Chaque année, ne serait-ce que pour le vol moteur en aéro-club, près de 8.000 nouveaux élèves sont en formation. La phase du « premier vol » est donc un « événement » récurrent et un cap à passer. Voici quelques conseils donnés par Jean-Gabriel Charrier…
Un vol presque comme les autres
« Je vais bientôt de me faire lâcher ». Le grand jour pour vous aussi ne va pas tarder à arriver, vous allez vivre un moment inoubliable, une étape majeure dans votre vie de pilote. Ce jour-là vous aurez acquis suffisamment de connaissances et de pratiques pour que votre instructeur vous laisse partir tout seul. Pour profiter pleinement de ce vol et surtout le maîtriser parfaitement, voici quelques réflexions et conseils qui peuvent vous intéresser.
Pour commencer, le lâcher intervient en général entre 10 et 30 heures de vol. Votre copain a été lâché en 15h00 et vous ne l’êtes toujours pas à 25h00 ? Aucun problème. Les bons pilotes ne sont pas forcément ceux qui ont été lâchés avec peu d’heures de vol (il existe de nombreux critères de sélection pour rentrer dans une compagnie aérienne, celui-ci n’en fait pas partie).
Vos ressources
Vous devrez connaître votre machine, ses vitesses d’utilisation, ses procédures normales et de secours. Votre pilotage est maintenant en place. Il existe quelques imprécisions, mais les écarts sont acceptables et vous savez les corriger.
Les conditions de vol
Votre niveau de compétence acquis, l’instructeur vous lâchera avec une deuxième condition qui est un environnement propice. Il va s’arranger pour que celui-ci soit le plus tranquille possible, sans menaces particulières, mais il ne peut pas tout prévoir. Chaque aérodrome possède ses caractéristiques, votre instructeur les connaît et il vous aura briefé le cas échéant sur certains aléas qui pourraient survenir, avec d’éventuelles consignes : s’il existe qu’une seule piste et qu’un avion l’immobilise, si l’avion de ligne arrive avec un peu d’avance…
Juste avant
Vous sentez que le lâcher est proche, mais c’est votre instructeur qui saura apprécier avec son expérience si le moment est venu ou non. Ne soyez pas impatient, toutes les heures de vol en instruction avant le lâcher sont des heures très précieuses pour la suite de votre activité. En général, vous allez effectuer une série de tours de piste pendant lesquels votre instructeur interviendra de moins en moins, juste pour préciser, affiner quelques détails. Le jour du lâcher vous n’effectuerez a priori que quelques tours de piste pour éviter la fatigue. Votre instructeur vous donnera quelques derniers conseils : machine plus légère…
Préparez ce moment
Anticipez ce moment, et construisez votre expérience de pilote, le lâcher n’étant… qu’une étape. Au cours de votre instruction, n’hésitez pas à poser des questions sur des situations en vol que vous avez du mal à comprendre : pourquoi le contrôleur nous demande de rallonger ? Pourquoi on ne prend pas la piste principale ? Vol après vol, votre perception et la compréhension de votre environnement vont s’affiner, c’est-à-dire que vous posséderez de plus en plus de réponses face aux situations que vous rencontrerez ou que vous seriez susceptible de rencontrer.
Un peu anxieux ?
Tous les pilotes ressentent une petite anxiété, le moment venu, quand il faut partir seul. Si vous êtes d’un tempérament anxieux, que la confiance en vous n’est pas votre fort, il existe des situations que l’on désire parfois repousser ou auxquelles on ne veut pas penser. C’est peut-être votre cas pour votre lâcher. Discutez-en avec votre instructeur avant votre lâcher. Il répondra à vos interrogations et vous vous mettrez éventuellement d’accord sur la façon dont ça se passera : connaître les critères retenus pour votre lâché, doit diminuer votre anxiété. Si votre instructeur décide de vous lâcher et que vous ne vous sentez vraiment pas à la hauteur, dites-le, et encore une fois les quelques heures d’instruction supplémentaires qui vous permettront d’acquérir cette confiance en vous ne seront pas perdues.
