Un rotatif 9-cylindres de 130 ch en cours de rétro-construction…
Les moteurs rotatifs – le vilebrequin est fixe et c’est le moteur, lié à l’hélice, qui tourne… – ont eu leur heure de gloire aux débuts de l’aviation. Légers, simples à refroidir et avantageux en terme de masse spécifique, ces moteurs fiables et robustes ont régné en maître jusqu’au début de la Première Guerre mondiale. Ils n’ont pu suivre l’augmentation continue de la puissance avec les problèmes de couple gyroscopique induits par leur principe de fonctionnement.
Dans ce domaine, deux sociétés étaient en pointe, Gnome & Rhône et Clerget-Blin. Pour Clerget, le groupe 9B (un 9 cylindres développant 130 ch) rencontrera le succès, faisant partie des 10.000 et quelques moteurs produits par le motoriste. De cette aventure technique, il reste aujourd’hui peu de documents techniques, de plans d’usines d’où l’idée de lancer un projet de numérisation CAO d’un Clerget 9B. « Dans un objectif de sauvegarde et de valorisation du patrimoine industriel français », tout en utilisant les outils de l’ingénieur d’aujourd’hui, Frédéric Rossi – Ecole nationale supérieure des Arts & Métiers, maître de conférence au LaboMap – a relevé le défi avec la rétroconception d’un « rototo ».
L’association des Ailes anciennes (Le Bourget) a prêté un moteur qui a pu être expertisé. Chaque pièce a été repérée, démontée, photographiée, pesée, analysée chimiquement et métallographiquement. Des mesures géométriques ont été faites ainsi que des analyses de l’état de surface et la détermination des jeux, avant d’identifier les divers procédés d’usinage. Des outillages de démontage ont été refabriqués.
Puis il a été fait appel à la CAO (Conception assistée par ordinateur) pour définir et concevoir différentes pièces, obtenues à l’époque en fonderie ou en forge. Ceci a permis des simulations numériques. Comme exercice pratique, la pompe à huile Clerget a été prise en exemple. Elle injectait de 5 à 10 litres d’huile de ricin par heure dans les divers organes en mouvement du 9B. Le principe de rétroconception est allé jusqu’à la fonderie de certaines pièces avec coupes des éprouvettes pour analyse métallurgique de la pièce.
Lors du prochain Colloque de Cachan (10-11 juin), Frédéric Rossi détaillera l’ensemble de ce programme de rétroconception d’un moteur rotatif Clerget 9B, avec les enseignements tirés de l’expérimentation et notamment les erreurs à éviter en CAO lorsqu’il s’agit non pas de pièces taillées dans la masse mais moulées ou forgées, sachant que 70% de la réalisation d’une pièce se font au niveau de la CAO et CFAO (Conception et fabrication assistées par ordinateur). ♦♦♦