Et si vous utilisiez un détecteur de monoxyde de carbone ?
Si les accidents liés au monoxyde de carbone surviennent plus souvent en hiver, qu’il s’agisse d’événements domestiques ou aéronautiques, c’est que la plupart du temps le danger provient du système de chauffage, avec une mauvaise combustion ou des « fuites » dans les circuits. Mais ce gaz n’est pas forcément de « saison », il peut parvenir dans la cabine par diverses sources, en été comme en hiver, via une cloison pare-feu dont l’étanchéité n’est pas parfaite, via des entrées d’air en cabine, via des passages de commandes, etc.
Or ce CO est un danger impossible à détecter par l’organisme humain car il est à la fois inodore et incolore. La contamination de l’organisme humain peut être très progressive, qu’elle intervienne lors d’un unique vol ou par accumulation lors de plusieurs vols effectués à la suite sur un appareil (cas de l’instruction). Des signes avertisseurs peuvent progressivement prévenir le pilote ou l’équipage mais si les émanations sont élevées, il sera peut être trop tard pour réagir.
Aux maux de tête peuvent en effet rapidement suivre des nausées, une pensée confuse, des vertiges, voire des convulsions pouvant aller jusqu’au malaise, au coma et à la mort. Si le taux de monoxyde de carbone dans le sang se réduit de moitié en quatre heures, un fort degré d’intoxication va imposer un traitement sous oxygène, avec passage du patient en caisson hyperbare sous contrôle médical.
L’éventuelle infiltration de CO en cabine peut survenir plus facilement dans certaines situations : activation du système de chauffage avec de l’air réchauffé autour des tuyaux d’échappement dans le compartiment moteur sans que les « filtres » ne jouent leur rôle tandis que les aérations sont fermées limitant le renouvellement de l’air dans le cockpit, vols aux grands angles ou lors de montées initiales avec une surpression sous l’appareil pouvant modifier l’écoulement des gaz d’échappement, etc.
Pour détecter cette menace, le moyen le plus simple et le moins coûteux (environ 5 €/pièce) est d’installer un détecteur de monoxyde de carbone en cabine, sous la forme d’une pastille appliquée sur le tableau de bord, en vue du pilote. Le rapport coût/efficacité demeure excellent même si des détecteurs électroniques, plus coûteux, sont sans doute plus fiables. Mais il y a surtout quelques pièges à éviter avec le détecteur à pastille. Ces pastilles ont une durée de vie, généralement 18 mois (parfois 12…) pour ceux commercialisés dans le milieu aéronautique. D’où l’importance de bien renseigner la vignette, avec la date d’activation du détecteur à son ouverture, car après 18 mois, il risque de plus être actif…
Autre point à noter, sa coloration. Les deux extrêmes sont simples. A l’ouverture, la pastille est de couleur orange ou beige. Si la contamination par le CO est élevée, elle deviendra noire. Entre ces deux états, la pastille va s’obscurcir progressivement. Si l’impact du CO est faible, elle pourra prendre à certains instants une couleur grise mais… redevenir orange ou beige une fois l’appareil posé au sol, cockpit ouvert. D’où l’importance de surveiller régulèrement l’état de la pastille en vol…
Si en vol, vous notez un changement de couleur de la pastille, ou si un membre d’équipage ressent les premiers symptômes liés à la présence de CO (maux de tête, nausées…), il est important de couper le système de chauffage (souvent mis en cause dans ce type d’événement) et d’ouvrir les aérations pour bénéficier d’air frais. Il faut ensuite se poser le plus rapidement possible. Une fois au sol, ne pas hésiter à prendre contact avec les pompiers ou le SAMU, ou rejoindre l’hôpital le plus proche pour une vérification du taux d’oxygène dans le sang.
Sur le site du BEA, on trouve plusieurs événements où les équipages se sont reposés rapidement après changement de coloration du détecteur, ou se sont déroutés à la suite de problèmes physiques, mais aussi des événements où la cause supposée est une intoxication du pilote par le monoxyde de carbone allant jusqu’au crash mortel. Un exemple à lire concerne un DR-221 dont l’équipage, en instruction, a rapidement fait un tour de piste après un « virage » de la coloration de la pastille et des odeurs de gaz d’échappement ressenties en cabine peu après le décollage.
La cause identifiée par la BEA a été « l’absence d’étanchéité des deux orifices de passage des attaches des silencieux des deux collecteurs d’échappement », deux ouvertures suffisantes pour injecter du CO en cabine, notamment en montée initiale à faible vitesse. En 2005, la DGAC avait déjà recommandé « la mise en place de dispositifs de détection de monoxyde de carbone à bord des aéronefs d’aviation générale » tout en précisant que « le fonctionnement et la fiabilité de tels détecteurs n’ont pas été vérifiés ». Mais plusieurs rapports du BEA montrent que les équipages ont été prévenus par de tels dispositifs, même imparfaits, et à 5 €/pièce, faudrait-il s’en priver ? ♦♦♦
Photomontage © aeroVFR.com
Lien vers le rapport du BEA sur un cas de monoxyde de carbone en cabine.