Comme d’habitude
C’est le grand moment, et votre instructeur vous a rappelé que vous devez faire comme d’habitude. Effectivement, parce que le suivi des procédures et des consignes est indispensable, mais il y a une autre raison : vous êtes nerveux et le fait de vous concentrer sur vos actions va diminuer cette nervosité. Ne pensez pas à l’atterrissage quand vous êtes au point d’arrêt. Votre vol est une succession de phases dont la qualité dépend de la phase précédente. Donc au point d’arrêt concentrez-vous sur votre procédure avant décollage : checklist, radio… Une fois aligné, vous saurez que vous n’aurez rien oublié. En finale ? Ne pensez pas à l’atterrissage, pensez à votre plan, votre vitesse et quand vous serez à quelques mètres du sol, au bon endroit, à la bonne vitesse, l’atterrissage à toutes les chances d’être parfait.
Un petit plus
Vous pouvez tranquillement au calme vivre dans votre tête un tour de piste dans ses moindres détails. Cette préparation mentale est simple, et peu coûteuse ! Les pilotes confirmés à la recherche de la performance comme les pilotes de voltige utilisent cette technique, tout comme les pilotes de ligne qui révisent leurs procédures en les visualisant mentalement avant leur séance de simulateur.
Et si…
Vous êtes en vol et pour une raison difficilement prévisible vous devez effectuer quelque chose qui n’était pas programmé : certains scénarios ne peuvent pas toujours être anticipés par votre instructeur. C’est rare mais cela peut arriver. Gardez votre sang froid et concentrez vous d’abord sur le pilotage de votre machine : assiette, vitesse… et ensuite sur le suivi de votre trajectoire : rester en ligne droite pendant la remise de gaz ou respecter le circuit de piste… Une fois votre machine et sa trajectoire maîtrisées, il ne vous reste plus qu’à vous représenter dans un schéma connu : retour vers la vent arrière ou en finale, ou toute autre option qui vous semblera appropriée. Et si en finale vous appréhendez vraiment l’atterrissage, vous pouvez effectuer une remise de gaz, et reprendre vos esprits le temps d’un nouveau tour de piste.
N’hésitez pas !
Les premiers vols solo sont des moments particuliers et toutes les personnes qui sont en contact avec vous ce jour-là le savent. Aussi, si vous pensez que vous pourriez perdre le contrôle de la situation (incompréhension de ce qu’on vous demande, stress aigu qui vous fait perdre vos moyens), n’hésitez pas : dites-le si vous avez la radio. En communiquant, si vraiment ça ne va pas, vous devenez la priorité. Le contrôleur va tout faire pour vous aider, le pilote de ligne qui lui aussi a fait son premier vol solo, ne sera plus grincheux comme à l’accoutumée avec les avions d’aéro-club et c’est lui qui remettra les gaz, pas vous.
La plupart des premiers vols solo se passent bien, parce que tout est fait pour qu’il en soit ainsi : votre niveau de pilotage est correct et l’environnement familier et propice. Cela ne vous empêche pas de vous y préparer techniquement et mentalement.
Pour conclure
– Ayez confiance en vous, votre instructeur connaît parfaitement votre niveau de pilotage.
– Afin de ne pas être pris au dépourvu, ayez en mémoire les deux ou trois scénarios susceptibles d’arriver : une remise de gaz, une instruction particulière du contrôle…
– Faites comme d’habitude, et pensez à ce que vous faites au moment où vous le faites, ne gambergez pas sur l’atterrissage dès le décollage. Cela vous évitera de faire des erreurs et diminuera votre anxiété.
– Vous pouvez vous préparer mentalement en visualisant votre vol avant celui-ci, en train d’effectuer vos tâches seul à bord depuis le décollage jusqu’au retour au parking.
– Parfois, un aléa peut survenir et nécessiter de votre part une initiative particulière. Raccrochez-vous alors à ce que vous avez appris, à des schémas connus, et surtout pensez à donner la priorité au pilotage de votre machine.
Et tout se passera bien, et quand vous descendrez de votre appareil, vous afficherez comme tous les autres un grand sourire. ♦♦♦
En partenariat avec www.MentalPilote.com