ADP invente le concept d’aérodrome-prison pour les visiteurs extérieurs.
Mi-mars dernier, un pilote arrivant par la voie des airs d’un autre aérodrome se pose à Etampes-Mondésir. Ce dimanche matin tôt avant une dégradation météorologique, le but est de déposer un avion sur le parking de l’atelier local, histoire qu’il soit pris en compte dès le lundi matin à la première heure par les mécaniciens.
Avion parqué, bâché, le pilote souhaite quitter l’emprise de l’aérodrome, ayant prévu d’être récupéré en voiture quelques instants plus tard. La porte près de l’atelier est fermée à clé. Qu’à cela ne tienne, il y a d’autres accès sur le terrain, notamment la porte donnant accès au parking en herbe pour les avions visiteurs, ou encore la porte donnant accès à la pompe à essence.
Mais toutes sont fermées à clé. En fait, elles « bénéficient » toutes d’un digicode installé sur la poignée de chaque porte. Plan Vigipirate aidant, on peut comprendre une telle protection pas vraiment indéfectible quand on peut découper rapidement le grillage à proximité… mais admettons, le système étant déjà mis en pratique sur de nombreux terrains.
Ceux-ci donnent alors la « clé » aux équipages pour sortir de l’emprise, avec généralement un panneau côté piste indiquant aux pilotes qu’il faut pianoter le code 1-2-3-4-5 ou 5-4-3-2-1, ou encore la fréquence du terrain, le code transpondeur VFR ou la fréquence de détresse pour actionner la poignée. Mais à Etampes-Mondésir, si le panneau côté extérieur est bien là pour rappeler que la zone aéroportuaire est réservée, du côté pistes, le panneau est totalement blanc.
Le pilote n’ayant pas pratiqué récemment cet aérodrome, période Covid oblige, il se dit que le nouveau système est en cours d’installation. Heureusement, quelques clubs ayant ouvert leurs locaux, il lui sera enfin possible de quitter l’emprise du terrain. Quelques jours plus tard, un mail vers le chef de la circulation ne donnera pas de piste sérieuse pour faire aboutir le dossier, le contrôle aérien n’ayant pas vocation à gérer les accès terrestres. Il faut donc trouver le bon interlocuteur dans le labyrinthe administratif pour atteindre le service concerné.
La fiche VAC donnant un contact vers l’exploitant de l’aérodrome, à savoir le groupe ADP, un appel téléphonique est alors passé pour obtenir l’adresse mail du service concerné par cette problématique. Ainsi, le 2 avril dernier, un mail est adressé à ADP rappelant le problème rencontré pour sortir d’Etampes-Mondésir, donnant des solutions déjà employées sur d’autres terrains. Le même jour, le responsable du service répond avec le message suivant :
« Une information avait été réalisée à ma connaissance auprès des usagers. Elle apparaît perfectible. Je me rapproche de nos équipes pour corriger le tir. Cordialement ».
On pourrait croire que le dossier va trouver une solution dans les semaines qui suivent. Mais ce 8 juin, soit plus de 2 mois après l’échange de mail, la situation demeure identique. Portes fermées à clé, aucun code affiché pour pouvoir sortir de l’emprise du terrain. La tour étant régulièrement fermée 15 jours sur 30 en moyenne n’est pas la solution, surtout que son accès est interdit (c’est bien affiché sur la porte côté aérodrome !).
La réponse du 2 avril annonçant que le dossier va être pris en main n’étant qu’un effet de communication très classique de nos jours (réponse toute faite et affaire aussitôt classée sans suite dans les tiroirs), force est de constater qu’il faut en rajouter une louche, surtout quand le gestionnaire de l’aérodrome se nomme ADP et revendique le titre de « leader mondial de la conception, de la construction et de l’exploitation d’aéroports ». C’est vous dire.
Si les usagers basés ont peut-être été informés de l’existence de ces digicodes avec les codes afférents, cela relève de la totale inutilité puisqu’ils ont directement accès aux pistes par les locaux de leurs clubs implantés sur la plate-forme. Les usagers vraiment concernés sont les visiteurs aériens extérieurs, alias les prisonniers.
À une époque où le moindre DTO se doit de mettre en place une politique de sécurité, voire faire une analyse de risques au niveau de son activité, à l’époque où la DSAC nous parle du Plan de Sécurité de l’Etat (PSE) appliqué à l’aviation générale, un groupe industriel international comme ADP n’est pas capable d’imaginer les scénarios suivants :
– un pilote et son équipage se déroutent en fin de journée, en semaine, suite à des conditions météorologiques peu optimales. L’avion se pose, se rend au parking visiteurs mais tout l’équipage… dort sur place car mis dans l’incapacité de quitter l’aérodrome. Merci ADP !
– un pilote venant chercher un avion (étant sorti par l’un des clubs ou l’atelier local lors de son arrivée quelques jours plus tôt) est mis dans l’impossibilité d’atteindre sa machine sauf si, par le plus grand des hasards, un club est ouvert à l’heure où il vient. Quel service !
– on peut imaginer un scénario plus dramatique, avec un accident et l’impossibilité pour les personnes blessées de sortir du terrain pour aller chercher du secours si tous les clubs sont alors fermés – situation possible en semaine, selon les conditions météo. Certes, un coup de fil vers les urgences – sauf si les réseaux Orange sont en rade… – et les pompiers ne perdront pas de temps à découper le grillage mais est-ce une solution acceptable ?
ADP ayant décidé d’arrêter les services ATC d’Etampes en juillet prochain, avec passage en auto-information ou mise en place d’un service AFIS, il serait bon que le désengagement d’ADP – sur ce terrain « récupéré » par tour de passe-passe à la fermeture de Guyancourt car étant bien au-delà du périmètre d’activité d’ADP à l’époque – ne transforme pas ce terrain en prison pour les visiteurs extérieurs. ♦♦♦