Ce n’est pas parce que les conditions régnant généralement sur la France métropolitaine en hiver ne sont pas bonnes qu’il faut renoncer à voler ! De belles journées sont toujours possibles… et même sans conditions Cavok, il est possible de voler tant que visibilités et plafonds sont acceptables, ne serait-ce que pour quelques tours de piste afin de « garder la main » et être prêt lors du retour des beaux jours.
En période hivernale, quelques précautions particulières sont à prendre en compte, durant les différentes phases d’un vol. En voici une synthèse adaptée à partir d’une brochure de la CAA britannique intitulée Winter Flying.
Préparation de la machine
Une bonne visite prévol s’impose en s’attardant sur certains points. Le moteur a-t-il besoin d’un autre type d’huile en période de faibles températures ? Faut-il condamner une partie de la surface du radiateur pour permettre à l’huile de chauffer plus rapidement ? Le système de chauffage et de désembuage fonctionne-t-il bien ? La tension des câbles des commandes de vol a-t-elle été revue ? Autant de questions à se poser et/ou à poser au mécanicien en charge de l’aéronef.
La mise en place à bord d’un détecteur de monoxyde de carbone est une bonne chose car ce gaz toxique incolore et inodore peut se glisser parfois dans le cockpit, en provenance des gaz d’échappement, via le système de chauffage cabine. Un mal de tête peut en être un signe précurseur. Dans ce cas, aérer la cabine et se reposer rapidement.
Préparation du vol
Ne pas négliger les Notams (voire les Snowtams !) des terrains de destination. Bien analyser la prévision météo (Métar et Taf, Temsi) et noter le risque de givrage en notant l’écart entre les températures ambiante et de point de rosée. Si elles sont très proches, méfiance ! La zone critique peut aller de +10 à -10°C. Avec la diminution de la température dans le carburateur, du fait de la détente de l’air, un mélange vers +5 ou +7°C, par « mauvaises » conditions hygrométriques, peut geler dès le roulage ou en approche, moteur fortement réduit (plan trop haut ?). A +5° au sol, une cellule, une fois en vol, passera en températures négatives sous le 0°C, une bonne plage pour se couvrir de givre. Notez donc l’altitude, comme les pilotes IFR, de l’isotherme 0°C.
Si vous partez en navigation, préparez bien vos déroutements et prenez en compte le coucher de soleil précoce. Le soleil étant bas, il peut vous gêner si vous l’avez de face, notamment à l’arrondi. Il est donc fortement conseillé d’avoir toujours une paire de lunettes de soleil même si la couche nuageuse est soudée 8/8e car elle peut se fragmenter ou le soleil passer juste en-dessous lors de votre finale !
Préparez bien votre navigation car, même sans couverture neigeuse qui peut totalement changer la perception d’un paysage pourtant bien connu, un ciel brumeux peut limiter la visibilité générale, ou vous faire subir une visibilité frontale très « moyenne », imposant un suivi de navigation par vision latérale.
N’oubliez pas de bien vous vêtir, pour assurer la prévol, voire l’avitaillement, mais aussi conserver sa chaleur en cas d’escale forcée ou non. Un chiffon à bord pour la buée est un atout.
Bien noter les longueurs des pistes utilisées normalement et prendre des marges car tant au décollage (accélération) qu’à l’atterrissage (freinage), une piste contaminée (boue, herbe glissante, flaques d’eau, neige fondue) augmente les distances affichées dans le manuel de vol.
Visite prévol
Avec la condensation de la vapeur d’eau dans les réservoirs, la nuit par faibles températures, purgez bien les réservoirs. Pour l’avitaillement, la mise à la masse de l’appareil est encore plus importante car l’air peut être chargé électriquement, avec le risque d’un arc se formant entre l’orifice du réservoir et le pistolet.
Vérifiez qu’il n’y a pas de boue séchée dans les carénages de roues. Des sorties de piste ont déjà eu lieu pour cette raison. Quand on pense que certains avions ont été certifiés « avec » les carénages et que retirer ceux-ci pourrait invalider le certificat de navigabilité, on se dit que certains constructeurs et l’administration ont une excellente culture de la sécurité en France !
Vérifiez le bon fonctionnement du réchauffage Pitot si l’appareil en est équipé.
Contrôlez le filtre d’entrée d’air, pour qu’il ne soit pas imbibé et donc sujet au givrage.
Ne tolérez pas le moindre reste de givre sur la cellule (un givre transparent n’est pas facile à voir…), notamment au niveau de la voilure et des empennages. Du givre, de la neige, de la glace peuvent en effet réduire la portance jusqu’à 30% et augmenter la traînée jusqu’à 40% en modifiant la forme et l’état de surface des profils. Ne comptez pas sur la vitesse au décollage pour retirer la neige sur la voilure !
Méfiance à de l’eau (l’avion a-t-il été lavé la veille au soir ?) pouvant subsister à l’intérieur du cône d’hélice ou dans les gouvernes. Elle pourrait ainsi soit se geler en altitude soit créer une variation de l’équilibrage statique des gouvernes avec un risque de flottement aéroélastique.
