Evolution de l’industrie américaine dans le domaine de l’aviation générale.
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, tous les constructeurs d’avions militaires aux Etats-Unis, voyant leurs marchés étatiques décroître rapidement après la fin des hostilités, ont cherché à se diversifier. Ils ont cru que les milliers de pilotes formés au combat, sur chasseur ou bombardier, allaient souhaiter continuer à voler pour leur propre compte, après avoir découvert les « joies du pilotage ». Cela a semblé marcher au début, avec 15.213 avions vendus aux Etats-Unis en 1946, les commerciaux des trois « grands » (Cessna, Beechcraft, Piper) croyant au concept de « un avion dans chaque garage »…
La suite ne sera qu’une longue descente des chiffres de production – malgré quelques pics rencontrés dans les années 1960/1970, pouvant atteindre 18.000 unités annuelles – pour passer sous la barre des 4.000 avions produits ces dernières années si l’on prend compte les jets d’affaires et les avions à turbine. Pour les pistons, le total annuel oscille désormais autour des 1.000/1.200 appareils à l’année pour les principaux constructeurs… mondiaux réunis au sein de la General Aviation Manufacturers Association (GAMA).
Un exemple : pour le Beech Bonanza, vendu à 1.500 exemplaires les deux premières années de sa production, on atteint désormais une moyenne annuelle de seulement 30 machines. Avec sa gamme de monomoteurs, Cessna atteint les 220 et quelques monomoteurs annuels ces dernières années, un cran en dessous de Cirrus Aircraft qui trône en tête depuis plus d’une décennie avec plus de 300 avions à l’année, loin devant Piper Aircraft (environ 170 unités). En Europe, Diamond Aircraft (environ 200 machines annuelles) et Tecnam (190) tirent bien leur jeu.
Mais si ces chiffres globaux sont en baisse continue depuis les années 1950, ou stables à un minimum ces dernières années, certains constructeurs américains sont passés sous capitaux étrangers, notamment chinois. Il faut notamment citer… Cirrus Aircraft et Mooney Aircraft sous capitaux chinois depuis quelques temps tandis que Piper Aircraft est devenue propriété du ministère des Finances du… Brunei. Au même moment, Continental Engines est également passé sous direction chinoise.
Ainsi, on note un désengagement américain de ce marché depuis au moins une décennie. Mike Moor, qui a participé à la remise en état d’un Windecker Eagle pour le compte du propriétaire chinois des droits de production, le constate. Sur un forum, il précise que les « Etats-Unis pourraient sauver leur industrie Aviation générale mais les Américains n’ont pas la volonté de continuer à investir dans ce domaine. Ils ont pourtant l’argent pour faire tout ce que les Chinois font, acheter et dynamiser certaines sociétés ».
La raison ? « Ils préfèrent investir dans le court terme, souhaitant bénéficier de rapides et importants retours sur investissement. Qui ne le ferait pas d’un point de vue purement financier ? ajoute-t-il. Si j’avais le choix entre d’un côté « devenir riche rapidement » et de l’autre, « devenir un peu moins riche, ou tout juste équilibrer, voire faire faillite », le choix serait rapidement fait », précise Mike Moor qui est étonné de constater « qu’un nouveau monomoteur tout neuf peut atteindre 600.000 à 800.000 dollars, voire plus d’un million de dollars pour un Piper Malubu. Si un véhicule type pick-up est commercialisé autour de 50.000 dollars, il n’est pas réaliste en effet d’imaginer un monomoteur vendu entre 60.000 et 80.000 dollars ».
Or, « concevoir et développer un nouveau monomoteur de nos jours, faire voler un prototype et ensuite obtenir la certification, est un projet à évaluer entre 40 et 60 millions de dollars. Il n’y aucune chance de rentrer dans ses frais avec des machines vendues 60.000 à 80.000 dollars, avec un nombre de commandes insuffisant et un coût de développement qui est beaucoup trop élevé. Tous les coûts ont augmenté de façon exponentielle ces 25 dernières années. Une partie du problème provient de la façon de penser de notre société. Par exemple, on trouvait jadis des fontaines partout et l’eau était gratuite. Désormais, de l’eau en bouteille est vendue plus chère que le carburant, mais les gens continueront à acheter de l’eau en bouteille. A plus d’un dollar la bouteille d’Aquafina, c’est plus de 4 dollars le gallon US d’eau qui est aussi disponible gratuitement ».
Aussi, pour améliorer la situation et limiter l’évolution actuelle de l’industrie américaine de l’aviation générale, selon Mike Moor, il faudrait :
– « diminuer le coût d’une certification. Celle-ci est trop coûteuse et trop longue, avec un impact important sur le prix de vente d’un avion ».
– « une meilleure réglementation. Elle devrait servir de catalyseur à l’innovation, mais à la place, elle brime cette dernière. Notamment quand on souhaite installer des équipements modernes sur des cellules anciennes ».
– « assurance-produit. Avec des avocats toujours prêts à « rentabiliser » le moindre accident, que le pilote soit ou non responsable, les frais juridiques engagés ajoutent encore au prix de vente d’un appareil ».
Sur ce dernier point, on se souvient que dans les années 1980, Cessna Aircraft avait suspendu pendant plusieurs années toute production de monomoteurs à pistons, suite à des procès intentés aux trois grands constructeurs par des pilotes, ou leurs ayants-droits, après un accident parfois aux commandes d’avions âgés de plus de 30 ou 40 ans, et pas toujours entretenus correctement. Il avait fallu attendre une nouvelle législation pour que le constructeur de Wichita relance sa gamme de 172, 182 et 206… ♦♦♦