Après la perte d’une commande de vol, l’issue n’est pas forcément fatale… Le pilote dispose d’autres moyens pour gérer sa trajectoire. Y réfléchir et s’entraîner ne peut être négatif…
Même si le sujet a déjà été traité ici, la récente mise en ligne par le BEA d’un rapport d’accident concernant un ULM Skyranger donne l’occasion de revenir sur les consignes à appliquer en cas de problèmes de commandes de vol, point rarement évoqué dans les manuels de vol. Dans le cas d’un appareil équipé d’un parachute intégral, l’utilisation de ce dernier peut s’avérer alors très utile…
En l’absence d’un parachute intégral, le pilote dispose encore d’atouts dans sa main, s’il y a réfléchi auparavant. Plusieurs problèmes potentiels peuvent survenir sur les trois axes de pilotage.
– Tangage : une perte de contrôle est constatée sur l’axe de tangage, le manche n’ayant plus d’action. Il faut confirmer que cette perte d’efficacité est totale, au cas où de grands débattements permettraient encore une réponse faible mais dans le bon sens. Si l’efficacité est nulle, le pilote dispose de plusieurs moyens pour gérer le plan vertical. La première commande à disposition est le compensateur. Son circuit peut être encore opérationnel et le compensateur peut alors avoir un effet sur la gouverne de profondeur, avec un temps de réaction plus ou moins long.
Il faudra alors tranquillement chercher à maîtriser la trajectoire dans le plan vertical avec cette commande « secondaire ». Celle-ci peut être complétée par d’autres effets dus notamment à la puissance. Une augmentation du régime entraîne un excédent de souffle sur la voilure et si l’appareil était correctement compensé, cette augmentation de puissance va entraîner une augmentation de la vitesse et donc de la portance, orientant la trajectoire vers le haut. En jouant sur le compensateur et la puissance moteur, il est ainsi possible de maîtriser la trajectoire dans le plan verticale.
L’approche pour revenir se poser devra être longue pour avoir le temps de bien stabiliser la machine. Selon l’efficacité des volets (couple plus ou moins important à la sortie sur certaines machines), il faudra soit s’abstenir soit limiter la courbure affichée. Une augmentation de la puissance à la sortie des volets peut diminuer le couple piqueur à court terme si la réactivité du compensateur nécessite plus de temps pour retrouver l’équilibre et la trajectoire recherchée. L’arrondi devra être anticipé, par petites actions. Sur certains appareils, la réduction du régime moteur suivie d’une rentrée des volets peut créer un léger cabré permettant d’atteindre l’assiette recherchée.
– Roulis : avec peu d’avions légers équipés de compensateur sur l’axe de roulis, la perte de contrôle en roulis est plus « simple » à gérer. Elle va reposer sur le roulis induit par la direction. Du pied à gauche va entraîner un lacet vers la gauche, accélérant l’aile droite et donc celle-ci va gagner en portance, inclinant l’appareil vers la gauche. Pour sortir de ce virage, il suffira de mettre du pied à droite pour relever l’aile gauche toujours par roulis induit et revenir ainsi à l’horizontale.
Le pilotage va donc se faire par multiples actions sur le palonnier avec plus ou moins de dérapage à l’entrée et à la sortie de virage, notamment selon le dièdre de la voilure, mais avec de faibles inclinaisons réalisées successivement il sera possible d’orienter la trajectoire dans la direction recherchée pour aller se poser au plus vite… tout en prenant son temps.
Une perte de contrôle en roulis peut être partielle, c’est-à-dire liée à une déconnexion d’un aileron, l’autre restant actif… L’aileron déconnecté peut « flotter » dans l’axe du profil ou avoir un effet qu’il faudra contrer avec l’aileron encore actif, en jouant aussi sur la puissance pour limiter la vitesse et donc l’effet néfaste de l’aileron « débranché ».
– Lacet : là encore, sauf à voler sur des appareils à forte motorisation, les avions légers monomoteurs sont généralement exempts d’un compensateur sur l’axe de lacet. Le pilotage se fera en roulis seulement, avec de faibles inclinaisons pour éviter de partir en dérapage intérieur (« glissade »). Mais la perte de contrôle en lacet est normalement la plus simple à gérer car sur bon nombre de machines, dès lors que les virages sont effectués à de faibles inclinaisons pour s’affranchir d’un éventuel lacet inverse, l’usage des palonniers s’avère surtout utile au sol ou pour gérer des atterrissages par vent de travers. Le seul problème serait ainsi d’avoir à se poser ensuite par vent de travers, le choix d’une piste en herbe étant alors recommandé pour laisser les pneus se déformer pour encaisser la désaxe de l’appareil par rapport à la trajectoire au moment du contact avec le sol…
Pour aller plus loin…
Dans tous les cas, quel que soit l’axe de contrôle perdu, l’analyse du comportement de l’appareil doit être prudente, par petites touches sur les commandes actives – sauf si une réaction devenait nécessaire suite à la perte de contrôle lors d’une évolution serrée. Un pilote de voltige perdant la profondeur lors d’une verticale ascendante, n’a pas beaucoup de « portes de sortie » hormis l’éjection en sommet de trajectoire…
Sur des ULM, avec une structure simple et des commandes de vol visibles du cockpit et souvent à portée de main, il peut être intéressant d’analyser le circuit des commandes pour voir si une poulie bloque, ou si un câble est sorti de sa poulie, ou s’il s’est désolidarisé du reste de la chaîne de commande. Une action peut éventuellement permettre d’actionner le circuit de façon manuelle.
Sur certains avions, un blocage peut être temporaire car lié à un problème créé par un objet limitant le débattement des commandes. Un appareil photo, une caméra vidéo, une bouteille peuvent ainsi venir se loger au mauvais endroit comme un autre rapport récent du BEA a pu le mettre en évidence dans le cas des commandes de vol d’un DR-400 dont les deux manches sont liés par un U pouvant être bloqué une fois du roulis donné d’un côté. Si le retour du manche n’est plus possible, il ne faut pas forcer mais jouer sur le palonnier pour bénéficier du roulis induit et au contraire remettre de l’inclinaison le temps de dégager l’objet fautif – plus simple à dire qu’à faire mais le savoir à l’avance doit permettre d’avoir ce scénario à l’esprit !
Si certaines parties des circuits de commandes de vol sont inaccessibles à la vue – leur intégrité ne repose alors que sur la qualité de la maintenance… – d’autres les sont et doivent donc être analysées de près lors de la prévol (freinage des écrous avec des goupilles de sécurité, marques de couleur alignées, etc.). Le contrôle du sens d’action et du débattement des commandes de vol reste un fondamental lors des actions vitales avant décollage.
Tout ceci est évidemment théorique et rien ne vaut la pratique pour être prêt si besoin. Et cela est tout à fait faisable. Il suffit de prendre un instructeur en place droite et de « perdre » volontairement une commande de vol peu après le décollage avant de faire un tour de piste, l’instructeur assurant la sécurité. Un peu de maniabilité dans le secteur peut permettre de comprendre et de maîtriser le pilotage de l’aéronef ainsi « diminué ».
Avec un peu d’entraînement, il est alors possible d’effectuer un tour de piste en utilisant seulement le compensateur et les gaz, sans toucher au manche… Le plus dur est de bien doser l’arrondi. C’est là que l’instructeur en place droite doit jouer son rôle, en reprenant les commandes si besoin pour assurer un retour normal sur la planète. Dans un cas réel, on accepterait des dommages matériels, pas pour un simple entraînement à une panne qui reste quand même rare… ♦♦♦
Photo © F. Besse / aeroVFR.com