En octobre dernier, au symposium de l’EASA à Rome pour faire le point sur la réglementation européenne Aircrew concernant l’aviation générale en Europe, Patrick Gandil, le patron de la DGAC, a suggéré qu’il serait sans doute bon de pouvoir proposer l’IMC-Rating anglais dans tous les pays européens. Cela ne manque pas d’audace voire d’un certain degré de provocation dans une assemblée regroupant les différentes Autorités de l’Aviation civile qui, il y a encore quelques mois, avaient prévu de liquider l’IMC-Rating en Europe, Grande-Bretagne comprise.
Il faut rappeler que, comme le brevet de base franco-français, l’IMC-Rating anglais est une qualification « nationale » et qu’elle était/est donc destinée à disparaître avec l’application de l’Aircrew au 8 avril dernier. Auparavant, l’IAOPA-Europe – qui défend concrêtement les intérêts des pilotes avec des arguments « frappants » s’il le faut – avait cependant indiqué que si l’IMC-Rating disparaissait, alors qu’il s’agit d’une qualification bien adaptée aux conditions météorologiques outre-Manche, elle ne manquerait pas d’attaquer l’EASA – pour mise en danger de la vie d’autrui – au premier accident où il serait possible de prouver que le pilote aurait pu rester en vie s’il avait mis en pratique l’IMC-Rating. Le genre d’affirmation qui fait réfléchir un technocrate de l’EASA dans son bureau à Cologne, sûr de sa « vérité » et qui n’hésite pas à dire que la nouvelle réglementation européenne a pour but d’améliorer la sécurité alors que dans le cas cité, c’est bien du contraire qu’il s’agit – cherchez l’erreur !
Donc, alors que l’EASA va revoir – après dix années de travaux environ… – sa copie pour mieux adapter la future réglementation à la réalité, s’étant octroyé trois années de plus (8 avril 2018… au plus tôt car l’EASA sait très bien se donner un nouveau calendrier quand elle ne peut pas tenir un planning défini par… elle-même contrairement aux dates-butoir imposées aux utilisateurs), il y a toutes les chances que l’IMC-Rating demeure/devienne une qualification « nationale », à la discrétion des différentes Autorités puisqu’il est prévu de laisser plus de latitude aux Autorités nationales et d’être plus à l’écoute des attentes des utilisateurs…
Il pourrait en être de même, sans doute, pour le brevet de base, qualification franco-française que… Patrick Gandil avait lui-même défendue quand les premières menaces s’étaient exprimées sur l’avenir de ce premier accès au pilotage en France. Puis, n’étant pas vraiment épaulé par les représentants des utilisateurs, ces derniers voulant croire à l’hypothétique LAPL Basic (un brevet de base européen), projet pourtant rapidement mort-né, le patron de la DGAC avait « levé le pied », laissant la FFA et son administration partir dans la création d’un LAPL adapté et limité aux prérogatives du brevet de base. Pour sauver ce dernier, au lieu d’inventer une déclinaison franco-française du LAPL, encore faudrait-il que les principaux intéressés le veuillent…
Mais si Patrick Gandil cherche bien non pas à retenir le plus petit dénominateur commun des réglementations aéronautiques des différents pays européens – stratégie menant à un appauvrissement des pratiques si la majorité des 31 pays concernés l’emporte avec de nombreux pays peu développés en matière d’aviation générale – mais à sélectionner ce qui est bon et déjà validé dans d’autres pays, il lui reste d’autres dossiers à soutenir ! Tel celui de l’importation en France d’avions de construction amateur.
Depuis des décennies, la DGAC a en effet toujours refusé de voir un avion de construction amateur, au CNRA obtenu dans un autre pays, arriver sur le registre des Fox-Papa en France. On peut comprendre la prudence de la DGAC avec des aeronefs ayant obtenu un équivalent de CNRA dans un pays où la réglementation de la construction amateur est différente de celle appliquée en France. Mais dans ce cas, comment comprendre la CAA britannique qui accepte cela – sous certaines conditions – alors que le Permit to Fly (CNRA anglais) s’avère bien rigoureux dans ses procédures ? Il faudrait donc se poser un jour la question…
Ceci n’ouvrirait pas la porte à « n’importe quoi » comme certains voudraient aussitôt le penser pour éviter d’y réfléchir… Pour accepter l’importation d’un CNRA étranger (principalement en provenance des Etats-Unis, pays où le parc des aéronefs de construction amateur est sans commune mesure avec celui en Europe, sans que le FAA n’attire pour autant l’attention sur un degré de sécurité désastreux…), la Light Aircraft Association (RSA anglais) a défini la procédure à suivre avec un document téléchargeable sur son site.
Il faut tout d’abord que l’appareil apparaisse dans une liste établie par la LAA, sélectionnant ainsi les appareils étant déjà « connus », ayant un « vécu » et non pas des prototypes uniques, ce qui est logique. Il faut s’assurer ensuite que l’appareil répond aux critères du Permit to Fly (caractéristiques, masses, puissance…) et qu’il a bien été construit dans le cadre de la construction amateur (au moins 51% du temps de réalisation).
Le futur acquéreur doit s’assurer également que l’appareil a bien été entretenu, est non modifié par rapport aux plans initiaux, que son moteur et l’hélice sont conformes, que toutes les consignes techniques ont été appliquées, que l’avionique est reconnue en Europe, que les documents administratifs sont disponibles. Quand tout ce dossier administratif est bouclé, un inspecteur de la Light Aircraft Association (qui a délégation de la CAA pour gérer les Permit to Fly outre-Manche) vient inspecter l’aéronef avec un contrôle entre autres de la conformité de l’appareil, un essai moteur au sol pour vérifier le circuit carburant, une pesée, etc. Il peut alors approuver l’importation définitive de l’appareil ou bien imposer des modifications.
A noter que le Permit to Fly anglais se limite – sauf dérogation – au biplace (alors que le CNRA français autorise le quadriplace), avec une vitesse de décrochage inférieure à 96 km/h (60 mph) et une Vne maximale de 402 km/h (250 mph) pour une passe maximale de 912 kg (2.006 lbs) et une puissance maximale fixée à 260 ch.
Puis si tout est parfait, l’appareil reçoit l’autorisation de voler en suivant un programme comme s’il s’agissait d’un nouveau Permit to Fly anglais, même si l’appareil a déjà volé dans un autre pays auparavant. A l’issue de ce programme d’essais, l’appareil devient alors un Permit to Fly anglais comme les autres – ce qui explique la présence accrue outre-Manche, par rapport à la France, de machines comme des Glasair ou des Van’s (la gamme la plus diffusée dans le monde…) en provenance essentiellement des Etats-Unis. Les Anglais seraient-ils devenus complètement fous ? En tout cas, si l’Aircrew a été retoqué pour trois années au moins, une chose est sure et certaine, c’est bien grâce essentiellement aux Anglais. Pas si fous donc ! ♦♦♦
Importer un « homebuilt » en Grande-Bretagne (document LAA)
Eric Benoit dit
Sans doute la position ambigüe de la GB en Europe et ses liens « de cœur » avec les USA expliquent-ils ces postures qui sont donc une « production historique ».
Évitons donc le piège intellectuel d’une comparaison qui voudrait mesurer les « vertus » intrinsèques de nos voisins anglais. Contentons-nous de nous réjouir que cette conjoncture soit propice à soutenir une évolution de la réglementation européenne qui aille dans le sens du développement de notre activité.