Un rapport au BEA vient de sortir, relatif à une sortie latérale de piste et la collision avec le balisage au sol d’un Mooney M20F à Cannes-Mandelieu, en mars dernier. En résumé : parti de Toulouse-Lasbordes, le pilote est arrivé en longue finale pour la 17 à Cannes, avec 5 à 6 Kt de vent du 180° et des conditions Cavok. A l’atterrissage, l’avion touche durement la piste, rebondit plusieurs fois. Le pilote remet les gaz pour une seconde présentation.
Lors de l’atterrissage suivant, l’avion touche à mi-piste, à gauche de l’axe. Le Mooney rebondit plusieurs fois, sort de piste à gauche et l’aile droite heurte un panneau de signalisation. « Le pilote indique que le freinage lui a semblé inefficace », précise le rapport du BEA.
Dans les renseignements complémentaires, le BEA précise que « le pilote avait effectué 17h25 de vol sur DA40 en instruction, en double commande dans un centre de formation », la dernière séance ayant eu lieu plus de trois mois auparavant. Le pilote « n’avait pas encore été lâché ». Le 5 mars 2014, quelques jours avant d’atteindre Cannes, il avait effectué 45 mn de vol sur Cessna 152 en instruction en double commande dans un autre club.
En vue de l’achat du Mooney M20F, il avait effectué 5h00 de vol sur cet avion « en compagnie d’un pilote, ami du propriétaire. Ce dernier, instructeur à la retraite, pensait que le pilote avait plus de 100 heures de vol. Il indique qu’il n’avait pas noté de problème particulier à l’exception de rebonds à l’atterrissage. Il avait attribué cela à la masse élevée de l’avion par rapport aux avions habituellement utilisés par le pilote ».
Ce dernier indique qu’il effectuait la navigation entre Toulouse et Cannes en solo mais n’avait pas obtenu l’accord d’un instructeur, pensant que « la navigation solo ne devait pas forcément être supervisée puisqu’il était propriétaire de l’avion ». Il n’avait pas encore passé le théorique PPL(A) mais avait effectué la majorité des cours « pendant lesquels il lui avait été enseigné que l’instruction solo est supervisée ».
La veille de l’accident, le pilote était sorti de piste à l’atterrissage lors d’un vol entre Rion-des-Landes et Toulouse-Lasbordes « avec le même avion, sans occasionner de dégâts apparents ».
A l’issue du circuit réalisé à Cannes à la suite de la remise de gaz, le contrôleur a demandé au pilote de faire un atterrissage complet, pensant que ce dernier faisait des circuits d’aérodrome pour exercice. Les « examens effectués sur le système de freinage n’ont pas mis en évidence de dysfonctionnement du système ».
En conclusion, le BEA indique que « l’accident est dû à la décision du pilote de décoller alors qu’il n’avait pas les compétences suffisantes pour réaliser le vol en tout sécurité ».
Il est possible d’aller un peu plus loin dans l’analyse. Ce futur (puisque non breveté ni même titulaire du théorique) pilote n’a pas la moindre culture de sécurité. Il pense que le pilotage d’un avion est identique à celui d’une auto, il suffit de monter à bord et de partir, même si l’on a pas piloté depuis des mois avec si peu d’expérience. C’est une dérive que certains constructeurs favorisent en faisant croire qu’un avion peut devenir une seconde voiture !
Il n’a pas conscience des difficultés à maîtriser (espace aérien ? météo ? notam ?) en partant en nav solo sur un trajet Toulouse-Cannes pour la première fois, aux commandes d’un appareil rapide encore non maîtrisé. Il n’a pas conscience des risques puisqu’une sortie de piste la veille de l’accident ne lui a pas permis de se remettre en cause. Il n’a pas compris qu’il ne suffit pas d’avoir les moyens d’acheter un monomoteur rapide pour avoir aussitôt les compétences pour maîtriser ce dernier. Ce qui peut s’envisager avec prudence au sol, en prenant le volant d’une voiture de sport permis de conduire tout juste acquis, n’est pas imaginable dans la troisième dimension.
L’arrivée à Cannes en longue finale à 17 doit être « négociée » car il est très facile, relief oblige, d’arriver un peu haut et un peu vite. Avec un Mooney, machine réputée pour être fine et à ne pas forcer à l’atterrissage, un arrondi à mi-piste montre que les paramètres n’étaient pas là en finale…
Ce rapport pose également entre les lignes la problématique des pilotes propriétaires. Si certains se remettent en cause et s’entraînent régulièrement, d’autres peuvent dériver dans le temps, sans garde-fou et remise en cause régulière, les prorogations pouvant se faire rapidement avec des connaissances peu exigeantes et faisant confiance au pilote. ♦♦♦