« Ayez l’approche mentale d’un pilote d’essais » conseille Mike Busch.
Dans un article publié en novembre 2018 dans les pages de « AOPA Turbine Pilot Magazine » et repris dans la newsletter de son atelier de maintenance Savvy Aviation, Mike Busch donne des conseils aux pilotes en répondant à la question « Que faire quand vous récupérez un avion en sortie de visite technique d’un atelier ? ». Avec l’accord de l’auteur, nous reprenons
ci-dessous l’intégralité de cet article.
Un contrôle ? Mais il sort juste de visite…
Ma société emploie 14 mécaniciens dont 11 sont des mécaniciens avec des décennies d’expérience dans le domaine de la maintenance en aviation générale. L’autre jour, un client a demandé à l’un d’entre eux ce qu’il devait regarder durant la visite prévol immédiatement après une visite annuelle. Le mécanicien a jugé qu’il serait utile de créer une check-list « post-maintenance » à destination des propriétaires, aussi a-t-il posé la question du client à tout notre groupe. Une discussion animée s’en est suivie.
De nombreux propriétaires pensent que lorsqu’un avion a subi une visite annuelle, il a été minutieusement ausculté par des yeux bien entraînés et qu’il peut donc être certain que l’appareil est bon pour le vol. Les mécaniciens sont plus compétents. Le premier vol après de la maintenance est de loin le vol où il y a le plus de chance de rencontrer un problème avec l’aéronef. Après tout, il a été en partie démonté, inspecté puis réassemblé. Alors que le processus d’inspection est prévu pour révéler les problèmes, le processus de remontage reste vulnérable à l’erreur humaine.
Les points évidents
Notre groupe a commencé à jeter des idées sur ce que devaient contrôler les propriétaires après une visite technique – en plus de leur habituelle visite prévol. Au départ, la discussion s’est concentrée sur les évidentes pannes induites par la maintenance, souvent rencontrées après des visites annuelles. Les propriétaires devraient toujours être attentifs à des trappes d’inspection, des panneaux ou des carénages mal remontés, ou non serrés, et notamment de possibles vis absentes. Les attaches de capot-moteur doivent être vérifiées pour être certain qu’ils sont bien en place et verrouillés.
Les commandes de vol doivent toujours être vérifiées pour un débattement libre et correct, d’une butée à l’autre, pour s’assurer de l’absence de toute interférence ou d’un frottement. Les sièges doivent être vérifiés pour la sécurité, en vérifiant qu’ils sont correctement montés sur leurs rails avec les butées en place. Donnez un coup de lampe torche dans les entrées d’air, pour vérifier que rien ne se promène sur le dessus du moteur et que tous les baffles souples sont orientés dans le bon sens, vers le haut ou l’avant. Il est très facile de les orienter de travers quand le capot est remis en place.
Vérifiez le niveau de carburant, si possible avec « la tirette dans le réservoir ». Vérifiez l’huile et son niveau. Purgez du carburant au niveau de toutes les purges, dans un contenant transparent pour s’assurer de l’absence d’eau ou de particules. Faites un tour de l’appareil pour noter l’absence de tout dommage subi dans le hangar et si tout semble bien en place. Vérifiez la sécurité du compartiment à bagages, la trappe à huile et tout ce qui doit être fermé et verrouillé.
Démarrage et chauffage moteur
Il est temps de monter à bord. Vérifiez que tous les interrupteurs électriques sont sur Off et que tous les breakers sont bien poussés. Actionnez le master-switch et vérifier le voltage si un voltmètre est installé, pour s’assurer que le niveau de la batterie est correct (généralement 12 ou 24 volts). L’ampèremètre doit révéler une petite décharge.
Démarrez le moteur et vérifiez que la pression d’huile grimpe rapidement dans sa zone verte. Si ce n’est pas le cas dans les 10 à 15 secondes, coupez le moteur et appelez le mécanicien. Assurez-vous que le moteur tourne régulièrement au ralenti avec la manette de gaz tirée à fond. Si vous avez une instrumentation gérant les paramètres moteur, vérifiez l’affichage de la température des gaz d’échappement et que tous les cylindres sont actifs. Laissez le moteur au ralenti jusqu’à ce que les températures d’huile et des cylindres commencent à augmenter. Puis appauvrissez le moteur au régime maximum (le plus appauvri). Mettez en route l’avionique et vérifiez que toutes les lampes fonctionnent et qu’aucune odeur n’est ressentie.
Alors que vous débutez le roulage, actionnez les freins pour vérifier leur fonctionnement. Faites plusieurs S souples au sol pour vérifier la conjugaison et aussi que l’indicateur de virage fonctionne bien. Contrôlez également l’horizon artificiel et le directionnel pour vérifier que les données de cap sont cohérentes durant les virages au roulage.
Au point fixe, faites des essais moteur plus poussés, avec un cerveau en vigilance. Vérifiez que les freins tiennent bien l’avion et que les pédales sont bien fermes non pas spongieuses. Les essais magnétos doivent être parfaits, avec aucun signe de vibrations lors d’un passage sur une magnéto. Faites des régulations d’hélice, si applicable, et contrôlez que cela répond correctement. Vérifiez que tous les instruments électriques et moteur sont dans leurs plages vertes et que toute l’instrumentation est « normale ».
