Un projet de parc photovoltaïque menace le site historique de La Montagne Noire.
En plaine mais encore plus dans les régions vallonnées ou montagneuses, les sites bien dégagés des aérodromes attirent régulièrement les convoitises. C’est tellement plus simple de venir s’y implanter en faisant fi des utilisateurs de la plate-forme…
C’est ainsi qu’il y a quelques années, l’aérodrome d’Aspres-sur-Buëch a été menacé par le projet mirifique d’une centrale solaire. L’instigateur de cette centrale – expérimentale, unique prototype d’installations prévues par la suite dans d’autres pays ! – avait réussi à convaincre les responsables du conseil général local sous couvert d’activité économique et de nombreux emplois à la clé qu’on leur faisait miroiter, même si le personnel aurait sans doute pu être compté sur les doigts d’une seule main une fois l’installation opérationnelle car le fonctionnement aurait été automatique.
Il aura fallu cependant plusieurs années pour que le projet se dégonfle, le préfet découvrant – enfin… – que les produits réfrigérants parcourant de nombreuses canalisations relevaient de la norme dite Seveso, le tout dans un secteur déclaré Natura 2000 ! Les inénarrables dirigeants du conseil général ont dans la bataille dilapidé plusieurs centaines de milliers d’euros de leurs contribuables en préemptant un aérodrome privé pour délocaliser les associations implantées sur le terrain du Chevalet, projet d’acquisition qui ne se fera finalement pas.
Serait-on dans un schéma similaire pour le projet de parc photovoltaïque de 6,8 hectares que la commune de Vaudreuille envisage d’implanter (plan ci-dessus) sur le site de l’aérodrome de La Montagne Noire, dont elle a récupéré la gestion de la part de l’Etat en 2006 ? Cet espace naturel, actuellement ouvert au public, ne sera plus en partie accessible si le projet prend corps car les panneaux solaires sont prévus à proximité immédiate des bâtiments de l’aérodrome historique. Certains de ces derniers ont d’ailleurs été inscrits à l’inventaire des Monuments historiques en janvier 2009. L’installation photovoltaïque remettrait par ailleurs en cause la piste de treuillage, également inscrite aux Monuments historiques, car les panneaux sont prévus sur la zone d’atterrissage…
L’aérodrome, lieu d’implantation d’un Centre national de vol à voile de l’Etat, de la Libération aux années 1980, et aujourd’hui cadre d’un musée aéronautique, est utilisé par plusieurs disciplines aéronautiques (vol moteur, vol à voile, aéromodélisme) et le dossier devrait donc concerner le Conseil national des fédérations aéronautiques et sportives (CNFAS)…
Géré par l’association Apparat, le musée volant d’aviation légère de La Montagne Noire compte 11 avions légers datant de 1932 à 1960, 20 planeurs de type différent de 1932 à 1975, 7 aéronefs en état de vol et 10 moteurs représentatifs de 1920 à nos jour. L’Apparat s’oppose également au projet photovoltaïque qui défigurerait son site à moins de 50 m du hangar de son musée, inscrit à l’inventaire des Monuments historiques… Les panneaux sont en effet prévus sur les pistes utilisées depuis 1932.
L’activité vélivole a déjà été remise en question en septembre 2019, lors d’un conseil communautaire la veille des Journées nationales du Patrimoine, les élus ne souhaitant pas reconduire avec l’association vélivole de La Montagne noire la convention d’occupation temporaire (AOT) du site suite au projet de parc photovoltaïque, le vol à voile étant finalement toléré…
Si les utilisateurs de la plate-forme ne s’opposent pas aux projets visant à promouvoir la transition énergétique – le massif de La Montagne Noire compte déjà 6 parcs totalisant plus de 70 éoliennes… – ceci doit se faire en respectant l’environnement. Or, le projet évoqué va nécessiter de lourds travaux avec notamment la mise en place d’une ligne électrique haute tension sur une distance de près de 10 km.
Le permis de construire le parc photovoltaïque a été déposé. Une enquête publique sera ouverte du 20 juin au 21 juillet, préalablement à sa délivrance. Si la Note d’information technique (NIT) concernant les « Dispositions relatives aux avis de la DGAC sur les projets d’installations de panneaux photovoltaïques à proximité des aérodromes » stipule bien que « certaines réflexions du soleil sur des installations photovoltaïques situées à proximité des aérodromes sont susceptibles de gêner les pilotes dans les phases de vol proches ou sol », notamment sir la zone d’implantation se trouve à moins de… 3 km, il est indiqué que les panneaux photovoltaïques « ne peuvent pas être installés dans les aires opérationnelles situées à proximité des pistes et des voies de circulation d’aérodromes ».
Par ailleurs, si une gêne visuelle est notée, les panneaux doivent être réalisés pour limiter la valeur maximale de luminance, pour être inférieure au seuil d’acceptabilité – point sur lequel le porteur de projet doit signer un document engageant sa responsabilité dans ce domaine, avec des panneaux anti-éblouissement. Or selon le dossier d’instruction du permis de construire, le porteur de projet n’aurait pas semble-t-il l’intention de passer à ce type de panneaux pour des raisons de rentabilité… Que fait la DGAC dans ce cas même si elle déjà donné un avis favorable au projet en janvier dernier bien que les distances entre panneaux et servitudes aéronautiques ne soient pas respectées ?
Une pétition a été mise en ligne. Par ailleurs, en tant que pilote et donc utilisateur potentiel de la plate-forme (par ailleurs à usage restreint), vous pouvez adresser vos commentaires et observations au commissaire en charge de l’enquête publique via ce lien ♦♦♦
Photos © GoogleEarth, Apparat