Jean Delemontez, le père des avions Jodel et dérivés…
Jean Delemontez est décédé hier, 7 juillet. Il avait 97 ans. Retiré à Ronce-les-Bains depuis de nombreuses années tout en suivant toujours l’actualité aéronautique de près, Jean Delemontez est à la base de nombreux avions qui ont accompagné la pratique du vol moteur pendant plus de cinquante ans, en France mais aussi en Europe. N’ayant pu suivre, faute d’une bourse, les cours des Arts & Métiers, il s’était formé en autodidacte à la conception d’avions, avec de multiples projets imaginés à la fin des années 1930-début des années 1940.
Devenu mécanicien dans l’armée de l’Air après un passage par l’école de Rochefort, affecté au groupe de chasse III/7, il passera la Bataille de France comme mécanicien sur Morane-Saulnier MS-406, ses talents en mécanique ayant été remarqués, l’empêchant ainsi de devenir pilote. Il témoigne d’ailleurs sur cet épisode de sa vie aéronautique dans l’ouvrage récemment édité par Lela Presse, « Furies et Crocodiles : Morane au combat dans la Bataille de France », par Rémi Baudru. La fin de la guerre sera passée au sein de services techniques, dont le bureau d’études du constructeur Amiot. C’est là qu’il imagine, sur son temps libre, ses propres avions.
Après guerre, revenu en Bourgogne, il travaille dans la société de son beau-père, Edouard Joly, également passionné d’aviation. C’est ainsi que Jean Delemontez va concevoir et construire son premier appareil à prendre l’air, le D-9 (son neuvième projet), plus connu sous son nom de baptême, le Bébé Jodel – Jodel pour JOly et DELemontez, de gauche à droite sur la photo ci-dessous. Les plans ont été directement dessinés sur les planches de contreplaqué et il s’agit pour les deux instigateurs de réaliser un unique appareil pour voler à moindre coût.
Mais la machine est performante et attire l’attention. Une liasse de plans sera donc établie et des centaines de Bébé Jodel vont voir le jour. La société des Avions Jodel est créée en 1946 à Beaune. Jean Delemontez souhaite alors réaliser un triplace avec un 90 ch mais un marché de l’Etat va l’obliger à concevoir une version biplace du D-9, soit le D-11 dont le dérivé le plus connu sera le fameux Jodel D-112 sur lequel des milliers de pilotes français seront formés dans les années 1960…
Entre-temps, le projet de triplace a été repris par un instructeur de l’aéro-club de Dijon-Longvic, un certain Pierre Robin. Ce dernier, après avoir trouvé à Darois un nouveau site d’implantation pour son aéro-club, va construire plusieurs biplaces Jodel et son triplace. Avec de nombreux clients intéressés par cette dernière machine, Pierre Robin et sa femme Thérèse vont alors créer la Centre Est Aéronautique (CEA) – future société des Avions Pierre Robin – et se lancer dans l’industrialisation du concept de Jean Delemontez.
Sous la désignation DR (Delemontez-Robin), une imposante gamme d’appareils va ainsi voir le jour, fruit de la conception signée Jean Delemontez et de la mise en production par le couple Robin. Ce seront les Ambassadeur, Sicile, Sicile Record, DR-253 puis les DR-300 et DR-400 dont de nombreux modèles volent encore au sein des aéro-clubs français. Pour avoir son « concepteur » sous la main, Pierre Robin fera même construire un pavillon pour que Jean Delemontez, surnommé le « chef » par les ouvriers du constructeur, habite à quelques mètres de l’usine de Darois… Sur la photo ci-dessous, Jean Delemontez discute avec Pierre Robin devant le DR-253, premier Jodel à train tricycle.
Les avions Robin vont grandement participer à l’essor de l’aviation légère en France durant les Trente Glorieuses. Jean Delemontez rechignera parfois sur les améliorations voulues par Pierre Robin, comme le passage du DR-300 au DR-400 avec sa verrière coulissante, le concepteur préférant faire « simple » et léger, sans vouloir prendre en considération les attentes des « clients », avec des « améliorations » qu’il juge inutiles ou trop lourdes…
En complément de cette prolifique famille d’avions industrialisés à Dijon-Darois, Jean Delemontez – qui ne sera jamais salarié des Avions Robin, préférant garder son indépendance – a également travaillé pour le compte de la Société aéronautique normande (SAN), qui va produire sous licence CEA certains DR à train classique. C’est à Bernay que sera ainsi mis en vol sa 14e conception, le D-140 Mousquetaire diffusé par la SAN, monomoteur toujours d’actualité notamment pour le vol en montagne.
Jean Delemontez a également développé plusieurs appareils destinés à la construction amateur, après le Bébé Jodel. Il faut ainsi citer notamment les D-18, D-19 et D-20, des biplaces côte à côte reconnaissables comme tous les DR à leurs ailes « à la Delemontez », avec les parties trapézoïdales des voilures affectées d’un dièdre important. Avec son franc-parler, ses expressions imagées et son approche de la conception d’un avion léger, Jean Delemontez était vraiment un concepteur « à part ». L’aviation légère française lui doit énormément… ♦♦♦
Les obsèques de Jean Delemontez sont prévues ce vendredi 10 juillet à 15h00, à Saint-Georges des Coteaux (17).