Avant le décollage, revérifiez que le débattement des commandes de vol est libre et dans le bons sens, sur toute la totalité de la course. Affichez la courbure pour le décollage, ajustez le compensateur, avec attention car il peut avoir été déréglé durant la maintenance.
Vol d’essai
Le premier vol après de la maintenance doit être traité comme un vol d’essai, et réalisé avec l’état d’esprit d’un pilote d’essai ou de réception. Cela doit se faire toujours lors d’une journée avec bonnes conditions VFR et sans passager (sauf, peut-être votre mécanicien s’il est volontaire pour vous accompagner). Restez vigilant, prêt à ce qu’un problème survienne. Dans les faits, attendez-vous à ce que quelque chose se passe mal.
Si vous être sur un avion à piston, soyez prêt lors de l’accélération au sol à effectuer une accélération-arrêt si la moindre chose semble anormale, des bruits, une sensation, une odeur. Ne décollez jamais avec un problème si vous pouvez l’éviter. C’est un peu différent avec un jet car l’accélération-arrêt peut être risquée.
Lors du vol après une visite annuelle ou toute autre opération importante de maintenance (un changement de cylindre par exemple), c’est une bonne idée d’effectuer quelques cercles à proximité de l’aérodrome avant de quitter le secteur pour pouvoir reposer rapidement l’appareil si quelque chose se passe de travers. Vous vous attendez à ce que quelque chose ne tourne pas rond, non ?
Regardez la pression d’huile, la température d’huile, les températures des cylindres et, si applicable, la température d’entrée d’air de la turbine. Vérifiez l’ampèremètre, et le voltmètre si vous en avez un. Essayez de voler avec les mains et les pieds retirés des commandes pour vérifier que l’avion vole droit. Vérifiez l’avionique – notamment le pilote automatique – et assurez-vous que tout ce qui marchait bien avant d’arriver à l’atelier marche toujours. Si des indications moteur ou électriques, des caractéristiques en vol ou des fonctionnalités de l’avionique ne sont pas celles auxquelles vous êtes habitué, revenez à l’atelier.
En recommandation, si vous quittez l’atelier et que vous rencontrez n’importe quelle anomalie que vous considérez comme importante, faites un 180° et retournez voir votre mécanicien pour qu’il enquête. Il est très frustrant pour un mécano d’avoir un propriétaire qui retourne chez lui pour ensuite donner un coup de téléphone annonçant un problème avec l’appareil, alors qu’il aurait été beaucoup plus simple de revenir à l’atelier pour régler aussitôt ce point.
Le jour est important…
Dans cette optique, reprenez toujours votre appareil durant les heures d’activité de l’atelier, jamais de nuit, lors d’un week-end ou de vacances, quand l’atelier est fermé. Ainsi, si vous découvrez un point négatif durant la prévol ou lors du vol de sortie de visite, votre mécanicien sera disponible pour le régler aussitôt. La prise en compte d’un appareil devrait se faire dans la matinée pour vous laisser des marges si le problème est rencontré en vol sur le chemin du retour, avec encore du temps pour faire demi-tour et régler le problème.
Ne récupérez pas votre avion le vendredi si vous pouvez l’éviter… L’activité peut devenir frénétique dans les ateliers le vendredi après-midi. C’est le moment où tout le monde veut récupérer son avion pour le week-end, surtout si ce dernier est prolongé. Les mécaniciens sont alors sous forte pression pour achever une visite et « sortir » l’avion, avec de nombreuses distractions causées par l’arrivée et le départ de plusieurs clients, faisant que la probabilité d’une erreur par un mécanicien devient plus élevée – erreur ou omission. Ce pourquoi il est plus judicieux de programmer la reprise d’un appareil sur tout autre jour que le vendredi.
Un dernier point
Enfin, ne reprenez jamais un appareil en sortie d’atelier de maintenance sans récupérer en même temps le carnet de route avec l’approbation signée de remise en service, et dans le cas d’une visite annuelle, confirmant que l’appareil est bien en conditions de vol. C’est un point gênant pour des ateliers de rendre des appareils à des propriétaires après maintenance avec la partie administrative non effectuée – surtout le vendredi.
Ce peut être un piège pour le propriétaire de l’appareil car il se met alors en infraction.
La réglementation prévoit et impose aux mécaniciens de préparer et de signer le carnet de route dès qu’ils interviennent sur un appareil mais sans préciser une exigence dans le temps. Un mécanicien pourrait ainsi attendre trois heures, trois jours ou trois mois pour remplir cette partie administrative sans contrevenir à la réglementation. Mais si le propriétaire vole avant que l’approbation pour remise en vol ne soit apposée et signée, il est en infraction. Soyez prévenus et n’acceptez jamais un carnet de route incomplet. ♦♦♦ Mike Busch
Autorisation de reprise courtesy Mike Busch
Traduction et photos © F. Besse / aeroVFR.com
Si vous lisez l’américain, deux ouvrages de Mike Busch à recommander pour ceux qui s’intéressent à la « mécanique ».
– Révolutionner la maintenance
– Mike Busch on engines