme entraîné par ce second conflit mondial. Sa recherche historique autour de ce B-17G lui permet alors de prendre du recul au sujet de cette Europe bâtie pour maintenir la paix et éviter de revivre les événements du passé, surtout en cette année commémorative des 70 ans de la fin de la guerre. Un ouvrage qui reste bien d’actualité… ♦♦♦
« Un B-17 : Qualified Quail », par Patrick Milward. Auto-édition. 240 pages. 19,90 € (couverture souple) ou 35,90 € (couverture rigide). Le livre existe en langue française ou en langue anglaise. www.qualified-quail.com