Tribune libre pour un lecteur d’aeroVFR.com sur un sujet… de société.
Le texte qui suit a été adressé à la rédaction d’aeroVFR.com par un lecteur s’interrogeant sur certaines pratiques. Le contenu a été jugé d’intérêt général, son auteur nous a autorisé sa reprise intégrale…
Tribune libre
Dans ce qui suit, je cible FlightRadar24 (FR24) parce que leurs applications sont très accessibles et diffusées dans le grand public, mais il y a d’autres opérateurs dans le collimateur… Leurs services permettent de mieux anticiper les trajets vers les aéroports, les retards éventuels des vols commerciaux et c’est généralement mieux que ce que les compagnies de transport aérien proposent. Avec un abonnement, on peut retracer n’importe quel vol – départ, arrivée, photo, télécharger les trajets – si l’appareil a un transpondeur (ADS-B, éventuellement MLAT et FLARM en complément).
La généralisation des transpondeurs est une avancée technique nécessaire, qui trouve son origine dans une amélioration de la sécurité des vols. Nous adhérons à cela parce que nous aimons voler en sécurité et confortablement. Donc, aujourd’hui, c’est super de pouvoir profiter de services de vol, d’avoir un contrôleur capable de nous localiser, d’avoir l’information de trafic ou être guidé.
Mais, il s’agit d’une relation instantanée pour la sécurité des vols. Ces informations sont émises en RF dans un environnement limité au même titre que celles orales du commandant de bord avec son contrôleur. L’interception (note 1) de ces communications est sujette à caution, leur enregistrement, rediffusion mondiale sur internet est très discutable.
Lorsque, dans un but commercial, ces données locales sont interceptées et enregistrées pour être rediffusées avec la totalité des informations de vol, la finalité du système change totalement et pour le vol privé, cela devient une source d’information illicite. Certains d’entre nous flattent leur orgueil en montrant à tous l’ensemble de leurs déplacements sur FlightRadar24, mais ils n’accepteraient pas ce système pour leur voiture…
Et pourtant, le principe reste, nos déplacements et les données de ceux-ci sont privés. Les constructeurs automobiles installent des systèmes d’alerte, échange de données en temps réel, caméras et GPS. Mais ils sont soumis à des règles sur la transmission et conservation de ces données.
Pouvons-nous intercepter, décrypter les communications GSM et les rediffuser sur internet au prétexte qu’elles transitent dans l’atmosphère ? La réponse évidente est également applicable à l’aviation privée. L’usage fait par Flightradar24 est sorti de l’intention initiale. Il y a une opération de décryptage du signal ADS-B et la rediffusion du contenu sous une autre forme. Les ondes radio de mes appareils de vol ne leur sont pas destinés tout comme celles de mon GSM.
Nous n’imaginons pas pouvoir introduire une immatriculation de voiture sur Internet et recevoir sa position récupérée d’un signal de smartphone. Et pourtant, nous l’acceptons pour nos avions…Cette situation est rapidement évaluée à la lecture de la GDPR (Note 2) et les publications de la CNIL (Note 3). En application de conventions internationales, un registre des immatriculations, ouvert à la consultation, est obligatoire. Il nous relie personnellement aux informations publiées par FlightRadar24.
Le « flicage » de mes déplacements serait-il devenu licite au prétexte que j’émets ma position pour ma sécurité et celle des autres ? L’ADS-B est une avancée technique substantielle de laquelle nous recevrons beaucoup en termes de sécurité et de confort. Il est donc normal qu’elle s’oriente vers un caractère obligatoire. Elle sera plus efficiente si elle est utilisée par tous et sans appréhensions, simplement parce que nous utilisons le même espace.
Mon propos est de désavouer une récupération abusive qui n’apporte pas de plus-value au vol. Comme l’a mentionné récemment l’IAOPA dans sa newsletter de septembre (lire l’information intitulée « Your privacy and ADS-B »), seule une approche « opt-in » est soutenable, permettant de préserver le développement technique et le caractère privé de nos déplacements.
J’aime voler, car j’y trouve de la liberté… Enfin maintenant, je suis repéré en liberté… Fasse le ciel que je ne doive choisir entre liberté et sécurité ! ♦♦♦
Raphael V.
– Note 1 : il existe toute une série de kits permettant l’interception et l’interprétation des signaux ADS-B, au même titre que l’on peut acheter une radio d’écoute des fréquences aviation. Quelques bonnes volontés remontent ces informations aux serveurs de FR24 qui diffuse à ses abonnés. Peut-être qu’un jour, sur le même principe, FR24 diffusera la conversation entre le commandant de bord et son contrôleur…
– Note 3 : https://www.cnil.fr/fr/modeles/courrier voir Suppression des données vous concernant et Accès aux données de géolocalisation