Si le moteur doit être lancé à la main, les cales s’imposent mais aussi une surface propre et non glissante pour le lanceur. Ce dernier doit être libre de ses mouvements, sans vêtement ou écharpe pouvant le géner. Le port de gants est un plus.
Décollage
Lors du démarrage, notez l’état de la batterie. Souvent, elle supporte mal une période de non vol et/ou par faibles températures, même à l’intérieur d’un hangar.
Laissez chauffer votre GMP pour lui assurer une bonne lubrification, avec une huile pâteuse au départ (viscosité). Selon les préconisations constructeur et motoriste, brasser ou non l’hélice auparavant.
Au roulage, méfiance avec des taxiways pouvant être glissants ou boueux. Préférez un roulage à faible vitesse.
Au point fixe, vérifiez bien que le système de réchauffage carburateur fonctionne. C’est un système préventif fonctionnant en « tout ou rien ». Si vous perdez des tours, c’est que vous ne givrez pas avec un air chaud moins dense dans la chambre de combustion, faisant diminuer la puissance développée par le moteur. Si vous givrez, vous allez reprendre des tours en applicant le réchauffage carburateur. Un indicateur de température carburateur est un atout supplémentaire.
En vol, le symptôme de givrage est une perte progressive de la puissance entraînant le pilote à pousser de plus en plus la manette. Si le moteur s’arrête, c’est trop tard ! Une fois posé (dans un champ ?), le moteur fonctionnera parfaitement car le givre aura alors fondu. La cause de l’arrêt moteur n’est pas un mystère mais bien dû au givrage carburateur.
En appliquant le réchauffage carburateur après constatation d’un début de givrage, il se peut que le moteur tourne mal encore car il va devoir absorber l’eau issue de la fonte du givre. Persévérez ! Analysez bien le graphique ci-dessous concernant les risques de givrage en fonction de la température et de l’hygrométrie.
Pour le décollage, préférer la technique de décollage court ou au moins en soulageant bien la roulette avant sur appareil à train tricycle. Sur piste en herbe, surtout par vent de travers, soyez doux sur les palonniers pour éviter toute perte de contrôle en lacet.
Surveillez l’accélération au décollage et abandonnez ce dernier si elle n’est pas suffisante en fonction de la longueur de piste restante.
Si vous êtes en navigation, éviter de passer sous et trop près de nuages. Il peut y avoir en suspension des goutellettes d’eau en surfusion, c’est-à-dire encore à l’état d’eau bien que sous 0°C. Dès le contact avec un mobile, elles vont instantanément se transformer en givre à l’impact.
En vol
Après le décollage, sur aéronef à train rentrant, recyclez plusieurs fois le train pour évacuer la boue ou la neige.
Surveillez vos paramètres moteur (risque de givrage carbu à vérifier régulièrement) et l’évolution de la météo (fréquences Volmet à portée de main ?). En cas de descente, limitez la réduction de la puissance et/ou appliquez régulièrement le réchauffage carburateur. Mais ne laissez pas le réchauffage carburateur appliqué tout le temps en cas d’absence de givre, cela augmente notamment la consommation horaire et donc réduit votre distance franchissable ou votre autonomie.
Evitez une arrivée trop proche de la tombée de la nuit car il y a toujours un risque de formation de brouillards ou de fines couches de stratus pouvant empêcher l’atterrissage à destination.
En cas de givrage de la cellule, descendez pour retrouver des températures plus chaudes.
Atterrissage
Vérifiez l’absence de givre sur la cellule, notamment sur la voilure. Une fine couche de glace sur le profil peut justifier d’augmenter la vitesse d’approche de 20%. Dans ce cas, vérifiez la longueur de piste car la distance d’atterrissage sera nettement plus longue, surtout avec un freinage moins efficace.
Si vous suspectez un givrage de la cellule, les empennages peuvent être concernés. Ressentez-vous des vibrations au manche ? Les efforts sont-ils différents de l’habitude ? En cas de doute, n’affichez pas les pleins volets. En effet, la déflexion aérodynamique créée par leur braquage peut entraîner le décrochage du plan fixe de l’empennage horizontal, entraînant aussitôt un couple piqueur violent, phénomène qui a déjà été la cause d’accidents.
Sur piste contaminée et par vent de travers, une grande méfiance est à employer en fin d’atterrissage, avec de plus un risque d’aqua-planning.
Après le vol
Attention à la descente de l’appareil, l’extrados de la voilure peut être très glissant.
Si l’appareil doit rester dehors, protégez-le bien avec les caches Pitot et prises statiques, la bâche de la verrière. Placez-le face au vent et attachez-le. Nettoyez les carénages de roue avant que la boue ne gèle.
Voilà, tout ceci n’est que du bon sens et n’empêche pas de réaliser de beaux vols en période hivernale. Il faut juste être conscient que l’approche du vol n’est pas la même qu’en période estivale, avec certains points à surveiller encore de plus près pour éviter toute surprise. Un pilote averti en vaut deux ! Bons vols en hiver… ♦♦♦
Brochure de la CAA sur Winter Flying
Info-sécurité DGAC sur le givrage des aeronefs au sol