Ou comment apprendre à comprendre comment l’organisme humain fonctionne parfois à partir des erreurs des autres…
En juin dernier, un Cirrus SR22 arrivant sur l’aérodrome de Saint-Auban sur Durance entre en collision avec des arbres à l’issue d’un décrochage, après une phase de second régime à la suite d’une remise de gaz. Le BEA a publié un rapport d’enquête dont sont tirés les éléments ci-dessous.
Après avoir eu confirmation à la radio d’un pilote (le terrain est non contrôlé) que le vent soufflait du sud, le pilote du Cirrus a réalisé un tour de piste pour atterrir sur l’axe 202. En finale, après avoir visé comme point d’aboutissement l’entrée du terrain qui est une vaste prairie, il hésite et décale sa trajectoire vers la partie sud de l’aérodrome, ayant noté une bande revêtue.
Celle-ci, dénommée SE2 n’est qu’une bande d’accélération prévue pour les décollages d’attelages de planeurs. Orientée 015/195°, elle ne mesure que 290 m de long pour 7 m de large. Elle n’est utilisée que pour les décollages face au nord, permettant une meilleure accélération de l’attelage lors de l’accélération initiale.
Bien que ne connaissant pas la plate-forme, le pilote du Cirrus n’a pas réalisé avant l’atterrissage une reconnaissance à la verticale, pour prendre en compte la configuration particulière de ce « champ d’aviation » et noter au passage les faibles longueurs des différentes bandes d’accélération en béton. Le BEA note une préparation de l’arrivée insuffisante car « une lecture plus attentive de la carte VAC l’aurait alerté sur le fait que les bandes étaient réservées aux aéronefs basés et que leur longueur était bien inférieure à la distance d’atterrissage préconisée dans le manuel de vol ».
Mais le pilote étant habitué sur son aérodrome d’attache à une piste en béton de 850 m, « l’absence de marquage matérialisant l’axe d’atterrissage a pu générer une certaine confusion chez le pilote lors de la finale. Ainsi, la mini bande SE2, clairement matérialisée et pouvant s’apparenter à une piste, a pu représenter un repère familier », d’où son changement de stratégie en courte finale, sans prendre conscience des dimensions de cette mini bande.
Pourtant, les amis vélivoles qu’il venait voir à Saint-Auban « lui avaient indiqué qu’il pouvait atterrir où il voulait » mais « il n’avait jamais atterri sur des champs d’aviation où les pistes ne sont pas délimitées ». Le pilote a confirmé que « la bande revêtue a constitué un repère rassurant auquel il s’est raccroché dans un environnement qu’il ne connaissait pas ».
Le pilote s’est ainsi focalisé sur cette « piste » (phénomène de tunnelisation) sans remettre en cause son schéma mental. Après le toucher des roues, il a réalisé que la distance devant lui était insuffisante pour s’arrêter avant la fin de la « piste ». Il lui restait peu de temps pour initier la remise de gaz. Dans la précipitation, il a sans doute anticipé la rotation à une vitesse trop faible, mettant l’avion au second régime. De plus, il a laissé les volets sur la position Atterrissage, augmentant la traînée aérodynamique malgré les 310 ch de l’appareil.
L’arrivée dans le pare-brise d’arbres l’a conduit à augmenter l’assiette pour passer ces obstacles, diminuant la vitesse, entraînant un décrochage (inclinaison de 10 à 15° à gauche) et ne pouvant empêcher la collision avec les arbres. La remise de gaz est arrivée trop tardivement, elle aurait dû être initialisé avant le toucher des roues même si ce dernier n’a duré que 1 ou 2 secondes.
Le pilote (68 ans, PPL depuis 1999, 1.358 hdv dont 100 dans les 12 derniers mois, 32 hdv dans les 3 derniers mois dont 12 sur le SR22) et le passager (65 ans, PPL au 1.200 hdv et vélivole aux 1.000 hdv qui, à la lecture du rapport du BEA, n’est pas intervenu auparavant lors du changement de stratégie du pilote en finale) se sont extraits de l’habitacle, attendant ensuite les secours pour descendre du haut des arbres au moyen d’une échelle. Aéronef détruit, équipage indemne. ♦♦♦