Avec du retard pris au fil des ans (qu’ils sont loin les débuts du processus réglementaire avec les travaux du groupe de travail MDM-032 !) et un premier report d’un an que l’EASA s’était elle-même accordé pour mettre en place la nouvelle réglementation Aircrew, la situation n’était pas encore brillante à quelques mois de l’échéance fatidique du 8 avril 2015, avec une réglementation encore en chantier, des textes déjà mis en application mais d’autres encore en gestation, et déjà des modifications envisagées.
Avec comme résultat inévitable, un chaos réglementaire en perspective et des services administratifs des différentes aviations civiles en Europe « à la traîne », incapables parfois de donner des réponses claires et identiques dans différentes régions ou pays. Rajoutez une pression forte de certains organismes étrangers pour faire évoluer le projet réglementaire vers une plus grande simplification et Patrick Ky, le nouveau patron de l’EASA, a senti qu’il fallait amorcer un virage par rapport à la « politique à la hussarde » menée par son prédécesseur, également français, Patrick Goudou.
C’est ainsi que tout début juin dernier, il est devenu de notorité publique que l’Aircrew n’allait plus être imposée « en force » au 8 avril 2015, avec un report envisagé par l’EASA de trois années et la volonté d’alléger le projet réglementaire, prenant en compte – enfin – la nouvelle feuille de route rédigée par un groupe de travail de l’EASA animé par le Français Patrick Cipriani (DSAC Nord), il y a près de deux ans, et visant à simplifier la réglementation quand la sécurité n’est pas mise en jeu et à ne pas appliquer automatiquement à l’aviation générale les principes imposés à l’aviation commerciale.
Début juin dernier, la FFA avait ainsi recommandé à ses aéro-clubs de suspendre la dépose des dossiers ATO auprès de leurs DSAC locales. Si certains à la fédération n’hésitaient pas à laisser entendre que la FFA avait obtenu de l’EASA le report des ATO, s’octroyant au passage cette victoire, il faut rendre à César… comme l’a fait honnêtement Pierre Podeur, secrétaire général de la fédération, dans son entretien pour notre confrère Aerobuzz, reconnaissant que « l’un des éléments déclencheurs qui ont conduit au report de l’entrée en vigueur des ATO est la forte réaction de la Grande-Bretagne ». CQFD.
Il est vrai que ces dernières années, l’IAOPA et l’AOPA-UK n’avaient pas ménagé les interventions énergiques face à l’EASA, pour faire évoluer le projet réglementaire à l’impact jugé très négatif pour l’avenir de l’aviation légère. Pour les Anglais, le projet initial prévoyait entre autres la disparition de l’IMC Rating, licence anglo-britannique qui a fait ses preuves au fil des décennies dans un pays aux conditions météorologiques pas toujours favorables à la pratique du vol VFR. Les organismes de défense des pilotes britanniques avaient alors clairement annoncé vouloir attaquer à l’avenir l’EASA dès que l’enquête relative à un accident révélerait qu’une issue favorable aurait pu être obtenue avec l’usage de l’IMC Rating…
Cette annonce d’un report d’application de l’Aircrew était officieuse en juin dernier, car il fallait attendre encore l’officialisation de ce processus lors d’un comité de l’EASA prévu les 8 et 9 octobre derniers. Après ce vote de confirmation, c’est donc désormais officiel… La date d’application de l’Aircrew passe ainsi du 8 avril 2015 au 8 avril 2018 pour les unités de formation menant à des licences non-commerciales, soit principalement en France les aéro-clubs formant notamment aux PPL et LAPL. Les aéro-clubs enregistrés comme Registered Facilities (RF) ou Organismes déclarés (OD) avant le 8 avril 2015 pourront dispenser des formations menant aux PPL mais aussi aux LAPL jusqu’au 8 avril 2018. L’Aircrew initial prévoyait que seuls les unités transformées en ATO pourraient proposer du LAPL, les OD étant limités au PPL. Ainsi, ce qui était impossible il y a quelques mois devient désormais… possible, ce qui relativise le discours réglementaire du type « il n’y a pas d’autre alternative » !
Chaque état membre peut ne pas appliquer, durant ces trois années, les dispositions relatives à la Light Aircraft Pilot Licence (LAPL) mais aussi aux licences de pilotes de planeur (SPL) et de ballon à air chaud (BPL), sans oublier les nouvelles dispositions prévues par l’Europe pour les qualifications montagne, remorquage de planeurs et/ou de banderoles. Ces dernières qualifications demeurent toujours gérées par les autorités nationales quand elles existent déjà, ce qui est le cas de la France.
A noter, durant ces trois années, les licences nationales pourront continuer à être délivrées. C’est le cas du brevet de base français qui gagne un répit supplémentaire à cet instant, puisqu’il est toujours prévu qu’au 8 avril 2018, toutes les licences nationales devront être converties en licences « équivalentes » européennes.
Parmi les allègements annoncés, la « surveillance » (comprendre les audits) des Approved Training Organisation (ATO) ne formant qu’à des licences non professionnelles devrait passer de 4 à 6 ans. Le système de gestion de la sécurité (SGS), devant être mis en place afin d’identifier et atténuer les risques, pourra être remplacé par une revue de l’unité de formation à réaliser tous les 12 mois. L’interdiction faite aux FE (Flight Examiner) de réaliser des examens pratiques d’élèves quand ils ont eux-même participé en partie à la formation de ces derniers serait levée.
Un groupe de travail de l’EASA travaille toujours à des amendements de la réglementation envisagée. Des propositions d’évolution réglementaire sont annoncées pour la fin 2015, avec le souhait pour la FFA de voir retenue une « proposition de la DGAC », à savoir un LAPL modulaire. Ceci permettrait ainsi de « convertir » des brevetés de base à un LAPL « limité » aux prérogatives de l’ex-brevet de base. Ceci permettrait aux brevetés de base de pouvoir réaliser des vols locaux comme auparavant.
Ces amendements à venir dépendront de la pression exercée par les organismes défendant les intérêts des pratiquants… Il faudra assurément compter, une fois de plus, sur les associations anglaises… En Grande-Bretagne, l’IAOPA a toujours considéré que le concept d’ATO ne devait pas concerner les petites structures de formation, avec des coûts non acceptables, notamment pour les audits. Un allègement des contraintes inutiles pourrait ouvrir la porte à des formations hors ATO dans le cadre de structures n’assurant que des formations non professionnelles. ♦♦♦