Analyse d’un événement survenu sur un ULM.
L’événement, analysé par l’Air Accidents Investigation Branch (AAIB), est survenu en décembre 2022 en Grande-Bretagne mais il aurait pu se dérouler ailleurs… Après un point fixe normal, le pilote d’un Ikarus C42 motorisé Rotax 912UL décolle pour un vol local, en compagnie d’un instructeur en place droite mais à bord comme simple passager. Peu après le décollage, en vent traversier, une fumée et des gaz toxiques envahissent la cabine. Le passager entre-ouvre sa porte, ce qui permet d’évacuer une bonne partie de la fumée.
Le pilote coupe le circuit électrique mais la fumée continue à envahir le cockpit. Une contre-QFU est réalisée. À l’arrêt, le pilote coupe le moteur et l’équipage évacue l’appareil. Le service de sécurité intervient, briefé par le pilote sur la source de l’incendie, la batterie au lithium. Deux extincteurs au CO2 sont vidés sur la batterie qui continue à brûler. Elle sera ensuite retirée de la cellule.
L’unique batterie alimentait le démarreur, l’avionique, la pompe électrique, le trim électrique et les phares. Elle était placée dans un compartiment entre les deux sièges. À l’origine, l’appareil était équipé d’une batterie acide-plomb de 2,7 kg mais elle avait été remplacée en octobre 2016 par une batterie lithium-ion de dimensions réduites pour 1,85 kg de masse. La modification comportait l’installation d’un voltmètre pour suivre la régulation de la charge mais sans système de protection – ceci sera imposé en mai 2017 par le constructeur Comco Ikarus GmBH – point mal diffusé outre-Manche auprès des utilisateurs. Avant l’incendie, la batterie a été utilisée durant 1.338 heures.
La batterie LiFePO4 était constituée de 8 packs de lithium-ion dans un contenant en plastique. Chaque cellule a 3,3 V comme voltage nominal, soit 13,2 V pour le total. Le fabricant indique que la limite base est de 2.0 par cellule ou 8.0 V pour la batterie et que si cette dernière est déchargée sous ce niveau, elle doit être déposée et écartée suite à des dommages potentiels. La surcharge ne doit pas dépasser 3?65 V par cellule ou 14,6 pour la batterie. L’utilisation d’une batterie extérieure n’est pas autorisée sauf chargeur spécifique. La durée de vie indiquée par le fabricant était de 1.000 cycles de charge sans butée calendaire.
Une divergence thermique d’une batterie lithium-ion peut provenir de différentes causes : court-circuit dans une cellule, surcharge, décharge trop importante, choc, erreur de production, formation de dendrite ou surchauffe extérieure. Une température élevée dans une cellule peut enclencher une réaction chimique exothermique augmentant la température et le dégagement de gaz. Le phénomène s’auto-entretient. Les gaz sont relâchés par soupape ou par rupture. Il s’agit d’hydrogène (sous différentes formes), de monoxyde de carbone, de dioxyde de carbone, le tout formant un acide en contact de la vapeur d’eau.
L’AAIB a mené un vol d’essai avec l’appareil après mise en place d’une batterie acide-plomb étanche mais sans modifier le circuit électrique. Le vol a duré 33 minutes de la mise en route au parking avec temps de chauffe, décollage, montée pleine puissance jusqu’à 3.000 ft, 10 mn de croisière avant descente et deux tours de piste. Le voltage de la batterie a été enregistré à raison de 4 mesures par secondes (graphique ci-dessous). La valeur moyenne a varié entre 14,2 et 14,4 V mais avec des pics à 14,7 au-delà des 14,6 V autorisés par le fabriquant – pics non visibles sur l’instrument de bord mais les 0,1 V supplémentaires n’ont pas été considérés comme cause de l’incendie. Le fabricant a précisé que ces pics étaient moins probables sur une batterie lithium-ion, une « batterie acide-plomb ayant une résistance interne plus élevée ».
L’AAIB a eu connaissance d’un événement similaire survenu en Allemagne (photo ci-dessus), avec le même modèle de batterie. Lors d’un vol solo, le feu s’est déclenché et le pilote a fait un atterrissage forcé dans un champ. Ayant évacué l’appareil, ce dernier a intégralement brûlé. Suite aux événements cités, le constructeur a cessé d’installer des batteries lithium-ion, remplacées par des batteries acide-plomb. ♦♦♦
Thématique déjà abordée sur aeroVFR.com :
– Les risques des batteries Lithium sur ULM
– Gare aux batteries Lithium
– Protection anti-feu et batteries au lithium