Disparition du concepteur d’avions et ULM de technologie métallique.
Christophe « Chris » Heintz, ingénieur aéronautique, nous a quittés ce 30 avril. Son nom restera associé à une gamme d’avions métalliques développés au sein des Avions Robin et à une gamme d’avions et ULM développés par la suite au Canada. Souhaitant devenir… chef de cuisine dans les grands hôtels afin de voyager à travers le monde, Christ Heintz, né en Alsace, est forcé par son père à suivre des études à l’école technique de Zurich (ETH), obtenant un diplôme d’ingénieur.
Repoussant son service militaire pour cause de guerre d’Algérie, il rejoint Sud Aviation, travaillant notamment au bureau d’études sur le programme Concorde mais reste déçu par le fonctionnement interne. Une fois le conflit algérien achevé, il rejoint l’armée de l’Air pour se retrouver en sous-sol à surveiller les frontières du pays…
A la sortie de son service militaire, il est embauché en 1962 par Pierre Robin pour assurer la production du DR-250 et passer au DR-253, le premier DR à train tricycle tandis que Jean Delemontez reste indépendant. La concurrence américaine aidant et la demande de la clientèle pour des appareils en métal font que Pierre Robin décide ce lancer une gamme métallique. Ce sera le travail de Chris Heintz, le premier ingénieur « suisse » à temps plein à Dijon, qui sera suivi par la suite de Michel Brandt puis Daniel Muller, la « garde suisse » dijonnaise.
Chris Heintz conçoit ainsi la gamme métallique des HR-100 et HR-200 tout en développant son propre biplace de construction amateur à temps perdu, le CH-200 Zenith (anagramme de Heintz) – photo ci-dessus à Darois. Il a en effet décidé de piloter, volant sur D-112 à Darois puis de construire un biplace selon ses souhaits. Ce sera l’un des premiers avions de construction amateur métallique en France, avec une diffusion en plans.
Le HR-100 est un quadriplace métallique qui connaîtra plusieurs modèles, à train fixe ou rentrant (le prototype ci-dessus), de différentes puissances. Le haut de gamme est assuré par le HR-100/250 à train rentrant, pas variable, d’architecture classique avec une aile rectangulaire d’épaisseur constante, facile de construction car il faut dès la conception prendre en compte l’économie de la production, dont le temps de construction. La torsion de la voilure est assurée par le longeron mais aussi le revêtement travaillant, contrairement à la technologie bois où tous les efforts en torsion sont supportés par le longeron.
C’est aussi l’arrivée de la verrière coulissante, plus légère que les portes traditionnelles avec leurs charnières – un choix voulu par Pierre Robin. C’est aussi le choix de la profondeur de type monobloc car procurant « plus d’efforts », plus adaptée au vol en IFR. Le HR-100 dans différents modèles (dont l’un motorisé sans succès par un nouveau moteur Continental, le Tiara), sera notamment utilisé par le Centre d’essais en vol (CEV) et le SFACT pour la formation des pilotes professionnels.
Le biplace HR-200 (le prototype ci-dessus) sera destiné à l’école, sa dernière évolution sera le R-200 après la relance de l’appareil à la fin des années 1980. Des versions plus motorisées donneront naissance par la suite au R-2100 puis R-2160 que Michel Brandt certifiera pour un usage en voltige.
Entre-temps, Chris Heintz a quitté la société fin 1971 pour voler de ses propres ailes. Après un temps au Brésil, il s’installe au Canada, travaillant chez De Havilland, notamment sur l’empennage horizontal du Dash 7 dont « la taille est celle d’une voilure d’avion léger ». Puis il crée la Zenair Aircraft, société spécialisée dans la construction amateur, aujourd’hui gérée par ses quatre fils. Y seront développés de multiples appareils métalliques dont le CH-701, ULM à capacités STOL qui sera abondamment copié, du G1 au Savannah en passant par bien d’autres.
Il y a quelques années, Chris Heintz avait rassemblé ses connaissances en matière de conception d’avions légers dans un ouvrage intitulé « Volez de vos propres ailes », à lire de préférence dans sa version originale en anglais. Après la disparition de Jean Delemontez en 2015, Pierre Robin en 2020 et Chris Heintz, c’est une page d’histoire qui vient d’être tournée en matière d’aviation légère en France… ♦♦♦
Photos © auteur, collections Familles Robin et Heintz