Retour sur la gestion carburant suite aux nouvelles Opérations aériennes européennes.
Lors de la journée annuelle d’information de la DSAC Nord, Stéphane Hunault, pilote inspecteur, est revenu sur les nouvelles dispositions concernant la gestion carburant après la mise en application des Ops européennes le 25 août dernier.
Il est rappelé que ces Ops concernent les aéronefs (avions, hélicos) régis par l’EASA tandis que les appareils Annexe 2 (ULM, CNRA, CNRAC, CDNS…) sont toujours régis… par l’arrêté franco-français du 24 juillet 1991. Ce « retard » est mis sur le compte de la volonté de ne pas imposer d’autres modifications aux usagers de ces appareils et la DGAC n’a donc pas transposé ces dispositions européennes sur la réglementation française de ces appareils Annexe 2. Donc, si dans votre club, vous volez sur un CDN puis un CNRA, votre log de nav au niveau de l’emport carburant ne doit pas être le même ! Pas de commentaires…
Pour les pilotes volant sur avions certifiés EASA, donc la majorité des aéronefs utilisés en club, il faut oublier les 15 mn (minimum au retour d’un vol local), les 20 mn (réserve à l’arrivée d’un voyage de jour en VFR), les 30 mn (minimum au départ d’un vol local) mais pas les 45 mn (réserve à l’arrivée d’un voyage de nuit en VFR).
Les Ops européennes prennent en compte la trajectoire suivi (routes ATC), les réserves selon l’altitude de croisière normale (plus de réserve en régime économique façon franco-française précédente), le retard possible dû au trafic, les conditions météo et… toute situation susceptible de retarder l’atterrissage et/ou d’augmenter la consommation. Tout ceci doit amener le pilote à définir une quantité de carburant dont le résultat ne sera pas forcément très différent du calcul précédent mais ne doit plus suivre la même méthode. On devra donc oublier les 10% à rajouter au vent si ce dernier est mal connu (10% qui n’avaient pas de sens avec des vents forts…) et aussi l’alternative à l’arrivée.
La quantité de carburant devra donc prendre en compte :
– le délestage sur l’étape prévue, pouvant être calculée à l’avance en conditions « sans vent » avec un temps bloc-bloc prenant en compte la mise en route, le chauffage, le roulage, le point fixe, la procédure de départ et la même chose à l’arrivée en sens inverse… Un forfait départ et arrivée peut convenir en prenant des marges sur les gros aéroports où roulage et attente peuvent « diverger ».
– le dégagement, prévu par le CNO.OP.135 qui parle de « plan d’action de repli » ou l’OP.125 qui évoque une possible « nouvelle destination » en route tandis que les Règles de l’Air européennes (SERA) mentionnent un « plan de diversion ». Mais le mode de calcul n’étant pas précisé, il est recommandé, comme en IFR, de prendre le cas le plus pénalisant, soit un dégagement calculé à partir du terrain de destination et non pas un dégagement en route.
– les conditions météorologiques (vent)
– les routes ATC prévues, soit la prise en compte de possibles transits imposés, ou le passage contraint par des points d’entrée dans une CTR, ou encore un temps d’attente, voire un contournement obligatoire rajoutant de la distance, donc du temps, donc de la consommation…
– les retards du trafic…
– toute situation susceptible de… retarder l’atterrissage ou d’augmenter la consommation (absence de cône d’hélice ou de carénages de roues), sans oublier sa forme physique (fatigue) qui peut diminuer l’optimisation du vol (suivi de la trajectoire). Aucune valeur n’est donnée pour ce calcul. La philosophie recherchée par l’EASA serait de faire prendre conscience aux pilotes de tous ces cas de figure et non pas d’imposer une valeur « administrative ».
– la reserve réglementaire. Elle est de 10 mn lors d’un vol local… en vue de l’aérodrome. Elle est de 30 mn de jour, vol local ou navigation. 45 mn en navigation de nuit. Il n’est pas interdit à un opérateur (aéro-club) ou un pilote de rajouter sa propre réserve supplémentaire s’il le souhaite.
La question se pose alors de savoir si cette réserve doit se trouver à bord une fois l’appareil posé à destination. Les textes insistent au niveau de la gestion des vols sur la nécessité de vérifier le bilan carburant « à intervalles réguliers »… Une version « casque à boulon » indique donc que si la quantité va être entâmée avant destination, il faut soit se dérouter, soit faire un atterrissage… de précaution (!), soit consommer sa réserve pour arriver à destination. Nous reviendrons sur le sujet plus bas…
On évoque alors les notions de Minimum Fuel ou de Mayday Fuel à diffuser sur la fréquence… mais il apparait que ce sont des notions réservés au transport public et non aux opérations VFR. La DSAC Nord veut que l’établissement du log de nav ne prennent plus des « litres » mais des « minutes » pour avoir un temps de vol possible, quitte à transformer le temps disponible en litres à la fin… Les forfaits départ et arrivée étant plutôt en litres qu’en minutes, avec des consommations faibles par rapport à la croisière, il faudra surtout ne pas se mélanger entre litres et minutes !
La DSAC recommande – même si les textes ne rentrent pas de ces détails, heureusement… – d’établir deux bilans carburant. Le premier sans vent, peut être réalisé plusieurs jours avant la nav prévue. Le second prendra en compte les paramètres du jour, avec toutes les contraintes possibles, histoire de pouvoir comparer la différence de quantité entre les deux valeurs.
Une fois tout ceci entendu, on apprend que les Ops européennes, mises en application le 25 août dernier – soit à peine trois mois ! – vont être amendées prochainement, courant 2017, sur ces points concernant le carburant ! Les réserves indiquées ne changeront pas mais ces dispositions seront sorties du règlement pour rejoindre l’AMC (Acceptable Means of Compliance, soit le texte définissant les conditions de mise en conformité).
Le passage des réserves dans l’AMC et non plus « gravées dans le marbre » de la réglementation prennent en compte aussi les évolutions techniques qu’il s’agisse des EFIS et débit-mètres (fuel flow) qui permettent désormais un suivi au litre près, ou des « consommations » spéciales à venir avec les motorisations électriques.
La nouvelle orientation devrait indiquer que la réserve finale est une quantité de carburant que le pilote devra « sacraliser » jusqu’à l’atterrissage à destination. Elle devra donc être à bord à destination, que celle-ci soit prévue ou non (déroutement).
Enfin, la réglementation VFR devrait intégrer les notions de Minimum et Mayday Fuel. Ceci pourrait être utile si le vol doit être poursuivi avec la réserve entamée… Le Minimum Fuel indique une arrivée à destination avec la réserve pouvant être entamée. Il s’agit donc de demander au contrôleur si du retard est prévu à l’arrivée mais ce n’est pas une demande de priorité. Le contrôleur pourra demander l’autonomie restante. Pour avoir la priorité à l’arrivée, le vocable « Mayday Fuel » devra être utilisé, indiquant cette fois une réserve bien entamée. ♦♦♦
En bonus : lors de cette réunion d’information, il a été précisé pour les utilisateurs de balise de détresse portable (PLB) que lors de contrôles, il est nécessaire que celle-ci soit réellement « portée » par le pilote ou un passager. La trouver dans la boite à gant ou, pire, dans le coffre à bagages, ne serait pas bien vu…
Photo © F. Besse/aeroVFR.com