Une étude australienne pour améliorer la veille anti-collision en vol.
Publiée en 1991, une étude du BEA australien reste toujours d’actualité. Son sujet : les limites du principe du « voir et être vu ». Si le « voir et être vu » est utilisé pour la veille anti-collision, le principe n’est pas fiable à 100% comme plusieurs accidents survenus ces dernières années l’ont montré. Il faut noter que les collisions en vol n’arrivent pas en règle générale par mauvaises conditions météo mais au contraire souvent par excellentes conditions, quand le nombre d’appareils en vol est important.
L’étude rappelle ainsi que la probabilité d’une collision en vol est proportionnelle au nombre d’appareils en vol, dans un secteur donné, d’où des risques accrus à proximité d’un aérodrome ou d’une balise de radionavigation. Une étude américaine a été menée par le passé avec 24 pilotes placés aux commandes d’un Beech Bonanza en navigation VFR. Officiellement, il s’agissait d’une étude portant sur gestion de la charge de travail en vol, avec la précision donnée aux pilotes de bien indiquer tout trafic identifié en vol.
Un bimoteur Cessna 421 a ensuite volontairement été mis sur une trajectoire convergente avec le Bonanza et 36 des situations conflictuelles sur les 64 suscitées ont seulement été identifiées par les pilotes, soit 56% des expériences. Il est rappelé que le « voir et être vu » impose de… regarder dehors le maximum du temps de vol, que le pilote doit s’efforcer de chercher de possibles trafics conflictuels dans sa vision périphérique avant de décider de l’évolution de la trajectoire pour éviter l’autre trafic. En cas de doute, la meilleure solution pour se faire voir de l’autre appareil est d’allumer ses phares mais aussi de changer de trajectoire pour modifier la vision de votre aéronef (modification dynamique de la silhouette).
Les limites du « voir et être vu » proviennent donc de la technique de scanning de l’environnement extérieur mais aussi des angles morts dus à l’appareil, des limites de la vision humaine, de la charge de travail à bord limitant la veille anti-collision. Une étude a montré que les pilotes VFR passent 50% du temps de vol avec le regard vers l’extérieur, contre 20% pour les pilotes de ligne évoluant en IFR avec la protection accrue du contrôle aérien. Si le « voir et être vu » reste globalement efficace, le principe reste donc insuffisant, d’où la mise au point de divers équipements allant du TCAS au Flarm pour compléter les moyens de prévenir une collision en vol.
L’étude pointe les paramètres additionnels comme la présence de plus en plus marquée de « glass cockpit » poussant les pilotes à regarder plus à l’intérieur du cockpit qu’à l’extérieur de leur aéronef. Les limitations de la vision humaines sont rappelées avec un champ périphérique d’environ 190° maximum, imposant de tourner régulièrement la tête pour augmenter le secteur analysé.
Après 55 ans, surtout chez les hommes, le champ visuel se réduit. L’analyse du champ visuel impose également des temps d’arrêt de quelques secondes pour bien identifier ou non la présence d’un autre aéronef, d’où un balayage complet prenant du temps. L’oeil humain voit égalemnet moins bien pile dans l’axe du nerf optique que légèrement de chaque côté de la rétine, d’où la nécessité de tourner sa tête pour limiter ces effets.
Les angles morts imposés par les montants des cabines peuvent être importants, limitant le champ visuel, d’où la nécessité encore de bouger la tête pour limiter ces effets. On note au passage que l’avion américain moyen (Mooney, Piper, Cessna) bénéficie d’une visibilité vers l’extérieur bien moindre que l’avion européen moyen (Robin, Issoire Aviation, Diamond).
De plus, l’oeil humain est sensible au mouvement. Or, deux appareils sur des trajectoires menant à la collision seront sur des gisements constants, sans mouvement relatif marqué…
Il faut également prendre en compte les vitesses de rapprochement, qui s’additionnent dans le cas d’appareils devant se croiser de face. Avec un chasseur croisant à 450 Kt, la vitesse de rapprochement atteint les 1.000 km/h pour un avion, un ULM ou un hélicoptère croisant à 200 km/h ! Tout en notant que vu de face, l’avion à identifier présente alors un maître couple très faible, augmentant encore plus la probabilité de ne pouvoir le détecter à temps. L’arrière-plan peut aussi compliquer la recherche des autres trafics en les « noyant » dans un fond difficile à analyser.
Une fois un appareil sur une trajectoire conflictuelle identifié, la mise en place d’une manoeuvre évasive prend du temps. Une étude de la FAA indique que plus de 12 secondes seront nécessaires entre l’identification de l’appareil et le changement de trajectoire réel avec successivement la découverte d’un objet se déplaçant, l’identification de ce dernier comme un aéronef, la prise en compte de la trajectoire conflictuelle, la prise de décision sur la manoeuvre à mettre en place, le temps d’action musculaire et l’inertie de l’appareil.
Le point le plus important est le choix de la manoeuvre « évasive ». Car une mauvaise réaction peut augmenter encore plus le risque de collision… Ainsi, dans un risque de collision frontale, le risque est moindre si les appareils maintiennent leurs ailes horizontales, avec une action évasive uniquement dans le plan vertical. Alors que si l’un ou les deux pilotes décident de partir en virage serré, l’inclinaison des voilures augmente le risque d’une collision… Ceci ne doit pas interdire une action en roulis mais dans certains cas, une inclinaison brutale n’est pas forcément la solution optimale… Le schéma ci-dessous montre bien les différentes surfaces mises en jeu selon le choix du ou des pilotes.
En conclusion, l’étude pointe le fait que le faible nombre de collisions en vol est dû en partie au principe « voir et être vu » mais aussi au faible trafic. Si le principe peut fonctionner avec des appareils évoluant à faible vitesse, ce n’est plus le cas si le différentiel est important (vitesse de rapprochement élevée). Les limitations de la vision humaine ne peuvent pas évoluer mais les pilotes peuvent améliorer leur technique de balayage visuel. Il est rappelé qu’un pare-brise propre et sans criques améliore la situation.
L’usage des strobes (feux à éclat) peut améliorer la situation dans le cas du survol d’un environnement chargé ou d’un ciel sombre, mais c’est moins le cas dans un ciel clair. L’usage d’un feu anti-collision, surtout s’il est de couleur rouge et non pas blanche, n’a pas montré d’amélioration sensible de la détection.
C’est vu ? ♦♦♦
Eric Benoit dit
Une étude du BEA français, à l’occasion de la collision d’un ULM et d’un Mirage 2000 confirme ces éléments. Il y est détaillé la « bonne façon » de faire un scan visuel… et, de mémoire, il faut fixer plusieurs secondes chaque 10° du champ visuel. On est loin du coup d’oeil circulaire que pratique la plupart des pilotes. :-/